UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

La préparation pour l’expédition

1. LE BOUCHAGE

L’histoire du bouchon de la bouteille de champagne a été évoquée au chapitre 4, auquel on pourra se reporter. La qualité du bouchon est un facteur primordial de celle du vin, pour le champagne tout particulièrement puisqu’il est soumis aux contraintes du gaz carbonique. Les bouchons d’Espagne sont toujours considérés comme les meilleurs, surtout ceux de la montagneuse et aride Catalogne qui donne les bouchons pleins à cellules de liège serrées. Les bouchonniers se fournissent aussi au Portugal depuis 1936, époque à laquelle la guerre d’Espagne leur posait des problèmes d’approvisionnement.
On se sert encore pour les grandes cuvées de bouchons en liège naturel faits de 4, 6 ou 9 morceaux assemblés, fabriqués le plus souvent en Espagne ou au Portugal. Mais l’immense majorité des bouteilles de champagne sont obturées avec le bouchon aggloméré, usiné généralement en Champagne, constitué par un amalgame de colle et de déchets de liège de bonne qualité, formant un cylindre, le manche, dont une extrémité est munie de rondelles de liège plein encollées, 1, 2, 3 rondelles ou davantage. On choisit pour ces rondelles le liège le plus fin, surtout pour la dernière, dont la face externe constitue le miroir du bouchon, en contact avec le vin. Cette technique, qui date des années vingt, a permis de surmonter la pénurie que laissait prévoir entre les deux guerres une demande mondiale de liège sans cesse croissante, tout en créant un bouchon plus solide, à la tête résistant mieux à des machines plus puissantes, offrant même dans la conservation prolongée des vins des avantages de sécurité. Ceux-ci se sont traduits notamment par une diminution considérable des accidents dus aux défauts du liège, goûts de bouchon notamment, et ont permis à Weinmann de préciser dès 1929 que les bouchons agglomérés sont d’un prix élevé qui les fait réserver au bouchage des vins de qualité [1], et à Maurice Constantin-Weyer d’écrire en 1932 : L’invention des agglomérés de liège est l’une des plus belles qui soient, permettant de fabriquer des bouchons d’une rare perfection [2]
Dans les années cinquante on a expérimenté un bouchon à champagne en matière plastique, mais on s’est aperçu que celle-ci étant susceptible de dissoudre les gaz, l’oxygène de l’air passait dans le vin. Avec des vins jeunes, il y a peu de différence avec le bouchage au liège, mais si le vin vieillit, ses qualités organoleptiques s’affaiblissent beaucoup plus vite. On y a donc renoncé, et d’autant plus facilement que le plastique ne s’accorde pas avec l’image du champagne.
Le bouchon à champagne a une longueur de 47 à 53 millimètres et une largeur de 29 à 31 millimètres. Il est en général passé sur une partie de sa longueur dans une mince couche de paraffine pour en faciliter l’extraction hors de la bouteille. Son choix, ses qualités et ses dimensions dépendent de la durée supposée de la conservation du vin et de sa destination. On bouche avec les meilleurs lièges et avec des bouchons de grande longueur les champagnes expédiés outre-mer, ceux qui devraient normalement être rapidement consommés recevant des bouchons de deuxième choix. De même on enfonce plus profondément que la normale les bouchons des bouteilles destinées aux pays chauds et ceux dont on pense qu’ils resteront longtemps dans la bouteille.
Une fois dans le goulot, le bouchon varie de forme, de taille et de compacité avec le temps, plus ou moins rapidement selon sa qualité et en fonction des conditions de conservation de la bouteille. Au début, il est souple, élastique, et si on l’enlève, il prend la forme bien connue du bouchon de champagne, à l’allure de champignon au pied renflé. Petit à petit, la tête s’arrondit et la partie qui se trouve dans le goulot se durcit et se rétrécit jusqu’à ressembler au bout d’un certain nombre d’années à un cylindre de bois : c’est le bouchon cheville, qui a perdu la subérine qui baigne les cellules et donne l’élasticité ; il peut remplir encore longtemps son office, mais aussi faire de la bouteille une couleuse, laissant s’échapper le gaz et même le liquide. A noter qu’autrefois le bouchon cheville était révéré par les amateurs de vieux vins, car il était pour eux l’indice d’une bouteille restée longtemps en cave.
On ne peut pas dire que l’histoire de la bouteille est inscrite dans le bouchon puisque celui-ci n’est posé qu’après le dégorgement, une fois le vieillissement terminé. Tout au plus peut-on déduire de l’examen du bouchon des indices sur la durée de conservation de la bouteille après expédition. C’est un non-sens de penser qu’un champagne est trop jeune parce qu’au débouchage le bouchon a repris sa forme évasée ; cela veut seulement dire que la bouteille a été bouchée peu de temps auparavant.
Pour éviter toute moisissure, les bouchons sont conservés dans des locaux tempérés et parfaitement secs. Avant emploi on procède à leur triage, ultime vérification qui s’ajoute à celles faites par les bouchonniers, puis à leur trempage en les immergeant pendant une petite heure dans de l’eau chaude ou en les passant dans des appareils à micro-ondes, cela afin de les mettre à même de mieux se prêter au serrage qu’ils vont subir. Ils auront en effet à pénétrer sur la moitié environ de leur longueur dans des goulots dont la largeur est... près de la moitié de la leur.
Le principe du bouchage est le suivant : le diamètre du bouchon est réduit de 50 % dans un tube à mâchoires compresseuses d’où il est chassé par une broche dans le goulot de la bouteille. On pose ensuite, pour le maintenir, la plaque-muselet en fil de fer, dont la ceinture est serrée autour du col, sous la bague, et tortillée pour former l’œillet. Boucheuses et museleteuses sont mécaniques ou pneumatiques, manuelles ou automatiques. Elles s’intègrent dans les chantiers et chaînes de dégorgement.
Les bouteilles sont ensuite mirées, à la main ou sur chaîne, pour s’assurer qu’elles ne présentent ni trouble ni trace de dépôt, puis elles sont remises en cave ou en cellier pour une durée de 2 à 6 mois. Il faut en effet que le vin se remette du dégorgement qui lui a fait subir un choc sévère. Il faut aussi que la liqueur ait le temps de se mélanger avec lui en une parfaite symbiose que ne peuvent réaliser à eux seuls poignettage ou agitateurs. Il faut enfin que le bouchon s’assouplisse, deux mois étant nécessaires pour qu’il puisse être retiré de la bouteille sans trop d’efforts.

