UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2021 - Rendements - Les plus bas depuis plus de 35 ans

Après un millésime 2020 caractérisé par des conditions particulièrement sèches et ensoleillées ainsi que des rendements agronomiques satisfaisants, 2021 s’est illustré à bien d’autres égards. Tout au long de la campagne, les différents évènements climatiques et la pression sanitaire record ont considérablement affecté le potentiel de récolte pour aboutir au rendement le plus bas depuis plus de 30 ans.

Météo 2021 - La balance climatique, encore ...

Après des millésimes 2018, 2019 et 2020 particulièrement chauds et parfois très secs, nous avions presque oublié ce qu’était un millésime pluvieux. La saison 2021 a proposé un concentré d’aléas météorologiques. Résumé d’une saison pour le moins singulière.

Un automne et un hiver pluvieux...

Nous commençons à être coutumiers des automnes et hivers pluvieux et ce fût un nouvelle fois le cas en 2020-2021. Sur cette période, les mois d’octobre et décembre 2020 ainsi que le mois de janvier 2021 sont très largement excédentaires en pluie. Malgré des mois de novembre et février assez largement déficitaires, les cumuls de précipitations dépassent 50 à 150 mm les normales de saison.

Cela a permis de compenser la longue période de sécheresse du printemps et de l’été 2020.

Contrairement aux hivers précédents où pluie rimait avec douceur, les températures de la période automne-hiver ont été dans les normales de saison, voire légèrement en dessous. Seul le mois de février est significativement au-dessus des normales du fait d’une dernière décade particulièrement douce si ce n’est chaude.

Un printemps froid

La température moyenne du printemps météorologique, soit les mois de mars, avril et mai, est en temps normal de 11,1 °C en Champagne. Cette année, sur cette même période, la température moyenne a été de 9,29 °C, soit 1,8 °C de moins, ce qui est considérable sur une saison complète, Ceci n’a évidemment pas été sans conséquence sur la vigne. Tout d’abord, une courte vague de chaleur a traversé la Champagne a la fin du mois de mars. C’est la seule fois que la température dépassera la normale sur le printemps, Cela précipitera le débourrement avant une vague de gelées qui est arrivée le 5 avril.

En effet, en ce lundi de Pâques, une descente d’air polaire déferle sur la Champagne accompagnée de précipitations sous forme de pluie ou de neige en fonction des endroits du vignoble. Ces gelées advectives [1] très puissantes (- 7,7 °C à Essayes) font partie des pires situations possibles avec un taux d’humidité certes bas mais qui est compensé par les précipitations qui imprègnent les bourgeons.

A la suite de ces gelées qui durèrent jusqu’au 9 avril, des précipitations assez soutenues sont arrivées. Elles ont également contribué aux dégâts car de nouvelles gelées advectives sont arrivées immédiatement après. Elles ont progressivement pris un caractère radiatif avec l’arrivée d’un anticyclone.

Enfin, du 3 au 7 mai, de nouvelles gelées radiatives, cette fois, ont de nouveau touché le vignoble qui, dans les régions les plus impactées, repartait seulement.
Finalement, c’est environ 30 % du vignoble qui a été détruit par ces épisodes avec de fortes disparités. Ceci fait de 2021 la troisième année la plus gélive à égalité avec 1985 où le gel a été sévère également et derrière 2003 et 1991.

Les précipitations

Sur ce printemps 2021 les précipitations ont clairement été scindées en deux parties. Tout d’abord, d’un point de vue temporel, si l’on exclut la première décade de mars qui a été relativement humide, les précipitations ont été assez rares jusqu’à début mai. A partir de là un flux d’averses et d’orages se sont déversés sur la Champagne. D’un point de vue spatial.

L’été 2021 : diluvien

Dès le début du mois de juin, des précipitations sous forme d’orages déferlent sur la Champagne. Avec eux, des cumuls pouvant atteindre30 à 50 mm et localement de la grêle qui touche Trépail pour la seconde fois et une partie de la Côte des Blancs. A la suite de ces orages un marais barométrique s’installe. Ce sont donc des conditions très stables, chaudes et ensoleillées qui durent pendant près de deux semaines. Cette stabilité est brusquement rompue par l’arrivée d’orages pré-frontaux d’une rare violence le 19 juin. Sur cette journée de nombreux orages super cellulaires se sont développés en France engendrant pluie intense, grêle et dans certains cas des rafales puissantes et des tornades.
Ce 19 juin, le vignoble est touché de l’ouest de Château-Thierry au Massif de Saint-Thierry par une supercellule très puissante qui a déversé des cumuls de pluie très importants de plus de 60 mm par endroit en quelques minutes. De la grêle est également enregistrée et des communes comme Chézy-sur-Marne sont très fortement impactées.

A partir de cette dégradation orageuse, des conditions fraîches et instables ont perduré pendant la fin juin. Ces conditions se maintiennent en juillet, les températures ne sont que rarement de saison et les précipitations sont régulières. Les précipitations atteignent leur paroxysme du 13 au 15 Juillet.
Une goutte froide apportant des précipitations régulières reste bloquée sur l’Est de la France, la Belgique et l’ouest de l’Allemagne. Les cumuls enregistrés dans la région sont considérables sur trois jours avec plus de 100 mm enregistrés sur le nord de l’appellation et l’est de la Côte des Bar (136 mm à Germaine, 130 mm à Sacy, 125, 6 mm à Saint-Thierry, 117 mm à Colombé-la-Fosse). Ceci représente deux mois de précipitations.
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La campagne 2021 aura donc été marquée par de multiples aléas climatiques. Tout d’abord des gelées qui auront emporté avec elles près du tiers de l’appellation.
S’en suivirent des orages d’une rare violence puis des conditions particulièrement humides favorisant l’apparition des maladies cryptogamiques. Après un millésime 2020 particulièrement chaud et sec, la balance climatique a montré toute sa puissance en proposant l’exact opposé en 2021.

