LES JEUX SAUVAGES
(Prix Goncourt 1950)
Ce pauvre Baumier n’écoutait plus ; il était désemparé. François l’auscultait du regard.
« Peine de coeur ? fit-il doucement. Petit coeur a gros chagrin ?
- Imbécile ! Je ne puis voir en rapprochement que la sécheresse du tien ! aussi sec que...
- Que ce champagne ! s’écria François en tirant brusquement une bouteille de dessous son lit. « Extra-dry ! » et il l’envoya dans les bras de Baumier ahuri.
- Attrape et fais sauter le bouchon...
Il sortit deux verres que Baumier emplit à tour de rôle en laissant tomber la mousse.
- Sec, mais pétillant, je te l’accorde, fit-il en souriant.
- Mumm Cordon Rouge... [...] Hélas ! c’est le seul contre-poison qu’il me soit possible de t’offrir. [...] Bois ton champagne et mange des biscuits ; nous en sommes réduits à ces "petits bonheurs". Enferme-toi dans la dégustation de ce Mumm ; ne sois rien d’autre que ta bouche. [...j J’aurais voulu t’offrir mieux avant que tu succombes, la vierge des dernières amours, par exemple.
Hélas ! une vierge est encore plus rare qu’une bouteille de Mumm. »
1950