UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Accueil > Encyclopédies > Anthologie du Champagne > Georges Bataille

Georges Bataille

Littérature générale (1947)

LA HAINE DE LA POÉSIE

Je n’étais pas sorti depuis des mois. J’allais à Tabarin comme à une fête, brillante de lèvres et de sexes faciles. [...] J’étais ivre au moment d’entrer. [...] Je dus commander pour moi seul une bouteille de champagne. En peu d’instants je la vidai. L’ivresse à la fin m’assomma : quand je sortis de l’hébétude, le spectacle était terminé, la salle vide et ma tête davantage encore.

1947

JULIE

Au début de la seconde guerre mondiale. Pensant que son amie Julie le trompe, Henri a voulu se suicider. Il en a réchappé. Julie vient le retrouver dans sa chambre de convalescent.

La femme de ménage revint, portant un panier de bouteilles et un seau à laver contenant de la glace. [...] Julie [...], tournant une bouteille dans la glace

- Elle sera froide dans dix minutes.

- C’est long, dit Henri. [...] La guerre va durer aussi. Nous n’avons pas fini d’attendre.

- Tu attends la paix ?

-  Mais non. C’est fini, je n’attends rien. - Le champagne ? - Ah mais oui ! protesta-t-il avec une ardeur juvénile. [...] On attend ? - Non, dit Julie. Je l’ouvre. Elle enleva un bouchon et remplit les verres. Le champagne moussa. - Il est frais, dit-elle, il sort de la cave. Elle aida Henri à boire.
Arrive le père d Henri, angoissé.

-  Il va bien, dit Julie, il n’est pas en danger. [...] Henri regarda son père et dit posément - Du champagne. M. Hacque un instant respira. Il prendrait la bouteille et verserait le vin dans un verre. Cela n’avait rien d’insensé. - Les trois verres, dit Henri. Son père emplit deux autres verres. [...] Ils burent ensemble. Le champagne froid était délicieux.

DIVINUS DEUS

Pierre, très jeune, avec Réa qui, amie de sa mère, entreprend sa conquête.

Dans un bruit de rires et de baisers, je mis dans les mains des verres que j’emplis. Le champagne les débordait. [...] (Réa me regarde encore aujourd’hui de la même façon mais aujourd’hui son beau visage [...] est retiré de la magie du champagne débordant. [...])

Dans une maison de "massages" :

La fille en tablier blanc me demanda

- Voulez-vous du champagne ? [...]

Je la suivis dans une chambre sans fenêtre. [...] Une bouteille attendait dans un seau et mon visage minuscule se déformait dans le cristal des verres.

- Je m’appelle Thérèse, dit la fille, toujours sur le ton de l’indifférence. Vous êtes l’invité de Mme Louise. [...]

Elle ouvrit la bouteille et versa le champagne dans les verres. C’était un excellent champagne et j’avais soif. Je bus le verre d’un trait.

Elle dénoua son tablier. Le devant de sa robe se déboutonnait : un à un, lentement, les boutons sautèrent, après quoi elle enleva cette robe comme

une veste. Elle était nue par-dessous. [...] Elle [...] s’étendit sur une sorte de sofa et fit tourner la bouteille dans la glace. [...]

Elle emplit les verres et nous les sifflâmes très vite, comme on siffle sur un quai si le train démarre.

1971 OEuvres complètes OEuvre posthume