Paramètres2021Normale
Température moyenne 182,82 °C (-0,58 ° C 19,40 °C
Température maximale (°) 23 ;98 °C —1,45 °C 25,43 °C
Nb jours avec tmax supérieure à 25 °C 33,33 j (-12,98 j) 46,31 j
Nb jours avec tmax supérieure à 30 ° C 5,89 j (- 10,03 j 15,92 J
Pluviométrie (mm) 273,5 mm (+ 63%) 17,3 mm
Insolation (heures) 608 h (-16,5 %) 728 h
Caractéristiques climatiques juin-août (moyenne vignoble).

Comportement hydrique des sols - Le trop est l’ennemi du bien

Après la sécheresse de l’été 2020, l’automne et l’hiver qui ont suivi ont permis de recharger les sols et les nappes afin d’atteindre un optimum pour le début de saison 2021. Le mois d’avril, froid et sec, laissait présager une nouvelle période de sécheresse, il n’en fut rien. A parti de la mi-mai et jusqu’aux vendanges, la saison a été rythmée, dans la majorité de l’appellation, par les précipitations. A la clef, des développements de maladies phytosanitaires, confortées par des problèmes de réentrée dans des parcelles aux sols gorgés d’eau. A l’inverse de 2020, où des défoliations liées à du stress hydrique avaient pu être observées, ce sont des racines aériennes, synonymes d’une asphyxie racinaire qui sont observées à certains endroits du vignoble.

Météo des sols

La météo des sols qui nous sert à étudier l’itinéraire hydrique de la vigne est en fait un modèle de bilan hydrique développé par l’INRA (formule 1).

ASWj=ASWj-1+Pj-ESj-TVj
ASW = Available transpirable Soil Water (eau restante dans le sol) (en mm)
Pj = pluie (en mm)
ESj = évaporation du sol (en mm)
TVj = transpiration de la vigne (en mm)
j = jour de l’année

Formule 1. Calcul du bilan hydrique

Ce modèle permet d’estimer les quantités d’eau disponible dans le sol pour la vigne, les résultats étant exprimés en pourcentage de la réserve utile. En début d’année, on considère que le sol est à sa capacité maximale de stockage de l’eau donc à 100 % de la réserve utile. Trois niveaux de réserve utile : faible, moyenne et forte ont été définis grâce aux mesures réalisées par le Comité Champagne depuis plusieurs années. Ensuite, on soustrait à cette réserve utile l’évaporation du sol, l’évapotranspiration de la vigne et on ajoute les précipitations, sachant que la limite maximale est à 100 % de la réserve utile.

Pour faire fonctionner ce modèle nous utilisons des données climatiques qui sont fournies par les différentes stations météorologiques déployées par le Comité Champagne : pluie, température et évapotranspiration potentielle.
Puis des mesures en cours de campagne permettent d’évaluer l’efficacité du modèle et de le recaler si nécessaire.

il s’agit des mesures de potentiel hydrique foliaire de base. On prélève une feuille qu’on introduit dans une chambre à pression et on applique une pression pour extraire la sève du pétiole. Plus la pression nécessaire pour extraire la sève est élevée, plus la contrainte subie par la vigne est importante, Cette mesure est effectuée la nuit car c’est le moment où la vigne ferme la majorité de ses stomates et rentre en équilibre de tension d’eau avec le sol. Cette mesure est ensuite convertie en pourcentage de réserve utile grâce à une corrélation établie par l’INRA. Puis on compare cette mesure aux données fournies pour le modèle et si l’écart est important, on réajuste le modèle pour correspondre à la réalité du terrain.

Des mesures menées en 2016 ont permis de déterminer la réserve utile d’une quarantaine de parcelles à travers le vignoble champenois. A cette occasion, nous avons pu remarquer que la Côte des Bar présente des sols avec des réserves utiles plus faibles que les autres secteurs de la Champagne. Cela s’explique par la nature même des sols. En effet les sols de la Côte des Bar sont majoritairement issus de l’érosion d’une roche mère Jurassique assez dure. Leur profondeur est donc, en général, assez limitée, ce qui ne permet pas de retenir beaucoup d’eau. Les sols du reste du vignoble sont majoritairement issus de la dégradation de roches mères Crétacé ou Tertiaire qui sont plus facilement érodables. Les sols sont donc majoritairement plus longs et peuvent ainsi contenir plus d’eau. Attention cependant aux parcelles sur sables Tertiaire car ces derniers sont particulièrement drainants et ne permettent pas de retenir de grandes quantités d’eau.

Bien entendu cette description est très globale et ne permet pas de décrire finement la réserve utile des sols.

Itinéraire hydrique de l’année 2021

Après une sécheresse assez intense subie durant le printemps et l’été 2020, la nature nous a proposé un grand écart en cette saison 2021 avec des précipitations régulières et parfois intenses. Conséquence sur les sols, les réserves utiles se sont maintenues a des valeurs élevées durant toute la saison.

La situation en début de saison est relativement standard puisque les sols sont à des valeurs maximales pour le débourrement. Le mois d’avril est particulièrement sec mais également froid ce qui fait que la dépense en eau est très peu importante et le bilan hydrique reste à des valeurs élevées malgré la quasi-absence de pluie durant ce mois.

Le début du mois de mai reste frais et relativement sec. L’évapotranspiration de la plante se met en route avec une végétation qui se développe assez lentement, quand elle n’a pas gelé... Les valeurs de bilan hydrique baissent légèrement mais restent dans les limites hautes pour la saison du fait des températures assez basses.

A la mi-mai, les précipitations font leur retour sous forme d’averses et d’orages qui font remonter les valeurs, dans un premier temps sur la Côte des Bar puis sur toute l’appellation. Cela fait que le mois de juin débute avec des sols avec une réserve utile maximale, ce qui est inhabituel.

Les deux premières semaines de juin sont chaudes et ensoleillées, la végétation se développe rapidement et transpire beaucoup. Les valeurs de bilan hydrique à la floraison rejoignent les valeurs hautes de l’itinéraire hydrique idéal.

