TRAITÉ
SUR LA CULTURE DES VIGNES,
SUR LA FAÇON DU VIN
ET SUR LA MANIERE DE LE GOUVERNER
Le Tirage des Vins mousseux & autres en bouteilles
On choisit ordinairement la pleine Lune de Mars pour tirer les Vins en bouteilles ; certains Vins comme ceux d’Ay, Avenay, Mareuil, Dizy, Hautvilliers, Épernay et Pierry, pour la raison qu’ils se purifient aisément, & qu’ils ne prennent pas aisément la mousse, doivent être mis en bouteilles dans le temps fixé ci-dessus. Ceux de Cramant, Avize, le Mesnil, Auger & autres, qui font un dépôt considérable par la quantité de Raisins blancs qu’on y admet pour avoir la quantité, & qui prennent plus aisément la mousse que leur verdeur leur occasionne, ne doivent pas être tirés avant la Lune d’Avril ; les Vins même mousseroient aussi-bien, ou du moins suffisamment en les tirant en bouteille à la sève d’Aoust, casseroient 1 moins de bouteilles, & feroient moins de dépôt.
1752
TRAITÉ
SUR LA NATURE ET SUR LA CULTURE DE LA VIGNE ;
SUR LE VIN, LA FAÇON DE LE FAIRE,
ET LA MANIERE DE LE BIEN GOUVERNER.
À L’USAGE DES DIFFERENS VIGNOBLES DU ROÏAUME DE FRANCE.
Je dis d’abord, & soutiens affirmativement, que la pleine Lune ne coopère en rien pour la mousse du Vin ; mais que c’est le tems auquel la sève monte à la Vigne, qui doit régler celui du tirage des vins en bouteilles. [...] Tout vin moussera bien, si on le tire dans le teins où la sève du printemps est en vigueur, & souvent encore suffisamment dans la sève d’Août ; mais dans ce dernier cas, il faut que le Vin y ait de soi-même quelques dispositions, comme celui de Champagne. [...]
On étoit autrefois dans l’usage de se servir indistinctement de bouteilles de différentes formes, de différentes qualités, & de différentes contenances ; [...] On en est venu enfin à faire des bouteilles en forme de pommes, dont le col écrasoit la partie la plus élevée du corps de la bouteille, ce qui lui donnoit une forme non-seulement désagréable, mais encore désavantageuse, tant pour les entrailler dans les caves, ou dans les paniers au teins des envois, que pour le coup de bouchon. [...] Vu le désavantage de cette bouteille, les Champenois se sont déterminés à faire donner à leur bouteille la forme d’une poire.
1759
1. Pour le phénomène de la "casse", voir page 754.