UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Gabrielle Colette

Littérature générale (1909)

L’INGÉNUE LIBERTINE

Mine, et Antoine son jeune époux, sont invités à dîner par Irène Chaulieu.

- Vous ne buvez pas, madame ?

« Ah ! ah ! il se décide, ce gros Maugis ? Quelles moustaches, tout de même ! Je ne peux pas m’habituer à entendre sortir de ces broussailles sa voix de jeune fille un peu enrhumée... »

- Mais si, monsieur ! je bois du champagne et de l’eau.

- Et comme vous avez raison ! Le champagne est le seul vin tolérable de cette maison. Chaulieu est chargé de la publicité de Pommery, heureusement pour nous !

Le dîner est terminé. On passe au salon et "le petit baron Couderc", l’amant de Minne, la rejoint.

- Minne, supplie-t-il tout bas, vous saviez que vous veniez ici et vous ne me l’avez pas dit...

- C’est vrai, avoue-t-elle. Je n’y ai pas pensé...

Elle lui parle de profil une coupe aux doigts, inondée de lumière vive. Ses cils retroussés semblent la flèche que lancent ses yeux aux aguets ; le peu de champagne qu’elle a bu rosit sa petite oreille compliquée...

1909

LA VAGABONDE

Mon adorateur bénéficie, ce soir, d’un optimisme qui s’étend sur toute la nature : je l’invite, pour « arroser la tournée », à nous offrir le SaintMarceaux de l’épicier voisin, et il court, nu-tête, rapportant deux bouteilles sous ses bras... [...]

Le champagne, - trois coupes, il n’en faut pas plus ! - engourdit enfin mon bavardage heureux.

1910
MITSOU

OU COMMENT L’ESPRIT VIENT AUX FILLES

Pendant la première guerre mondiale, Mitsou, jeune comédienne, déjeune au restaurant Lavoie avec Robert ; lieutenant en permission.

ROBERT - Je ne parle pas du bourgogne, qui n’a rien à faire avec le homard et qui est bien rude au poulet...
MITSOU - Ça mousse, le bourgogne ! ROBERT - Quand on l’y force, et encore... Je vois bien que nous allons en arriver au champagne. MITSOU - C’est ça, c’est ça ! Un champagne qui n’a pas de goût ! (Le sommelier, visible et présent, a cessé de s’intéresser à la conversation.) ROBERT (scandalisé) - Qui n’a pas de goût ! ! ! Où vous at-on élevée, Mitsou ? [...]
Très jeunes, très graves ils se taisent. Elle le contemple, mais lui l’observe. La griserie manque, - elle va venir. Justement voici le champagne, avant le homard : pendant que Mitsou suce la mousse en clignant des yeux ; il boit d’un trait son verre. MITSOU (riant) - C’est meilleur que le pinard, hein ?...
1919

CHÉRI

-  Tu bois quoi, depuis que tu es marié ? [...] De la camomille ?

-  Du Pommery, dit Chéri.

-  Avant le Pommer y’ ?

-  Du Pommery, avant et après !
Et il humait dans son souvenir, en ouvrant les narines, le pétillement à
odeur de roses d’un vieux champagne de mil huit cent quatre-vingt-neuf
que Léa gardait pour lui seul...
1920
PRISONS ET PARADIS
VINS

J’ai été très bien élevée. [...] Le champagne passa à son tour, murmure d’écume, perles d’air bondissantes, à travers les banquets d’anniversaire et de première communion, il arrosait les truffes grises de la Puisaye... Bonnes études, d’où je me haussai à l’usage familier et discret du vin, non point avalé goulûment, mais mesuré dans des verres étroits, absorbé à gorgées espacées, réfléchies.

1932

GIGI

Gaston Lachaille, célibataire fortuné, rend visite à Mme Alvarez, qui partage son appartement avec sa fille Andrée, seconde chanteuse à l’OpéraComique, et sa petitefille Gigi, qui a 15 ans.

Il apporta à Gigi un rouleau à musique ridicule en cuir de Russie à fermoir de vermeil et vingt boîtes de réglisse. Mme Alvarez eut un foie gras et

six bouteilles de champagne, munificences sur lesquelles Tonton Lachaille préleva sa part en s’invitant à dîner. Gilberte, un peu grise, raconta pendant

le repas les potins de son cours complémentaire et gagna au piquet le portemine en or de Gaston Lachaille. [...]

Andrée rentra de l’Opéra-Comique sur ces entrefaites, regarda la tête décoiffée de Gigi qui roulait sur la manche de Lachaille, et les beaux yeux bleu d’ardoise qui pleuraient des larmes de fou-rire... Elle ne trouva point de paroles et accepta un verre de champagne, puis un autre verre, et encore un autre verre. Mais comme elle manifestait l’intention, après le troisième verre, de faire entendre à Gaston Lachaille l’air des clochettes de Lakmé, sa mère la conduisit à son lit.

1944