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Symptômes d'anoxie racinaire : les racines aériennesLes conditions pluvieuses vont se maintenir jusqu’à début août. Nous avons tous encore en tête les précipitations des 13, 14 et 15 juillet qui ont apporté des quantités d’eau considérables (entre 65 et 120 mm en fonction des endroits). Ceci a fait que, à la mi-juillet, le bilan hydrique des sols était globalement identique à une sortie d’hier. Ceci est bien entendu théorique, puisque les ruissellements de surface ont fait que l’intégralité de l’eau tombée n’a pas été intégrée au sol, mais compte tenu des symptômes d’asphyxie racinaire observés les sols étaient parfois totalement gorgés d’eau.

Il a fallu attendre la fin de la première décade du mois d’août pour retrouver des conditions plus sèches. Du 10 au 25 août (date retenue pour la mi-véraison en moyenne Champagne), les sols vont perdre environ 20 % de leur réserve utile. Ceci va amener à des valeurs oscillant entre 50 % pour les endroits les moins arrosés et 80 % pour les plus humides. Dans la majorité des cas, nous sommes donc dans des situations au-dessus de l’itinéraire hydrique idéal qui se situe entre 7 et 60 % pour cette période.

Durant la maturation, les conditions sont variables mais permettent un assèchement global des sols. Localement des précipitations font que les raisins n’évoluent que peu.

Une fois les vendanges commencées, de fortes hétérogénéités sont observées entre cépages et localités. On peut voir que l’on retrouve un axe assez sec partant du Sézannais et allant jusqu’à l’est de la Montagne de Reims. Cela a bien entendu un impact sur la maturation mais de faibles précipitations peuvent jouer un rôle bien plus important sur la dynamique de maturation.

Cette année 2021 aura donc été à l’opposé de 2020 avec des précipitations excédentaires qui ont maintenu les sols à des taux d’humidités particulièrement élevés.

Maladies et ravageurs - Une campagne compliquée

Après deux campagnes durant lesquelles il s’était fait discret, le mildiou a signé cette année son grand retour. Et quel retour ! Du jamais vu, de mémoire de vigneron. Les pertes dues au gel de printemps et les pertes liées au mildiou ont mis à terre plus de la moitié du potentiel de récolte à l’échelle de la Champagne, avec de grandes inégalités entre régions. Retour sur une année 2021 compliquée.

Phénologie de la vigne

Après un hiver globalement doux, peu ensoleillé, et (très) humide entre octobre et janvier, le temps s’assèche en février. La végétation a commencé à bouger, les écailles s’écartent, les bourgeons gonflent, et le débourrement est annoncé avec de l’avance par les modèles physiologiques, comme en 2020. Finalement, les températures resteront fraîches voire froides, et la date moyenne de débourrement retenue est le 19 avril, soit une semaine de retard par rapport à la moyenne décennale.

En parallèle, les épisodes de gelées se succèdent courant avril (jusqu’à - 7 à- 8 °C), souvent précédés de pluies et localement de neige, parfois importantes. Ils vont occasionner des dégâts significatifs en raison du taux élevé d’humidité. La multiplicité des épisodes et des situations compliquera l’estimation des dégâts, qui seront finalement évalués à environ 30 % de perte, avec une grande hétérogénéité entre régions.

Hormis de petits coups de chaud ponctuels fin avril et courant mai, le temps reste globalement frais et la remontée des températures ne s’observera réellement qu’à partir de juin. La végétation cesse alors de stagner et une pousse active est enfin visible. Malgré la progression rapide de la phénologie en juin, la semaine de retard ne sera jamais rattrapée, et la date moyenne retenue pour la floraison est le 18 Juin.

Par la suite, les baies se forment, grossissent et le stade "grains de pois" se généralise au vignoble à la mi-juillet. Petit à petit, les grappes se ferment, puis le début véraison est observé à la fin de la première décade d’aout, toujours avec environ 7 jours de retard par rapport à la moyenne décennale. Les vendanges démarreront un peu avant la mi-septembre, avec une grande disparité de charge en raisins. En effet, certaines parcelles ont une faible, voire très faible récolte en raison du mildiou et/ou du gel de printemps, alors que dans certaines régions viticoles, une belle quantité de raisins sera vendangée.

Mange-bourgeons et pyrales, ravageurs secondaires

Les premiers dégâts de mange bourgeons sont observés courant mars. Dans. les semaines qui suivent, les températures sont fraîches, la végétation stagne, prolongeant ainsi l’exposition des bourgeons. De plus, en secteurs gelés, les contre bourgeons redémarrent tout doucement, et sont également exposés à l’activité des chenilles. Le risque "mange-bourgeons" ne sera définitivement écarté que fin avril. Au final, 87 % des parcelles du réseau SBT (Surveillance Biologique du Territoire) seront concernées par la présence de mange-bourgeons, et 24 % des parcelles atteindront le seuil de 15 % de ceps touchés, plaçant 2020 parmi les années à pression élevée, nettement au-delà des années précédentes.

Fin avril, les observations "pyrales" prennent le relais des suivis "mange-bourgeons". Les premières remontées sont observées dans la foulée. Les températures restent plutôt fraîches et la végétation pousse lentement. Tout au long de la période de suivi, qui s’étalera jusqu’à début juin, la pression "pyrales" reste faible.

Durant la première semaine du mois de juin, un dernier bilan "pyrales" est établi : la pression 2021 est plus faible que celle ; des années précédentes, avec 63 % des parcelles concernée ; par la présence de pyrales, et aucune parcelle au seuil de 100 % de ceps occupés sur le réseau SBT.

Une fois de plus, mange-bourgeons et pyrales restent des ravageurs secondaires à l’échelle du vignoble, même si ponctuellement, ils peuvent occasionner des dégâts.