2. L’HABILLAGE

Quand arrive le moment de l’habillage, les bouteilles passent dans un chantier de lavage pour être nettoyées et séchées. Elles reçoivent ensuite la capsule de surbouchage, la collerette, l’étiquette et, éventuellement, les contre-étiquettes. La capsule est le capuchon d’aluminium qui recouvre le bouchon et le goulot de la bouteille et dont la jupe, qui peut porter la mention champagne (non obligatoire) ou d’autres inscriptions, descend jusqu’au tiers de l’épaulement. La capsule d’aluminium, expérimentée à partir de 1942, a été mise en service dès 1950. Il existe aussi des capsules en complexe aluminium-polyéthylène. Les feuilles d’étain et de plomb ne sont plus utilisées que pour les cuvées spéciales. Le bas de la capsule est caché par la collerette, collée comme l’étiquette, toutes deux portant la marque du producteur et, pour la seconde, les inscriptions réglementaires, le millésime, s’il y a lieu, pouvant se trouver sur l’une ou l’autre des pièces d’habillage. Sur, l’étiquette peut figurer le sigle communautaire « e » garantissant que des contrôles de volume ont été effectués à l’embouteillage. A l’étiquette s’ajoute, s’il y a lieu, une ou plusieurs contre-étiquettes utilisées pour donner des indications particulières. Les étiquettes et contre-étiquettes sortent pour la plupart d’imprimeries champenoises, équipées progressivement à partir de 1950 de machines offset ; elles sont toujours d’un graphisme élégant et d’une grande finesse d’exécution. Depuis le début des années quatre-vingt certaines d’entre elles sont adhésives.
Dans les petites exploitations, l’habillage se fait à la main, sur table. Dans les maisons importantes, il se fait sur une chaîne automatique de conditionnement, appelée plus simplement chaîne d’habillage, pouvant livrer 12 000 bouteilles à l’heure ; la bouteille, arrivée nue, en sort élégamment parée sans autre intervention manuelle que, sur certaines machines, la pose de la capsule de surbouchage. Il existe pour les exploitations petites et moyennes des capsuleuses mécaniques et des capsulateurs et étiqueteuses semi-automatiques.

3. L’EMBALLAGE

L’emballage se fait à la main ou sur une chaîne d’expédition. Il utilise essentiellement le carton, avec apport du plastique, et répond parfaitement aux problèmes de conditionnement et de transport du champagne. On se sert encore de caisses en bois pour les régions tropicales humides et équatoriales, et pour des envois de composition groupant des bouteilles de différentes tailles.
Entourées de papier mousseline, parfois de papier métallique pour une meilleure protection contre la lumière, les bouteilles sont le plus souvent couchées tête-bêche dans des berceaux empilés dans des cartons d’expédition, d’une contenance de 3, 6, 12 ou 15 bouteilles, pour les plus usités. Pour la bouteille individuelle et les envois de 2 et 3 bouteilles il existe des étuis et emballages en carton décoré qui donnent au champagne une présentation raffinée.
L’emballage termine le cycle de la manutention de la bouteille de champagne, au cours duquel, depuis l’approvisionnement du chantier de lavage, avant tirage, elle a subi 40 manipulations, réduites à 30 avec le travail sur chaîne, auxquelles s’en ajoutent de 30 à 50 pour le remuage s’il n’est pas automatique. C’est donc entre 30 et 90 fois que la bouteille est livrée aux mains des cavistes, pour un peu plus d’une vingtaine d’opérations distinctes.

Notes

[1WEINMANN (J.) Manuel du travail des vins mousseux, Epernay, 1929.

[2CONSTANTIN-WEYER . L’ame du vin. Paris, 4932.