UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Claude Mauriac

Littérature générale (1959)

LE DÎNER EN VILLE

(Prix Médicis 1959)

Les réflexions d’une maîtresse de maison au cours de son dîner.

- Du champagne ! Il y a du champagne ! Mais c’est merveilleux...

[...] Roland est tout heureux. Du champagne, voilà plus de vingt ans qu’il en boit et il n’est pas blasé. La frivolité de ces gens du monde m’étonnera toujours. Martine a eu raison d’insister pour que nous dînions au champagne. Ce sera plus gai... [...]

Le consommé est déjà presque bu. Ils vont trop vite. Jamais le poisson ne sera prêt. Heureusement que le maître d’hôtel verse du champagne. Veiller à ce que les verres ne restent pas vides.

Un des convives rapporte un mot de T ristan Bernard.

Sourires polis. Seul, ce tout jeune homme, mon voisin de droite, a ri avec franchise tout en continuant de suivre du coin de l’oeil l’approche trop lente à son gré de la bouteille de champagne. [...)

- Mais justement, puisque nous en sommes aux mots de Tristan Bernard sur le théâtre, vous connaissez sa définition de l’entracte...

Nous n’y échapperons pas. Sahara, c’est d’un comique ! Merveilleux. Le champagne enfin. Enfin mon tour. J’aurais dû attendre, ne pas m’emparer si avidement de mon verre. Ce pétillement, ce picotement glacés, cette sécheresse râpeuse et douce, si nette, si fraîche... [...]

Un dîner en ville pareil à tous les dîners en ville.

1959

BERGÈRE

Ô Tour Eiffel

Paris, mardi 29 décembre 1942
L’autre soir, chez André Dubois, M. m’avait invité à un réveillon. [...]
Mon entrée dans la salle à manger où le repas s’achevait fut accueillie par les exclamations des convives que le champagne avait déjà égayés. [...]
Henri Sauguet se levait et chantait, improvisant air et paroles
Ils nous ont pris notre champagne Ils nous ont pris notre pain, Mais les filles de la campagne Les foutront dehors demain !

Bientôt après, on sortit de table. Poulenc, puis Sauguet se mirent au piano. On dansa sur de vieilles valses. Il y avait là une dizaine de petits pédérastes inconnus. [...] Tout cela, affreux à raconter, mais l’ivresse du champagne enjolivait toutes choses. [...]

Il y eut un moment où M., apaisée, m’avoua son amour. L’ivresse lui rendait-elle le mensonge facile ? Ou bien l’empêchait-elle, au contraire, de mentir ? [...]

La nuit avançait. Je demeurais longtemps la tête sur l’épaule de MarieLaure. Où était M.? Le champagne manqua. L’ennui vint.

1985