Tordeuses, encore plus discrètes que les années précédentes

Avril est traditionnellement le mois où les papillons de tordeuses de la grappe de première génération commencent à voler. Le vol débute très tranquillement fin avril, pour les eudémis, puis 15 jours plus tard pour les cochylis. Le vol peine à s’intensifier. Les premières pontes ne seront décelées que début juin, dans des parcelles hors confusion sexuelle situées en côte des Bar ou dans la région d’Epernay.

En effet, les conditions météo de ce printemps sont peu favorables aux papillons (fraîcheur, vent, pluie) et dérangent vols et pontes. L’activité des papillons restera quasi inexistante durant toute la durée de la première génération (G1). En conséquence, mi-juin, le bilan de la G1 fait état de la présence de glomérules dans moins de 1 % des parcelles du réseau SBT, classant l’année parmi les années à G1 très faible. Le vol de la deuxième génération (G2) des tordeuses ne débutera que vers le 10 juillet et la surveillance des œufs démarre alors sur les différents réseaux.
Tout comme en G1, le vol peine à s’intensifier. Les premiers (et rares) œufs sont vus la semaine suivante, dans des parcelles à historique "tordeuses" de la Côte des Bar situées hors zone sous confusion sexuelle. De très rares perforations seront vues début août, toujours dans des parcelles hors confusion sexuelle (région d’Epernay et Barrais). Concernant la G2, 2021 sera aussi une année à pression très faible, même si très localement, comme lors de la 1ro génération, une activité de ponte significative et donc une pression plus marquée ont pu être observées.

Concernant la technique de confusion sexuelle, elle a été déployée sur 16 700 hectares dont près de 600 hectares via le nouveau dispositif de diffusion (diffusion active par aérosol). Les aérosols ont été installés dans le but d’éprouver l’efficacité de ce nouveau mode de diffusion, dans le contexte champenois (vignoble de coteau, morcellement du parcellaire, vallées encaissées). Malheureusement, l’absence de pression "tordeuses" ne permettra pas de tirer de conclusion. A suivre en 2022...

Mildiou, du jamais vu !

"La feuille mildiou" : Les sporulations affectent l'intégralité de la face inférieure de la feuille.Le temps resté relativement frais et sec durant février, mars et avril, n’a pas favorisé une acquisition particulièrement précoce de la maturité des œufs d’hiver du mildiou. Elle est observée au laboratoire le 27 avril, soit un peu moins de 10 jours après le débourrement de la vigne. Le stade de réceptivité de la vigne est alors largement atteint.

Mai est très pluvieux, le potentiel d’agressivité du mildiou, modélise avec le modèle Potentiel Système (S. Strizyk - version 2017) augmente donc notablement.
Les températures plutôt fraîches d’avril et mai, en-dessous des normales, limitent temporairement ce potentiel, qui s’exprime à partir de mi-mai/début juin, du fait de la remontée brutale des températures. Le modèle prédit le début de l’épidémie à partir de la deuxième décade de mai. Le bulletin d’Avertissements du 10 mai exhorte déjà à la vigilance.

Fin mai, un répit sur le front des précipitations est enregistré, il est donc conseillé de se mettre à jour dans le renouvellement de la protection, déjà enclenchée presque partout. La montée des températures s’accompagne alors d’une forte pousse de la vigne, mais aussi de l’herbe. Du fait du développement du "zéro herbicides" des conflits de priorité se posent, entre la gestion de l’herbe, le relevage, le renouvellement de la protection fongicide. La forte pousse, de l’ordre de 3 feuilles néoformées par semaine, s’observera jusqu’aux orages du 19 au 22 juin.

Feuille nécrosée à cause d'une très forte densité d'inoculum.Les orages du 2 au 4 juin sur viennent au moment des premières sorties de taches, issues d’épisodes contaminants de la deuxième quinzaine de mai. Les taches sont majoritairement éparses, mais très localement quelques parcelles présentent déjà des sorties importantes Les orages de début juin constituent une période charnière, qui marque le début de la phase épidémique, particulièrement en Vallée de Marne et dans l’Aisne qui manifestent la plus important ; fréquence de symptômes mi-juin. Or, des cumuls de pluie équivalents sont enregistrées dans bien d’autres régions, ayant le même "pied de cuve" suite aux précipitations de fin mai, par exemple le Barrois. Pour comprendre cette différence, nous pouvons avancer deux hypothèses : une différence de comportement des viticulteurs plus ou moins vigilants suite au gel (le Barrois a fortement gelé, au contraire par exemple de la Vallée de Marne), ou une
plus forte quantité de la forme de conservation hivernale. Le mildiou n’a véritablement subsisté que dans la Vallée de Marne et l’Aisne, l’Ardre, le Massif de Saint-Thierry ces dernières années, alors qu’il était presque inexistant dans les autres régions.

Les tournées sur le réseau SBT, du 21 au 25 juin révèlent que plus de 60 % des parcelles sont déjà concernées par la présence de mildiou, le rot gris concerne alors 12 % des parcelles.

Mais ce sont surtout les orages du 19 au 22 juin, juste après la fleur, qui révèlent une puissance de l’épidémie, dans les régions les plus touchées, inégalée à ce stade. Ambiance tropicale humide.. . D’importants cumuls d’eau s’abattent sur le vignoble (accompagnés localement de tornades d’ailleurs), par des températures chaudes, après trois semaines de forte dynamique de pousse, à un stade de développement de la vigne très sensible... Le cocktail est explosif ! Du jour au lendemain, les feuilles des étages 4, 5, 6 à partir de l’apex, les plus sensibles, sont dans bien des parcelles sinistrées, totalement recouvertes de sporulations face inférieure. Nous observons des nécroses, comme lorsque des rameaux sont inoculés
avec une trop forte densité d’inoculum. C’est comme si une inoculation artificielle géante, sur une végétation très sensible, avait été réalisée au vignoble !

