LE TESTAMENT D’UN POÈTE JUIF ASSASSINÉ
A Berlin, en 1932, à 1 heure de la montée du nazisme.
Vint le soir du Nouvel An fatidique. Une amie de Hauptmann, qui appartenait à la haute bourgeoisie, nous avait offert sa maison pour célébrer ensemble - célébrer quoi ? comment ? - une espérance devenue vaine. Savions-nous déjà que ce serait notre dernière fête commune ? Nous bûmes, nous trinquâmes, nous forçant à l’exubérance. [...] Quelqu’un exigea de Hauptmann qu’il porte un toast. Il leva sa coupe et dit d’une voix sourde :
- A la défaite !
Figés, pétrifiés, nous ne répondîmes pas. Inge, au bord des larmes, le supplia des yeux d’ajouter une phrase, une parole d’espoir. Hauptmann lui sourit, adressa le même sourire à chacun d’entre nous, puis il posa son verre sans l’avoir bu.
Cette même nuit, il se tira une balle dans la tempe.
1980