UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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A. Jullien

Littérature du vin et de la table (1813)

MANUEL DU SOMMELIER

OU

INSTRUCTION PRATIQUE SUR LA MANIÈRE DE SOIGNER LES VINS

Du choix des bouchons

Le choix des bouchons n’est pas moins important que celui des bouteilles ; ils doivent être souples, unis et le moins poreux que possible. [...] Un liège dur casse quelquefois le col de la bouteille et la bouche toujours mal ; lorsqu’il est poreux, il laisse échapper le liquide ; c’est par ces motifs qu’en Champagne, où l’on fait une consommation très-considérable de bouchons, on n’emploie que ceux de première qualité, qui coûtent trois et quatre fois plus que les bouchons communs.

1813

TOPOGRAPHIE DE TOUS LES VIGNOBLES CONNUS

Le prix élevé des vins mousseux de Champagne provient, non seulement de la qualité des vins que l’on choisit pour les rendre tels, et des soins infinis qu’ils exigent avant de pouvoir être expédiés, mais encore des pertes et des avances considérables auxquelles sont exposés les propriétaires et les négocians qui se livrent à ce genre de spéculation, et des phénomènes bizarres qui déterminent ou détruisent la qualité mousseuse. Quant aux pertes, les propriétaires comptent généralement quinze à vingt bouteilles de cassées sur cent, il y en a quelquefois jusqu’à trente et quarante 1. On doit ajouter, à cette première perte de liqueur et des flacons, les déchets qui ont lieu chaque fois qu’on sépare les vins de leurs dépôts, par le "dégorgement", opération qu’on leur fait subir au moins deux fois avant de les expédier.

Les phénomènes qui déterminent ou détruisent la qualité mousseuse des vins sont si étonnans, qu’ils ne peuvent pas être expliqués [...] ; ils sont si variés et si extraordinaires, que les négocians les plus expérimentés ne peuvent ni les prévoir, ni s’en garantir toujours. [...]

Parmi les vins préparés pour la mousse, il en est qui ne prennent qu’une légère fermentation ; ceux-ci, appelés "crémans", ou demi-mousseux chassent le bouchon avec moins de force, pétillent moins dans le verre, et leur mousse forme, en les versant, une nappe d’écume qui couvre la liqueur et se dissipe au bout de quelques instans : ils ont, sur les vins "grandsmousseux", l’avantage de conserver plus de qualités vineuses, et d’être moins piquans : leur prix, lorsqu’ils proviennent d’un bon cru, est ordinairement plus élevé que celui des mousseux, parce qu’ils sont fort recherchés par un grand nombre d’amateurs, et que, ne devant leur qualité qu’à l’un de ces phénomènes bizarres qui se manifestent dans les vins de Champagne, on n’est pas à portée de s’en procurer en aussi grande quantité qu’on peut le désirer.

1822

Les vins mousseux de la Champagne sont à juste titre préférés à tous ceux de la même espèce que l’on prépare dans d’autres vignobles. Leur supériorité ne provient pas d’un haut degré de spiritueux, de corps et de parfum, mais de ce que ces qualités ne s’y rencontrent qu’en proportions convenables pour constituer des vins fins, légers, délicats et susceptibles d’être bus à haute dose sans incommoder ; enfin ce sont des vins plutôt "aimables" que très-généreux, et dont l’ivresse se dissipe promptement.

1866

1. Pour le phénomène de la "casse", voir page 754. 2. Deuxième édition corrigée et augmentée ; la première est de 1816. 3. Cinquième édition, revue, corrigée et augmentée par C : E. Jullien.