La variabilité des hauteurs d’eau tombées (5 à 80 mm du 17 au 22 juin) et le cépage expliquent la variabilité des symptômes au vignoble. Début juillet, la Vallée de Marne et l’Aisne sont plus touchées, à l’inverse de la Côte des Blancs, du Sézannais, de la vallée du Surmelin. Les dégâts sont bien moindres sur le Chardonnay que sur les noirs. Le Meunier, en fleur lors de ces épisodes, Les premiers jours de juillet, le feuillage prend déjà des teintes automnales. L’ampleur des surfaces sinistrées est considérable, les dégâts sont impressionnants. .../...

Pourquoi un tel sinistre ?

S’est juxtaposée à une très forte pression parasitaire, le développement d’une viticulture à "bas intrants". Les programmes en bio et biocontrôle (programmes près des riverains) ont enregistré les plus importants dégâts. Influencés par des certifications environnementales visant à traiter le moins possible, une partie des professionnels est engagée dans une logique du plus faible IFT (alors que cet indicateur peut être lissé sur 3 ans en certification HVE et VDC, dès la première année de certification). Ajouté à la succession d’années sans pression parasitaire, une prévision des premières sorties de tache anticipée de presque 15 jours au printemps (les températures réelles enregistrées se sont avérées inférieures aux températures des prévisions météorologiques, rentrées dans nos abaques d’incubation), la vigilance des professionnels a souvent été manifestement émoussée, au point de ne pas pouvoir s’adapter à temps au profil exceptionnel de l’année.

Parmi les facteurs limitant l’efficacité du programme, le facteur "efficacité produit" est particulièrement impactant cette année : outre les produits utilisés en bio ou relevant des principes du biocontrôle, au potentiel d’efficacité plus faible, les unisites handicapés par des phénomènes de résistance (fluopicolide cyazofamide) ont indéniablement fait preuve d’une perte d’efficacité, quand ils ont été positionnés face à un événement contaminant majeur, et bien sûr à une période aussi sensible que l’encadrement de floraison.

Autre facteur limitant : le positionnement des produits selon les événements contaminants et la croissance de la haie foliaire. A fortiori les produits ne protégeant pas les organes néoformés, mais aussi les produits revendiquant une activité systémique, doivent être positionnés au plus près des contaminations. Bien sûr, les possibilités de passage ont pu être contrariées par l’inaccessibilité des parcelles suite aux précipitations. Le caractère plus ou moins lessivable des produits n’est d’ailleurs que grossièrement appréhendé, les données fournies par les sociétés qui les commercialisent sont largement insuffisantes, au regard de la multiplicité des cas de figure. .../...

Un feuillage en état correct cache bien souvent des dégâts significatifs sur grappes.

Une présence finalement remarquée de l’oïdium

Parmi les outils disponibles, le modèle "Oïdium Champagne", développé par la société Modeline (adaptation pour la Champagne du modèle bourguignon "Système Oïdium Vigne"), permet notamment de prédire le risque épidémique en sortie d’hiver. En 2021, le modèle calcule un potentiel épidémique en sortie d’hiver très élevé. Jusqu’à présent, tous les scénarios de ce genre (2004, 2008, 2012, 2015) se sont concrétisés par une épidémie forte.

Depuis 2017, nous avons accès à une méthodologie de suivi de la maturité des cléistothèces [2] (en conditions de laboratoire), mise au point par Hervé Steva en collaboration avec Acteo, Union de sociétés coopératives agricoles dans le Gers. Les cléistothèces sont conditionnés sur plusieurs sites d’hivernage sous forme de lots calibrés, et mis périodiquement à germer au printemps, dans des conditions optimales, au laboratoire. L’intérêt de ce suivi est de mieux appréhender la capacité a germer de l’inoculum de conservation que les modèles dont nous disposons (modèles de Rouzet, de Caffi par ex), pour lesquels la disponibilité des cléistothèces est paramétrée de telle sorte a n’être jamais limitante (vraisemblablement par manque de connaissances biologiques disponibles pour notre vignoble).

cléistothècesDès que la vigne a été réceptive aux contaminations, les températures ont été froides à fraîches jusque fin mai. Mai a par ailleurs été très pluvieux. De fait, les conditions climatiques ont été manifestement défavorables à l’oïdium pendant 2 mois. Le suivi de la maturité des cléistothèces, sur 8 sites au total au vignoble montre en effet des résultats inhabituels, à partir de début avril, comparé aux années précédentes. Les conditions climatiques ont vraisemblablement affecté les capacités germinatives des cléistothèces. Toutefois, si une majorité de cléistothèces avaient rapidement perdu leurs capacités germinatives, quelques-uns les ont conservées jusqu’à un stade phénologique habituel, 2/3 feuilles étalées en Chardonnay, suffisant pour lancer l’épidémie. Le suivi des cléistothèces ne renseignant pas sur les contaminations effectives, nous croisons ces données avec un dépistage précoce d’ADN d’oïdium sur feuilles. Depuis 2019, nous avons accès à l’outil commercialisé par la société Bayer, et développons un modèle de réseau collaboratif, avec mutualisation des données, depuis 2020. En 2021, un réseau d’un peu plus de 40 parcelles, réparties sur les 3 cépages, a fait l’objet d’analyses. Toutes les parcelles ont été prélevées une première fois au stade 3/4 feuilles étalées. Aucune détection d’ADN n’a été décelée à cette époque, les conditions climatiques froides et humides en sont vraisemblablement la cause. La fréquence de détection a progressé au stade 6/7 feuilles (6 parcelles/30 prélevées) puis encore au stade 8/9 feuilles (5 parcelles/10 prélevées). Au deuxième stade de prélèvement, considéré comme le plus prédictif et le mieux corrélé à la fréquence de symptômes sur feuilles, la détection sur Chardonnay est bien plus faible que les années précédentes, alors que la détection sur Pinot noir est plus élevée que l’année précédente, Alors que nous disposons de 7 campagnes désormais pour le Chardonnay, le référentiel de données se limite à 2 campagnes pour le Pinot noir (2020, 2021) et une seule pour le Meunier (2021). C’est pourquoi, le réseau est considéré comme étant encore en cours de validation. .../...

