UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Vicki Baum

Littérature générale (1936)

LA CARRIÈRE DE DORIS HART

A Constantinople, entre les deux guerres.
Sur la table, du champagne et du caviar les attendaient. Falsifiés l’un et l’autre, ils étaient bon marché et mauvais. Doris but vivement son premier verre et le tendit au garçon pour en avoir un second. Mais René s’empara de la bouteille et servit lui-même. « Buvons à Joujou, l’enfant de notre amour », dit-il. [...] Joujou était installé à côté du seau à champagne.
Traduit de l’allemand.
1936

GRAND OPÉRA

Au Metropolitan Opéra de New York, au premier entracte de "Carmen". "Madame" est une grande cantatrice.

Très contente d’elle-même, Madame rentra dans sa loge. Slickum la suivait de près, porteur de deux bouteilles de champagne qu’elle avait réquisitionnées à la réception de presse chez Sacha. Le champagne jouait un grand rôle dans une idée qu’elle avait mise au point pour animer un peu Don José et permettre à ce jeune Américain de chanter convenablement le duo d’amour du deuxième acte. [...] Elle était sûre de pouvoir mettre une étincelle de vie dans le jeu de Don José.

Slickum déposa les deux bouteilles de champagne dans le lavabo, fit couler l’eau pour les tenir au frais. [...]

La porte s’ouvrit timidement, livrant passage à Don José. [...]

- Entrez, entrez, dit-elle. J’ai à vous parler. [...] Asseyez-vous, mettezvous à votre aise. Nous allons boire un verre de champagne à votre succès...

Elle fit sauter le bouchon, versa le champagne et dit : « A votre santé... »

Tout en buvant, elle souriait au-dessus de sa coupe. Bob ingurgita ce breuvage désagréable, sucré et pétillant, par pure courtoisie, en espérant que cela ne nuirait pas à sa voix. Madame le força à vider son verre, qu’elle remplit aussitôt. [...]

Madame explique à Bob comment chanter le legato - La Nuit - et comment Don José doit embrasser Carmen.

Robert se libéra de l’étreinte, se leva. [...] Il entrevoyait vaguement ce que Kati voulait. Pour rien au monde il n’en aurait été capable. Pour lui, elle était simplement Kati Lanik, une vieille prima donna [...] qui faisait trop de simagrées. [...] Son legato ne valait pas cher, il le savait. Elle n’avait pas besoin de lui en faire la remarque. Il but encore un verre, qui lui parut moins douceâtre que le premier et le second. [...] II ne s’aperçut pas qu’il en buvait un quatrième. Tout à coup, à son grand étonnement, le legato fut au point et il s’écria : « Je vous en prie, essayons encore une fois. »

Il but son cinquième verre, machinalement, mais lorsqu’elle fit sauter le bouchon de la deuxième bouteille, il refusa. [...]

« Une goutte de champagne, c’est ce qui convient à votre organisme, José. » Ne vous sentez-vous pas déjà mieux ? J’ai bu un océan de champagne au cours de ma carrière. Regardez-moi, est-ce que cela m’a fait du tort ?

Bob la regarda. « Mais elle est magnifique, pensa-t-il. [...] Elle a dû être très belle. Regarde comme elle vibre maintenant. Comme si elle était réellement Carmen. »

Il fut soudain illuminé par un éclair. Mais elle est Carmen, se dit-il. Je suis Don José.

Madame, Carmen, le champagne, et l’opéra se confondaient en un tourbillon de sentiments ardents. Brûlant de soif et de reconnaissance, il avala un autre verre et se jeta de nouveau de tout son coeur dans le duo.

Traduit de l’allemand.