UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Chocolat, Champagne, la Volupté de Dr Tran Ky

Des vignobles forgés par titan et brodes par les fées

De mémoire de roche, la genèse de l’illustre terre de Champagne s’inscrit dans les structures en auréoles concentriques du Bassin parisien que la nature avait fait ciseler au cours des âges par Neptune et Eole après chaque période de glaciation.

Qui aime bien châtie bien. Décidément les dieux n’ont épargné aucun effort afin d’accoucher dans la douleur le joyau champenois. De longues ères d’épreuves géologiques attendaient encore la naissance de l’enfant prodige.

Noyée sous les flots à plusieurs reprises, une riche microfaune marine se donnait le temps pour mijoter ses couches de sédiments. Des grains de feldspath, de grenat, de mica, de schiste… arrachés des entrailles de l’océan et finement rongés par les houles, se déposaient en feuillets successifs pour enrichir les débris de coquilles. Enfantée sous les eaux, le berceau de la Champagne émergera progressivement à la lumière, soulevé par les chocs et entrechocs des deux colosses : le heurt de l’Afrique contre l’Europe.

Mais ce n’est pas fini. Voici que déferlent pas à pas les glaciers. Leur avancée impitoyable rabote les pentes, creuse les vallées, élargit les passes, entasse les ravins, fait onduler les côtes. Ce travail de sorciers se répéta à plusieurs reprises au cours des longues glaciations.

Ainsi s’harmonisent à travers les âges le trésor géologique des côtes champenoises, en attendant l’homme qui y mettra sa dernière touche, créant ces vignobles tapissés, soignés comme des jardins. Un damier vert, vivant qui respire la poésie et qui chante la lumière.

Examiné sous son aspect rocheux, le manteau crayeux de Champagne repose en profondeur sur sept couches de grès. Les assises patiemment modelées en « piles d’assiettes » au cours des huit derniers millénaires, furent forgées en partie par l’enfoncement progressif de ce Bassin depuis les ères secondaire et tertiaire.

La noble côte de Champagne se situe justement au fond de cette cuvette géante. Ses strates, alternativement dures (grès, calcaire) et tendres (sable, sédiments friables) furent jadis dessinées par les flux et reflux des mers disparues.

On conçoit que l’épaisseur de cette formidable formation de dentelles aérées dépasse par endroit 3,000 mètres. Dans son réseau capillaire circule encore une mer d’eau fossile, douce et immaculée, coulant de Troyes à Chartres. Elle irrigue Reims au passage, avec un débit de 320 litres par mètre cube et par minute.

L’eau ne manque pas non plus dans les couches superficielles, à la disposition des longues racines des ceps. Les Titans qui façonnèrent cette terre l’avaient d’avance promise à la vigne. La pente principale de ce relief champenois, étant orienté au levant, expose les vignobles au maximum de lumière, au printemps comme en automne, offrant par là les conditions idéales à la floraison de la vigne et à la maturation des grappes.

Le point culminant de cette terre promise se situe justement à la Montagne de Reims, le haut lieu sacré du champagne. Rien d’étonnant donc que Hautvillers se trouve au pied même de ce sanctuaire.

A perte de vue, le déferlement de vignes impeccablement taillées dessine des ondulations gracieuses, à la fois douces et voluptueuses. Pas le moindre pouce de terrain négligé sur la sérénissime Côte des Blancs. Ces vignobles d’art, de poésie, donne une impression de perfection, sinon d’enchantement. Mais ni le sol ni le sous-sol n’ont encore dit leur dernier mot. Le miracle naîtra du mariage fécond entre l’homme et la nature courtisée.

En fait, ce nectar aux bulles d’or conjugue à merveille l’alchimie des éléments géochimiques du sol à l’âge de la vigne et à la technique culturale, sans oublier les notes mélodiques du soleil, des sources, des levures ainsi que l’inspiration du vigneron.

« Les mystères les plus profonds résident dans les objets les plus naturels les plus simples », nous rappelle le philosophe allemand L. Feuerbach.

L’infrastructure souterraine de ces vignobles incomparables se distingue par leurs strates de marne, de pierre de Prémeaux et de calcaire à entroque aéré truffé d’oolithe blanche, sans parler du feu d’artifice de ses oligo-éléments composant une palette étincelante de cristaux invisibles ( manganèse, cobalt, molybdène, fer, cuivre, nickel, lithium…).

Bien des terrasses de la Côte des Blancs retiennent des éclats calcaires anguleux issus jadis de la gélifraction. De tels matériaux ne sont pas du tout comprimés, si bien que le sol reste poreux, le rationnement en eau s’avère remarquable permettant des enracinements très profonds. Ici la maturation du raisin se fait lentement. Tandis que la fraicheur nocturne permet une remise en pression des tissus. Ce qui active la photosynthèse le matin. C’est sur ces terroirs que se développent les arômes les plus fins nuancés de senteurs florales.

Cette diversité des roches crayeuses offre au champagne la riche complexité de son bouquet. Sous l’effet des enzymes de la salive, certains composants de polyphénols libèrent leur molécule soufrée (la cystéine), initiant ainsi la perception du bouquet. Plus curieux encore, cette « longueur en bouche », une fois dissipée, peut même resurgir en « queue de paon ».

Un tel miracle se répète souvent avec un champagne biologique élevé avec minutie. Le mythique clos du Mesnil, près de Mesnil-sur-Oger, constitue un hymne grandiose de cette composition née des roches calcaires.

Mais la plante adorée ne dédaigne pas non plus les veines argilo-sableuses des vallées de la Marne, de l’Ardre, du Surmelin, de la Vesle... Bien que, paradoxalement, cette liane enfante mal dès que le sol est riche. Semblable à une sainte, la vigne vit dans le dénuement. Elle aussi doit souffrir pour pouvoir accorder sa bénédiction.

Au beau pays de Dom Pérignon, la magie des vignobles évoque irrésistiblement cette pensée de J. GIONO : « Quand les mystères sont très malins, ils se cachent dans la lumière. »