Des vendanges altérées pour finir la campagne

Les cumuls d’eau de Juillet ont fatalement entraîné l’apparition de foyers de pourriture sur baies vertes, dès le début de la fermeture des grappes. Avec l’amorce du suivi de la maturation, la surveillance des foyers de pourriture est conseillée, pour gérer les décisions de vendange. Au troisième prélèvement matu, certaines parcelles sont déjà bien dégradées, avec plus de 40 % de fréquence de grappes touchées dans les prélèvements. Les foyers secs cohabitent avec de la pourriture grasse. La fréquence de pourriture grise sur le réseau général de suivi de la maturation atteint alors 6,8 % en moyenne. Elle est proche, à degré équivalent, de celle observée en 2014 (7,0%), 2011 (7,8%), 2017 (7,0 %) ou encore 2010(8, 4%). Dans la Côte des Bar, la fréquence est plus élevée (12,5 %). Dans ce secteur, les grappes épargnées par le mildiou sont compactes, le feuillage est dense et la vigueur est forte.

Au cours du suivi de la maturation, la fréquence générale de la pourriture progresse sans toutefois exploser. La courbe de 2021 reste inférieure aux courbes de 2017, 2014, 2011, 2010. Sauf le Barrais, la pourriture se développe surtout au cours de la première quinzaine de septembre à la faveur de conditions plutôt chaudes et humides, ensuite la situation se stabilise.

Quand les vendanges commencent, les parcelles altérées sont cueillies en priorité. D’une manière générale, les grappes sans mildiou, bien conformées, particulièrement dans les noirs, ont eu tendance à pourrir.

Les blancs sont cueillis ensuite, ils ne sont pas non plus indemnes de pourriture, même s’ils sont moins touchés que le meunier et le pinot. Sur les quais, les caisses de Chardonnay montrent des surinfections de l’oïdium (classique, quand les conditions de fin de parcours sont plutôt chaudes et humides), et aussi des symptômes qui évoquent la tourne, plutôt sur des baies isolées. Les cueillettes en fin de vendanges sont plutôt belles.

15 % de volume de grappe touché en moyenne, 10 kg en moins par caisse... et des difficultés de chargement du pressoir prévisibles.Au bilan, la fragilité des raisins en fin de parcours, ajouté aux besoins en raisins a érodé les ambitions qualitatives et orienté les choix de cueillette. L’état sanitaire constaté sur les centres de pressurage, associé aux dosages de marqueurs sur les moûts nous font estimer l’empreinte pourriture à moins de 5 % sur Chardonnay, et entre 5 et 10 % sur les noirs, le Meunier ayant été en tendance, comme toujours, plus touché.

Peu de cas de pourriture acide sont finalement observés, la pourriture est grise dans la très large majorité des cas, voire presque tous les cas. Il n’est pas rare de détecter des moisissures associées aux foyers de pourriture, particulièrement sur les
noirs.

Populations de drosophiles contrastées

Notre réseau de surveillance des populations de drosophile suzukii s’est recentré depuis l’année dernière sur 6 parcelles de cépages noirs (majoritairement du Meunier), déjà suivies par le passé : 2 en monoculture de vigne, 4 avec proximité de zones refuges et populations de suzukii moyennes à fortes. Les quantités de D. suzukii piégées sont curieusement faibles en 2021, aussi il est difficile de commenter une dynamique de piégeage. Sur le site présentant les populations les plus abondantes, on relève une augmentation du piégeage de fin août au 10 septembre, et une baisse lors du dernier relevé avant vendanges.

Au contraire des populations de D. suzukii, les populations de drosophiles indigènes dans les pièges sont exceptionnellement élevées cette année, comparées aux années précédentes. Ce constat est difficile à expliquer, compte tenu de la faible incidence de la pourriture acide cette année, et de la faible profondeur de notre référentiel de données.

Concernant le suivi des émergences (voir l’article complet du Vigneron champenois de septembre 2020 pour le détail de ce type de suivi), des adultes de D. suzukii ont émergé des grappes cueillies dans deux sites, dont celui manifestant le plus fort piégeage, L’autre est un site fragile, dans lequel nous détectons épisodiquement des émergences, sans que les populations de D. suzukii ne soient nécessairement très élevées. Fait révélateur de la fragilité des raisins cette année, toutes les grappes conservées en boîte pendant 15 Jours à température ambiante ont pourri. Dans notre suivi des émergences, la fréquence de grappes avec pourriture était plus nuancée ces deux dernières campagnes, et en 2018, les raisins étaient inoxydables !

Pupes de drosophiles suzukil observées à l'occasion de notre suivi sur grappes conservées 15 jours en boîte.

Jaunisses : des prospections encore renforcées, pour la cinquième année consécutive

Une fois de plus, et pour la cinquième année de suite, les moyens mis en ouvre par le Comité Champagne, les DRAAF Grand-Est et Hauts de France, la Fredon Grand Est, avec l’appui des partenaires du groupe de Concertation Technique, pour déployer au vignoble les prospections collectives, obligatoires ou volontaires selon les communes, sont sans précédent.

Cette année, les surveillances "jaunisses" ont été effectuées avant et après vendanges, pénalisées dans certains secteurs par l’altération du feuillage et des grappes due au mildiou.

Les prospections collectives obligatoires ont d’abord démarré dans les communes des Zones délimitées (ZD, ex-Périmètre de Lutte Obligatoire), là où des cas avérés de flavescence dorée avaient été détectés l’année dernière. Les trois départements principaux de l’AOC étaient concernés, avec la ZD d’Arrentières dans l’Aube, le ZD de Trélou-sur-Marne/Passy-sur-Marne dans l’Aisne, et les ZD de Saudoy, de Reuil/Binson-et-Orquigny/Villers-sous-Chatillon/Montigny, de Chouilly/Cuis/Pierry, de Mardeuil, et de Trois-Puits/Montbré dans la Marne, soit au total 2 300 hectares de vignoble.

