UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

Les rendements

Le rendement annuel varie en Champagne, comme dans les autres régions viticoles du globe, en fonction de l’âge, de la santé et de l’alimentation de la vigne, de l’activité des parasites et des circonstances atmosphériques. Mais ce dernier facteur est la cause principale de la très grande irrégularité des récoltes champenoises en raison de la situation septentrionale des vignobles. On a calculé qu’entre 1900 et 1980 les rendements ont été diminués de façon notable en moyenne une année sur trois par le mauvais temps pendant la période de floraison, une année sur trois par les gelées de printemps, une année sur cinq par la grêle, une année sur quinze par la sécheresse, une année sur trois et une année sur neuf par le mildiou et par l’oïdium, conséquence du temps humide, à qui on a dû également de nombreuses pertes par pourriture grise. Au Portugal, le rendement est toujours à peu près le même ; en Champagne, il varie chaque année dans des proportions importantes, les bonnes récoltes étant heureusement les plus nombreuses.
De 1951 à 1983, quatre années ont eu un rendement à l’hectare inférieur à 4 500 kilos : 1951 (gelée totale), avec 2 910 kilos (19,40 hl) ; 1957 (gelée totale), avec 2 260 kilos (15 hl) ; 1978 (coulure et millerandage), avec 3 680 kilos (24,43 hl) ; 1981 (mauvaise floraison, oïdium), avec 4 361 kilos (28,95 hl). Par contre la même période a vu dépasser le cap des 13 000 kilos en 1982 et 1983. Sur la période de dix ans qui s’est étendue de 1970 à 1979, la moyenne des rendements annuels s’est établie à 9 250 kilos à l’hectare (61,66 hl). Compte tenu cependant que cette période a bénéficié de quatre années raisineuses, autrement dit de quatre fortes récoltes, en 1970, 1973, 1976 et 1979, aux rendements supérieurs à 10 000 kilos à l’hectare, on peut estimer que la moyenne des dix années en question est un peu plus élevée que la normale, qui pourrait se situer entre 8 500 et 9 000 kilos à l’hectare (56,66 à 60 hl). Le rendement des vignes champenoises a nettement augmenté depuis la dernière guerre puisqu’il est passé de 3 675 kilos (24,50 hl) à l’hectare dans la décennie de 1940 à 1949, chiffre qui était toujours celui du début du siècle, à 5 000 (33,33 hl) dans celle de 1950 à 1959, à 7 550 (50 hl) dans celle de 1960 à 1969, pour arriver, comme on vient de le voir, à 9 250 (61,66 hl) de 1970 à 1979. C’est le résultat du rajeunissement du vignoble et des progrès réalisés dans la sélection des plants, l’emploi des fumures et amendements, la désinfection des sols, les soins culturaux et la lutte contre les ennemis de la vigne.
En Champagne, le rendement moyen n’est pas excessif et on peut comparer celui de 60 hectolitres à l’hectare avec les 200 hectolitres de certains vins du Midi de la France ou d’Italie. Mais les récoltes sont généralement plus généreuses que dans les autres vignobles français à appellation d’origine. Il en a toujours été ainsi et au début du XVIIIe siècle les vignes de la Marne étaient connues pour donner à l’arpent un produit moyen égal sinon supérieur à celui des autres vignobles de France (94). Il faut redire ici que lorsque la vigne, et c’est vrai pour tous les végétaux, se trouve à sa limite climatique nord, elle est particulièrement féconde chaque fois qu’elle a pu vaincre les obstacles que lui oppose la nature ; l’expérience le prouve. Il en résulte comme l’exprime fort bien Georges Chappaz, que sous un climat septentrional comme celui de la Champagne les années de grosse production générale sont en même temps souvent les années de grande qualité, parce que les conditions météorologiques favorables à la vigne ont simultanément permis une végétation bien équilibrée, une floraison régulière et une bonne maturité [1]. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de constater que trois sur quatre des grosses années de la décennie 1970, à savoir 1970, 1973 et 1976, ont été d’excellents millésimes. C’est seulement si on visait systématiquement à la recherche des gros rendements par des pratiques culturales abusives que la qualité en souffrirait. Mais la conscience professionnelle du vigneron champenois le met à l’abri de cette tentation, ainsi d’ailleurs que la réglementation, le rendement maximum autorisé étant notamment de nature à le dissuader de l’emploi onéreux d’engrais qui auraient pour effet de produire un surplus de raisins dont il risquerait de ne pouvoir tirer bénéfice.

Notes

[1CHAPPAZ (Georges). Le Vignoble et le vin de Champagne. Paris, 1951.