UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Irène Némirovsky

Littérature générale (1929)

DAVID GOLDER

-  On prendra du champagne dans la chambre, cette nuit, comme d’habitude, murmura Joy à demi grise, en écrasant une écrevisse énorme entre ses dents ; qu’est-ce qu’ils ont comme champagne, dis ? Je veux du Clicquot très sec. [...]
Alec commanda de la fine, il la versait par moitié dans de grands verres plein de champagne... Joyce buvait. [...]

-  Je voudrais dormir dehors toute la nuit... Je voudrais rester ici toute la vie... Je voudrais faire l’amour toute la vie... Et toi ?

-  J’aime beaucoup tes petits seins, dit Alec. Et il se tut.
Il devenait taciturne quand il buvait. Il continua à verser goutte à goutte la fine dans le champagne doré.
1929

LES MOUCHES D’AUTOMNE

En Russie, pendant la première guerre mondiale. Cyrille et Youri, officiers du tsar, partent pour le front.

« Il est temps, mes enfants », dit Hélène Vassilievna. Cyrille fit un signe de la main. « C’est bien, Maman, tout de suite... Encore un verre, messieurs. »

Ils burent à la santé de l’empereur, de la famille impériale, des alliés, à la destruction de l’Allemagne. Après chaque toast, ils jetaient à terre les coupes, et les laquais ramassaient silencieusement les éclats.

Une dernière fois, Tatiana Ivanovna traça le signe de la croix au-dessus du traîneau et de la route. [...] Le cocher saisit les rênes [...] et les chevaux partirent. [...]

Dans la maison, Nicolas Alexandrovitch et ses hôtes étaient revenus s’asseoir autour de la table du souper. Nicolas Alexandrovitch prit machinalement une bouteille de champagne des mains du laquais.

« Pourquoi ne buvez-vous pas ? murmura-t-il avec effort, il faut boire. »

Il emplit les verres tendus, avec précaution ; ses doigts tremblaient légèrement.

1931

LA VIE DE TCHEKOV

Dans une chambre d’hôtel, à Badenweiler, en 1904. Anton Pavlovitch Tchekhov est au plus mal.

Le médecin fit une piqûre d’huile camphrée qui ne ranima pas le coeur.
On apporta du champagne. Anton Pavlovitch [...] s’assit et, avec une sorte

de gravité, dit tout haut en allemand au directeur [...] < Ich’ sterbe » « Je meurs ». Puis il prit la coupe, [...] sourit de son meilleur sourire, dit : « Il y a longtemps que je n’ai pas bu du champagne » ; il but calmement tout, jusqu’au fond, il se coucha doucement sur le côté gauche. [...] Tchekov [...] avait cessé de parler, de respirer, de vivre 1.

1946

LES BIENS DE CE MONDE

On buvait à la santé des fiancés. Charles Hardelot avait perdu son lorgnon et tâtonnait nerveusement parmi les verres que ses yeux myopes ne distinguaient pas les uns des autres, cherchant la flûte de cristal, cerclée d’or. Il la trouva enfin, but une gorgée de champagne et se sentit extraordinairement joyeux, d’une gaîté innocente et douce.

1947
1. Cette relatation des derniers instants de Tchekhov est basée sur les déclarations de sa veuve,
Olga Knipper Tchekhova.