Par la suite, la surveillance s’est poursuivie, avec les prospections collectives volontaires. 23 communes ont été accompagnées. Chacune de ces prospections a rassemblé 15 à 50 vignerons, ce qui a permis de surveiller dans chaque commune 10 à 60 hectares.

Ces prospections, obligatoires ou volontaires, étaient encadrées par les techniciens du Comité Champagne, appuyés par des techniciens du Groupe de Concertation Technique champenois. S’ajoutent à ces surfaces surveillées collectivement, les signalements ponctuels menés par les professionnels (maisons et vignerons) sur leur exploitation.

Au global, on peut estimer les surfaces surveillées cette année environ 4 500 à 5 000 hectares, valeur proche de celle de 2021. Conséquence : le nombre de signalements de ceps douteux est également proche de celui de 2020 soit plus de 10 000 ceps prélevés (contre 700 à l’automne 2018, 2700 à l’automne2019). A l’heure de la rédaction de cet article, les résultats des diagnostics au laboratoire (pour savoir si les ceps douteux "jaunisses" sont du bois noir ou de la flavescence dorée) sont encore attendus. La synthèse des résultats sera publiée prochainement notamment dans Le Vigneron Champenois et sur l’extranet professionnel.

Maladies du bois

Maladie du boisLes notations effectuées sur 111 parcelles du réseau de surveillance biologique du territoire (SBT) aboutissent à une expression moyenne des maladies du bois cette année.

En résumé, le gel de printemps et le mildiou ont particulièrement marqué le millésime 2021 de leur empreinte. La pourriture a encore assombri les perspectives de qualité du millésime, en précipitant les cueillettes, et l’oïdium n’a pas été absent, loin de là. Une campagne difficile, à oublier selon certain... ou à méditer !

Paramètres analytiques des raisins - Une maturation dans la norme malgré de fortes hétérogénéités

Suite logique des événements survenus plus tôt dans la saison, la campagne maturation 2021 aura également apporté son lot d’interrogations. Les hétérogénéités
de développement végétatif et les conditions climatiques particulièrement changeantes à l’approche du choix des dates, plantaient le décor pour une vendange délicate. Malgré toutes les difficultés rencontrées, les paramètres analytiques recueillis nous laissent espérer de belles surprises sur le plan qualitatif.

Le réseau "matu", en léger recul pour ce millésime difficile

Le nombre de parcelles initialement enregistrées sur le réseau était supérieur à 2020, mais compte tenu des conditions difficiles du millésime et du manque de raisin dans les secteurs les plus touchés par le mildiou, le nombre de parcelles saisies est en recul par rapport à l’année dernière (- 6 %). Nous tenons tout de même à remercier l’ensemble des préleveurs et saisisseurs pour leur contribution qui se sera avérée indispensable cette année, d’une part pour déterminer les dates de vendanges mais également pour affiner notre compréhension des dynamiques de maturation.

On note une légère diminution des parcelles de Meunier (- 2 %) et une légère augmentation du Chardonnay (+ 2 %) par rapport à 2020. La distribution des parcelles enregistrées sur le réseau selon les cépages et les départements est globalement identique à l’encépagement réel du vignoble permettant ainsi d’obtenir des tendances les plus proches possible de la réalité à l’échelle de l’Appellation.

Du débourrement jusqu’à la floraison, le millésime 2021 a présenté un retard d’environ 7 jours par rapport à la moyenne décennale. De manière à pouvoir anticiper un scénario maturation rapide, le premier prélèvement est tout de même fixé au 16 août. Toutefois, les conditions fraîches et peu ensoleillées qui ont suivi la floraison ont considérablement ralenti le développement des fruits. De ce fait, le premier prélèvement présente un degré moyen de 4,5 % vol. et un taux moyen de véraison de 20 % sur 102 échantillons seulement.

Le réseau matu en 2021
515 parcelles prélevées
287 préleveurs bénévoles et 2 409 prélèvements réalisés sur 9 journées.

Répartition des parcelles inscrites au réseau matu, selon les départements et les cépages

Il faudra attendre le 23 août et la mi-véraison pour que le nombre de prélèvements décolle (286) et que nous puissions mettre en lumière les premières tendances. A ce stade, les Pinot et les Meunier restent proches avec des degrés moyens compris entre 6,5% vol. et 6,9% vol. Les Chardonnay, quant à eux, marquent le pas avec un retard de 2,0 % vol. en moyenne. Nous constatons également de fortes hétérogénéités à l’échelle régionale et communale selon la présence ou non de dégâts de gel et de mildiou.

Ces disparités constatées font craindre une organisation complexe des vendanges avec des parcelles présentant 2 à 3 degrés d’écart sur une même commune. Le prélèvement du 26 août confirme ce décalage entre le noirs et le Chardonnay mais met également en avant une progression du botrytis sur les Pinot noir de l’Aube avec une fréquence moyenne de 15 %. A ce stade, la prise de degré est dans la moyenne pour les noirs avec des évolutions journalières de + 0,2 % vol. à +0,22 % vol. Cette cinétique de degré est conservée jusqu’au 30 août, date à partir de laquelle la prise de degré commence à ralentir sur les Meuniers et à s’accélérer sur les Chardonnay. A cette date , l’hétérogénéité reste le maître mot de la maturation 2021 avec des écarts importants sur l’ensemble des paramètres mesurés. le poids des grappes tout d’abord, témoigne nettement des dégâts engendrés plus tôt dans la saison par le mildiou avec des valeurs s’échelonnant de 40 à 180 g suivant les secteurs. La situation botrytis sur les Pinots noir de l’Aube reste également très hétérogène et la vigilance est de mise pour anticiper les vendanges si nécessaire. Au 30 août, le millésime 2021 se caractérise également par des niveaux d’acidité totale particulièrement élevés, comparables au millésime 1996. .../...

