UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Jules Renard

Littérature générale

LE BOUCHON
A Léon Daudet

Voilà que le maître de maison, M. Bornet, saisit la bouteille de champagne.

- Ah ! Ah !

Il disperse d’un souffle puissant les grains de poussière qu’elle a sur la tête.

On le regarde.

Il lui enlève son capuchon d’or. On devient grave.

Il coupe des fils qui la serrent au cou.

Les dernières paroles lancées retombent à droite et à gauche, molles. Il appuie son pouce sur la nuque.

Attention !

- Bon ! dit Mme Bornet, tu vas commencer tes bêtises. On ne pourrais point faire ça à la cuisine ?

M. Bornet n’a même pas un geste de mépris. Il exerce par degrés les pressions accoutumées. Il semble pétrir une figurine de glaise. Il n’accomplit rien à la légère. S’il s’aperçoit que le bouchon a grandi d’une ligne, il se repose, et laisse l’effet se produire. II donne aussi d’amicales tapes au ventre, au derrière de la bouteille. Parfois il l’incline, comme une arme chargée, dans la direction d’une poitrine, d’une gorge ouverte. Mais il rassure aussitôt ces dames

- N’ayez pas peur, je suis là !

- C’est crispant, dit Mme Bornet, prends un tire-bouchon et finis-en, à la fin !

- Prendre un tire-bouchon pour déboucher une bouteille de champagne, répond M. Bornet, syllabe par syllabe ; j’ai, dans ma longue vie, entendu des choses prodigieuses, mais celle-ci l’emporte, je l’avoue. [...1

Tiraillée en divers sens, la bouteille de champagne résiste aux efforts, [...1 s’immobilise, étouffe, pousse toute seule, et le bouchon sort comme un soupir de digestion, se couche sur le côté, au bord du goulot, paresseusement.

1893
Coquecigrues

L’INVITÉ SYLLA

- Reprenez plutôt de ces aubergines.

- J’en ai jusqu’ici, dit M. Sylla.

- Allez toujours. Le flot de la bouteille au chapeau d’argent les fera couler.

-  Oh ! oh ! du champagne ! Bigre ! mince de noce !

-  Nous recevons peu, dit M. Bornet, mais quand nous recevons, nous recevons bien.

2 janvier 1896

JOURNAL 1887-1910

Chez Sarah Bernhardt. Elle est couchée, près d’une cheminée monumentale sur une peau d’ours blanc. [...1

Voici le lion, un des cinq "pumas" de Sarah Bernhardt. On le tient par une chaîne. Il vient flairer les peaux et les gens. [...1

Une bouteille de champagne se renverse dans les mains du garçon. Le bouchon part, et Sarah, couchée sur sa peau d’ours, reçoit la limonade en plein visage. Un moment, j’ai cru que ça faisait partie du programme...

1896
La Maîtresse

Le père de Jules Renard vient de mourir :

Il disait narquoisement à son médecin

-  Je viens de manger une omelette au lard avec des fines herbes.
Cette espèce de joie au champagne que donne le « Ça va mieux ! » d’un moribond.


16 juillet 1897

Sarah Bernhardt, le soir de la première de Cyrano de Bergerac.
Enfin, Rostand ! Et elle le prend pour elle seule, toujours par la tête, mais cette fois, comme une coupe de champagne, mieux : une coupe d’idéal.
26 juillet 1900
En accouchant, elle a été prise d’une crise d’estomac. On a cru qu’elle passait. [...1

Une bouteille de champagne [...] l’a remise.

30 décembre 1897

1927
OEuvre posthume