MÉMOIRE SUR LE VIN DE CHAMPAGNE
Le hasard seul a-t-il fait reconnaître la propriété particulière au raisin de Champagne de produire le gaz qui, en se développant, augmente le volume du vin, et le fait sortir avec impétuosité du flacon qu’il renferme ; ou quelque chercheur ingénieux a-t-il le premier découvert les procédés qui devaient conduire à cet heureux résultat ? [...]
Je n’ai trouvé dans aucun ouvrage à quelle époque le liège a été employé pour boucher les bouteilles : le seul renseignement que j’ai découvert se lit dans une lettre que dom Grossart, dernier procureur de l’abbaye d’Hautvillers, adressait le vingt-cinq octobre 1821, à M. Dherbès, dAy : « C’est dom Pérignon qui a trouvé le secret de faire le vin blanc mousseux, car avant lui on ne savait faire que du vin paillé ou gris : et c’est encore à dom Pérignon qu’on doit le bouchage actuel.’ »
Lorsque le commandeur Descartes, en demandant, le 10 décembre 1735, à M. Bertin du Rocheret, le fils, une ou deux douzaines de bouteilles de vin blanc mousseux qui ne fût ni vert ni liquoreux, chose rare, ne craignait pas de célébrer la mousse dans quelques vers joints à sa demande, « Je voudrais, disait-il,
De ce vin blanc délicieux,
Qui mousse et brille dans le verre, Dont les mortels ne boivent guères Et qu’on ne sert jamais qu’à la table des Dieux
Ou des grands, pour en parler mieux,
Qui sont les seuls dieux de la terre. »
Il faut remarquer que cette expression "saute-bouchon", et celle de "pétillant" s’appliquent à un vin qui avait une plus grande force expansive que le vin mousseux. La distinction résulte de la nombreuse correspondance de l’auteur du Journal des Etats z. Il écrit
13 octobre 1734, à Mme Pallu. « J’ai du vin mousseux sautant. » Le 16 novembre, il envoie à M. le marquis de Polignac cinquante flacons mousseux, cinquante pétillants, quatre vieux.
Le 28 mars 1735, il annonce à M. Bertin de Lyon, le saute-bouchon à quarante et quarante-cinq sols.
1. Affirmations non fondées ; voir p. 11. 2. P.-V. Bertin du Rocheret
Il y a même dans une lettre du 5 septembre 1736 à M. Véron de Bussy [...] une troisième distinction : « demi-mousseux trente-six à quarante sols ; bon mousseux quarante-cinq à cinquante ; saute-bouchon trois francs. »
1886 Oeuvre posthume 1
1. Le "Mémoire sur le Vin de Champagne" a paru en 1830, du vivant de l’auteur, dans le "Bulletin de la Société des Bibliophiles français". Il a été édité en 1886 parles soins de Raphaël Bonnedame, directeur du "Vigneron Champenois". Il a été réédité en 1984 par J.-J. Lecrocq.