Rendements 2021 - Les plus bas depuis plus de 35 ans

Après un millésime 2020 caractérisé par des conditions particulièrement sèches et ensoleillées ainsi que des rendements agronomiques satisfaisants, 2021 s’est illustré à bien d’autres égards. Tout au long de la campagne, les différente événements climatiques et la pression sanitaire record ont considérablement affecté le potentiel de récolte pour aboutir au rendement le plus bas depuis plus de 30 ans.

Des estimations précoces inférieures à la moyenne décennale

L’année 2021 s’annonçait d’emblée comme un millésime à tendance tardive avec un débourrement survenu en moyenne avec 7 jours de retard sur la moyenne décennale, autour du 11 avril. Deux vagues de gelées à un mois d’intervalle ont dès le début de la campagne, limité significativement le rendement potentiel pour le millésime 2021. Le premier épisode survenu entre le 5 et le 9 avril a principalement impacté les secteurs précoces de l’Aube. Le dernier épisode survient entre le 3 et le 7 mai. Au total, c’est environ 30 % de la surface de l’appellation qui a été impacté par ces vagues de gel successives.

Au-delà des dégâts occasionnés par le gel, les conditions du printemps sont favorables à un bon développement végétatif et amènent les vignes dans un statut hydro-azotée idéal à l’approche de la floraison.

Le retard observé au débourrement par rapport à la moyenne décennale est conservé sur l’ensemble du printemps et la pleine floraison intervient en moyenne autour du 18 Juin soit à la même date qu’en 2012 et 2019. Les conditions qui encadrent la floraison sont optimales et ont globalement permis une bonne nouaison. Aucune perte significative de rendement liée à la coulure ou au millerandage n’a été signalée cette année.

A ce stade, les premiers comptages donnent des potentiels de récolte relativement homogène avec une moyenne de grappes/m2 de 6,6 soit 20 à 25 % de moins qu’en 2020. Les grappes sont bien conformées dans l’ensemble et le poids des grappes à la vendange est estimé proche de la moyenne décennale. Nous estimions donc, avant l’impact mildiou, que le rendement agronomique de 2021 se situerait autour des 9 000 kg/ha tout cépage confondu. Les capteurs à pollen estimaient également un rendement agronomique autour des 9 500 kg/ha à l’échelle de l’appellation.

- Chardonay Pinot noir Meunier Moyenne pondérée
Grappes/m2
(fourrières déduites)
6,4 7,0 6,1 6,6
Poids de grappe estimé (g)
moyenne décennale
139 136 133 136
Rendement estimé
(kg/ha)
8 950 9 570 8 100 8 920
Tableau 1. Estimations initiales réalisées fin juin avant impact mildiou.
- Chardonay Pinot noir Meunier Moyenne pondérée
Grappes/m2
(fourrières déduites)
6,4 7,0 6,1 6,6
Poids de grappe estimé (g)
moyenne décennale
120 120 120 120
Rendement estimé
(kg/ha)
7 720 8 450 7 300 7 870
Tableau 2. Estimations ajustées mi-juillet avec un poids moyen de grappe à 120 g.

Evolution des estimations au cours de la saison

C’était sans compter les précipitations diluviennes de fin juin et juillet qui entraînent des dégâts de mildiou sans précédent en Champagne. L’impact sur les rendements est très hétérogène et corrélé aux cumuls de précipitations. Lors de nos tournées AVC du 12 au 22 juillet, les estimations de perte fluctuent de 0 % pour les communes les moins touchées de la Côte des Blancs à plus de 60 % pour certaines communes de la vallée de la Marne et de la Vallée de l’Ardre.

A l’issue de ces tournées, les vignerons estiment en moyenne les pertes à 20 % à l’échelle de l’AOC, voir 25 % en anticipant les dernières sorties de mildiou sur la fin du mois de juillet. Cette première estimation de perte liée au mildiou nous donne une estimation de rendement entre 6 500 kg/ha à 7 000 kg/ha à la fin juillet/début août.

La période de maturation s’est ensuite déroulée de manière assez classique, sans cinétique fulgurante et sans phénomène de blocage. De l’échaudage à été observe
de manière très ponctuelle à la fin du mois d’août mais sans que cela n’ait une incidence réelle sur les rendements. Le poids des grappes a évolué de façon assez linéaire nous laissant penser que le poids moyen à la vendange serait proche des 120 g estimés mi-juillet. Toutefois, les cumuls de précipitation enregistrés entre le5 et le 13 septembre font décoller le poids des grappes sur les Chardonnay et les Pinot noirs de la Marne, sur lesquels le poids moyen dépasse largement les 130 g à la vendange dans les régions épargnées. Seuls les Meunier de la Marne et de l’Aisne montrent des poids moyens qui évoluent peu en fin de campagne et plafonnent autour de 110 g en moyenne.

Poids moyen des grappes mesuré sur le réseau matu au 9 septembre

Au jour où nous rédigeons cet article, la prise en compte des poids de grappes sur le réseau maturation nous permet d’estimer un rendement agronomique moyen proche de 7 000 kg/ha soit le rendement le plus bas enregistré depuis 1985. Ce chiffre est une estimation et la valeur officielle sera obtenue après traitement des déclarations de récolte.

Le Vigneron Champenois novembre 2021

Notes

[1L’advection est le transport d’une quantité d’un élément donné par le mouvement du milieu environnant. C’est une notion courante en mécanique des fluides car toutes les caractéristiques d’une particule fluide sont advectées lors de son déplacement au sein de l’écoulement

[2petites structures fongiques sphériques, appelées aussi ascocarpes. Clos à maturité, les cléistothèces s’ouvrent par rupture de leur paroi afin de libérer le ou les quelques asques qu’ils contiennent. Ils sont formés directement sur le mycélium produit à la surface des tissus foliaires par certains champignons parasites obligatoires. ils portent des appendices filamenteux, des fulcres, dont la forme fluctue en fonction des genres. Les asques renferment les ascospores, qui sont issues de la reproduction sexuée. Les cléistothèces ne sont généralement produits qu’en fin de saison, ou lorsque les conditions du milieu sont favorables à leur formation.