ANTOINE ET JULIE
Antoine, alcoolique, se prépare à réveillonner pour Noël avec sa femme, Julie.
Il se tracassait un peu de ce qui allait se passer ce soir au restaurant. Il était presqu’indispensable de commander du champagne. Comme il connaissait sa femme, cela devait lui faire peur. II était persuadé qu’elle y avait pensé de son côté. Or il savait que cela ne lui produirait aucun effet de boire deux ou trois coupes. Il se sentait capable de s’en tenir là. [...]
Le soir, au restaurant.
Une carte, sur une coupe de champagne, portait leur nom écrit en ronde, comme dans un banquet : M. et Mme Antoine Morin. [...] II ignorait que le champagne était compté dans le prix, et un garçon venait de déboucher leur bouteille. Antoine adressa à Julie un regard rassurant. Quand le garçon se fut éloigné après avoir rempli les coupes, il murmura
- Je n’ai pas l’intention d’y toucher.
- Si tu crois que tu peux...
- Non, je préfère t’offrir ce plaisir-là.
1953
LA PATIENCE DE MAIGRET
- Vous ne voulez pas que je fasse monter une bouteille de champagne ?
- C’est à peu près la seule boisson qui ne me tente pas.
LE RICHE HOMME
1965
Il marcha une centaine de mètres et pénétra dans un bar à l’enseigne de "Le Repos du Marin". [...] Le bar était étroit, profond et, à cette heure-ci, il n’y avait presque jamais de consommateurs. D’ailleurs Nénette préférait cela. Un à la fois. Surtout quand ils étaient comme Lecoin. [...]
Il reluquait, dans le miroir derrière les bouteilles, deux filles perchées sur de hauts tabourets. [...]
- Tu as du champagne au frais ?
- J’ai toujours du champagne au frais. [...]
Puis s’adressant à lui aussi bien qu’aux deux filles, elle proposa
- Pourquoi ne pas s’installer dans le salon du fond ? [...]
Nénette alla chercher une bouteille dans le réfrigérateur et ils se retrouvèrent à quatre dans le petit salon. [...]
On vit entrer [...] une fille un peu plus jeunette, qui portait une jupe très courte. [...] Elles vidèrent leurs verres. Lui aussi, et Nénette passa à côté pour aller chercher une seconde bouteille. La nouvelle, qui s’appelait Lucie, s’était installée sur le canapé et, dans la pose qu’elle avait prise, on voyait ses jambes très haut.
Ce ne fut guère qu’à la troisième tournée qu’il commença à y avoir de l’ambiance. Lecoin les pelotait tour à tour et parfois deux à la fois. II buvait sec et elles s’arrangeaient pour que son verre ne soit jamais vide.
- Dis donc Nénette... [...] On peut monter ? [...]
Nénette leur monta une bouteille et des verres. Une demi-heure plus tard, elle montait du champagne pour la quatrième fois et elle trouva les trois femmes complètement nues. [...]
Quand il redescendit l’escalier, il eut soin de bien regarder les marches devant lui.
- Elles ont été gentilles ?
- Elles ont fait ce qu’elles ont pu. Qu’est-ce que je te dois ?
- Sept bouteilles [...]. Toujours plein aux as ! remarqua-t-elle.
Cela lui fit plaisir.
MÉMOIRES INTIMES
1970
Lorsque j’ai écrit mes "romans tout court", comme je disais alors pour les distinguer des Maigret, j’ai travaillé au café noir ou au thé, ce qui ne m’empêchait pas de boire, peu après, un verre de bière ou deux. J’ai ensuite
renoncé à la bière lorsque j’étais en roman, ce qui ne m’empêchait pas, un de ceux-ci étant terminé, de me récompenser d’une bouteille de champagne.
Aux Etats-Unis, Simenon vient d’avoir une fille et va voir 1 accouchée à la clinique.
On bavarde. Elle m’apprend que le médecin permet que j’apporte une bouteille de champagne symbolique’, à condition que ses voisines et elle ne prennent qu’une demicoupe...
- Tu crois qu’ils ont des coupes à champagne ?
Elle rit. Nous rions de tout et de rien. [...] Nos voisines répondent de bonne grâce à notre invitation et les trois femmes babillent tandis que j’ouvre la bouteille et je verse le champagne. Elles sont ravies.
- Le docteur permet ?
- Rien qu’une demi-coupe.
- Alors, vous boirez le reste.
1981
1. En France, dans certaines cliniques, le champagne est prescrit par le médecin
accoucheur.