UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Francisque Sarcey

Littérature générale (1888)

L’ESPRIT DU BOULEVARD

Le jeune Alfred de C..., ayant besoin d’argent, s’en alla crier famine chez un juif de sa connaissance, qui lui répondit naturellement

- Je n’ai pas d’argent, mais j’ai du vin de Champagne. Combien vous faut-il ?

- Dix mille francs.

- Prenez pour trente mille francs de vin et je vous trouverai acheteur.

Les vins furent envoyés et l’acheteur se présenta. Il offrit vingt-cinq sols par bouteille de sept francs cinquante. M. de C... s’indigna

- Puisqu’il en est ainsi, s’écria-t-il, je garde les vins.

- Réfléchissez, dit l’acheteur, je repasserai.

L’affaire en était là quand M. de C... reçut une certaine somme, je ne sais quelle dette de jeu qui était restée impayée jusqu’à ce moment.

Très bien ! pensa-t-il, cela me permettra d’attendre et de vendre mes vins à leur prix. »

Il recevait quelques amis ce jour-là. On déboucha le champagne. C’était de l’eau.

M. de C... courut chez son homme.

- Je vous tiens à mon tour, lui dit-il. Vous m’avez fourni pour trente mille francs d’eau de Seine.

- Mon Dieu ! Monsieur, répondit l’usurier, voilà vingt ans que je livre ce champagne un jour, et que je le fais racheter le lendemain. Si c’était vraiment du champagne, ce serait un capital perdu !

1888