UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Tristan Bernard

Littérature du vin et de la table


LA LIQUEUR SYMBOLIQUE1

Les flûtes à champagne !... En temps ordinaire on les voyait derrière les vitres de l’armoire à argenterie, à côté de la théière, de la cafetière et du sucrier des grands jours... Mais la théière, la cafetière, le sucrier n’étaient que des objets de luxe, tandis que les flûtes à champagne évoquaient des idées de fête. [...] Le champagne n’arrivait qu’à la fin, au moment de la glace. Mais pendant tout le dîner, les flûtes rassurantes annonçaient sa venue certaine. Cependant quand il arrivait on était si content que c’était comme une surprise. Il venait directement de la cave. Les domestiques déposaient les bouteilles devant papa. Il voulait les déboucher lui-même. C’était une des prérogatives du chef de famille. C’était presque un devoir. Il enlevait aux bouteilles leur coiffure héroïque... On a souvent évoqué le silence inévitable qui se produit à l’instant solennel où le couteau libérateur coupe les liens du bouchon prisonnier... Puis dans une explosion presque simultanée, le champagne s’échappe de la bouteille et la joie jaillit en clameurs des poitrines oppressées... [...]

Le décor change. La scène représente maintenant une chambre de convalescent. Je relève d’une longue maladie. Le docteur, avec une bonne figure tranquillisée, est assis à mon chevet. Il n’est plus question de remède. On combine un régime. [...] Et s’il a soif ?... demande ma mère. S’il a soif dit le docteur, eh bien, vous lui donnerez du champagne ! Et la bouteille de champagne vient prendre place sur ma cheminée, au milieu des fioles de potions. [...] C’est la santé et la gaieté qui reviennent dans la chambre. Je tends mes lèvres vers le verre où la liqueur heureuse respire et semble vivante...


s.d.

1. Edité par le champagne Delbeck