UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

Le tirage

La vinification et la cuvée ont élaboré un grand vin, mais qui n’est encore que matière première. Il reste à en faire le champagne. On doit pour cela commencer par le tirer en bouteilles, mais en l’additionnant au préalable de sucre et de levures qui, par interaction, vont en augmenter le titre alcoométrique et le saturer de gaz carbonique.
Le sucre est mis sous forme de liqueur de tirage. Il ne faut pas se méprendre sur le mot liqueur. Celle de tirage, comme aussi bien celle d’expédition que l’on rencontrera bientôt, n’a rien à voir avec la Chartreuse ou la Bénédictine, d’autant plus que l’on a heureusement abandonné l’habitude qu’avaient les producteurs du XIXe siècle d’y ajouter des substances diverses. La liqueur de tirage est composée du vin de la cuvée à mettre en bouteilles et de sucre, le plus souvent de canne parce qu’autrefois réputé le plus pur, mais aussi de betterave que les raffineries, grâce à leurs progrès techniques, sont parvenues à rendre sans reproche ; il n’y a, du point de vue chimique, aucune différence entre les deux espèces de sucre. La concentration est généralement de 500 grammes de sucre par litre. Le volume de la liqueur de tirage qui sera ajouté à la cuvée est calculé en fonction de la pression que l’on désire obtenir, étant donné que 4 grammes de sucre, après fermentation, auront produit une pression de 1’atmosphère à la température de 10°centigrades et pour un vin d’un titre alcoométrique de 10 %. Pour une pression souhaitée de 6 atmosphères, un tel vin devra contenir 24 grammes de sucre par litre. On ajoutera donc la quantité convenable pour obtenir ce dosage, en défalquant celle du sucre qui pourrait subsister dans le vin, tout en ayant présent à l’esprit qu’en lin de deuxième fermentation il restera environ 1 gramme de sucre non transformé.
Les levures sont sélectionnées parmi celles qui, sans être susceptibles de modifier le bouquet et le goût du vin, sont aptes à résister à l’alcool et à travailler convenablement à basse température, tout en formant des dépôts denses, grumeleux, n’adhérant pas au verre. Elles sont apportées à la cuvée de tirage à raison de 3 à 5 % d’un levain en activité, bouillon de culture dans lequel les cellules de levures sont au nombre approximatif de 40 millions par centimètre cube.
La cuvée doit faire l’objet d’une sérieuse aération. Pasteur, dans ses Etudes sur le vin, a démontré que la prise de mousse en est facilitée. L’aération est nécessaire, en outre, pour éliminer le CO2 qui peut se trouver dans le vin et pour apporter à celui-ci l’oxygène nécessaire à la multiplication des levures. On mélange la cuvée avec la liqueur de tirage et le levain dans des cuves munies d’agitateurs. Le tout est brassé lentement et longuement pour que soient assurées la parfaite homogénéisation du vin et de la liqueur et une répartition régulière des levures. On remplit ensuite les bouteilles en laissant une chambre à air d’un volume de 20 à 25 cm3 pour que les levures puissent disposer d’une quantité suffisante d’oxygène.
Après tirage, les bouteilles sont généralement bouchées avec une capsule-couronne, qui élimine toute possibilité de fuite du liquide et du gaz. Elle comporte une coiffe métallique, en fer étamé, en acier inoxydable ou en alliage d’aluminium, recouvrant une cartouche en matière plastique appelée le bidule, servant de réceptacle pour le dépôt et pouvant être incorporée ou séparée ; le bidule assure l’étanchéité et le métal maintient le bidule. On a vu au chapitre 5 les précautions qui avaient été prises pour s’assurer que ce système ne présentait aucun danger pour la qualité du champagne. En fait, il est parfaitement sûr, et certainement meilleur que celui qui consistait autrefois à réemployer pour le tirage les bouchons d’expédition déjà utilisés. Néanmoins, quelques négociants et vignerons restent fidèles pour leurs meilleures cuvées au bouchon de liège de tirage, posé avec une agrafe, estimant qu’il a sur la capsule-couronne certains avantages en matière de vieillissement. Les avis sont partagés à ce sujet mais, quoi qu’il en soit, à la fin des années soixante-dix plus de 95 % des bouteilles de champagne étaient bouchées avec la capsule. Toutefois, l’utilisation du bouchon de liège reste obligatoire pour les bouteilles qui, par leur forme particulière, ne se prêtent pas à l’utilisation de la capsule-couronne. On peut savoir à l’ouverture de la bouteille si elle a été bouchée au liège au tirage. S’il en est ainsi, elle a une bague carrée aux méplats accusés, destinée à permettre l’agrafage. Dans le cas contraire, elle a une bague couronne dont la partie supérieure est bombée et se prolonge par une légère dépression qui rejoint un bourrelet arrondi situé à l’extrémité du goulot.
La mise en bouteilles et le bouchage ou le capsulage s’effectuent dans un chantier de tirage qui, selon l’importance de la production, peut être manuel, semi-automatique ou automatique, avec fontaines à soutirer, tireuses, boucheuses et agrafeuses, capsuleuses et biduleuses, ou même prendre la forme d’un groupe transfert de tirage. Les tirages se font surtout au printemps puisqu’ils sont l’aboutissement chronologique des opérations de vinification et de préparation de la cuvée. Mais on peut les effectuer toute l’année car, du fait des progrès de la technique, la prise de mousse n’est plus assujettie au retour de la chaleur et à la montée de la sève. Au fur et à mesure que se poursuit le tirage, les bouteilles sont descendues en cave pour la prise de mousse.