UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Chocolat, Champagne, la Volupté de Dr Tran Ky

INVITATION AUX DÉLICES D’UNE FLÛTE

A la lumière de la biochimie, nous découvrons que pratiquement tous les composants du champagne se parent d’une adorable robe de bal parfumée pour célébrer la fête.

Les effluves du bouquet se révèlent somptueux, enchanteurs, étincelants. Ils s’élèvent dans l’air, quand éclatent les bulles pétillantes. D’autres molécules odorantes restent dans le vin, se combinent avec les composants tanniques en attendant d’agir lors de la dégustation.

La muse de ces senteurs enchanteresses a inspiré au poète ce chant suave :

Il est des parfums frais comme les chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d’autres corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies.

Baudelaire

Dans l’ensemble, on distingue parmi les effluves floraux du champagne :

  • Les acides gras que l’on rencontre dans la plupart des crus.
  • Les alcools terpéniques exhalant tantôt un parfum d’églantine ou de fleur d’oranger, tantôt une saveur acidulée évoquant la flaveur de cerise.
  • L’alpha-terpinéol, une molécule légèrement amère dotée d’un soupçon d’amande. En dépit de sa teneur extraordinairement ténue, cette substance se révèle très pénétrante.

En effet, l’intensité d’une sensation gustative et olfactive ne dépend pas de la concentration de l’arôme en phase liquide, mais de la tension de vapeur qu’il soulève à la surface des récepteurs au niveau de la langue et de la muqueuse nasale.

Pour un composant donné, le spectre des nuances odorantes est quasi infini. La même molécule peut engendrer une gamme incroyable de senteurs suivant sa concentration, ses vibrations ainsi que ses rapports en présence des diverses substances rencontrées au hasard dans le tourbillon rythmé par les bulles chantant à la surface du vin.

  • Les alcools aromatiques existent dans toutes les marques de champagnes. Les alcools iso-amyliques, 2-phényléthanol, isobutalos, thiopropanol… font partie de la classe des alcools supérieurs. Ces molécules activent les ferments dormants, les font valser dans l’air afin que rayonne l’éclat de leur fragrance.
  • Les éthers de phénols se marient aux composés du glucose. Le citral par exemple se caractérise par son arôme de noisette. L’eugénol nous surprend par son charme exubérant imitant la senteur du lilas.
  • Les aldéhydes, inséparables des dérivés benzoïques, s’expriment par un murmure de fraise de bois. Le citral fait résonner sa note de verveine. Une molécule comme l’acétaldéhyde met en relief le parfum de framboise du chardonnay. C’est lui le premier que le nez détecte en humant la flûte.
  • Les cétones comprennent de multiples variétés de jasmones aristoloches. Ces molécules volatiles se caractérisent par leur grande photosensibilité. Tout comme les fleurs de jasmin, elles exercent leur charme sous la lueur des chandelles. Les vins bien vieillis s’enrichissent de ces composés cétoniques, tout en perdant une partie de leur alcool primaire, l’éthanol.
  • Les esters constituent les éléments les plus répandus qui surgissent les premiers de la bouteille dès que saute le bouchon. Les esters de charge polaire ( lactates, malates et succinates d’éthyle ) tout comme les esters apolaires ( octanoates, hexanoates, butanoates, propanoates d’iso-amyle…) augmentent au gré de la bonification. Ces substances confèrent au champagne rosé une flaveur évoquant l’arôme de cèdre.
  • Les acétates composent les parfums les plus capiteux. Etant de faible volatilité, ils prolongent l’effet odorant en diffusant une nuée d’essences irisées facilement perceptibles dès qu’on soulève la flûte.
  • Les lactones sont des molécules délicates de parfums gras véhiculant un soupçon de fleur de pêche ou de cognassier.
  • Les composés nitrés, les ionones et les acides organiques volatils forment trois grandes classes hétérogènes dont les molécules existent à l’état de traces après la seconde fermentation. Le rôle de ces complexes biochimiques dans l’harmonie d’une flagrance demeure encore énigmatique.

Nous savons néanmoins que le rôle des acides organiques consiste essentiellement à initier certains précurseurs en vue d’engendrer des molécules odorantes. Les acides mucique et glyoxylique par exemple captent des ions d’hydrogène, se conjuguent ensuite aux ions d’eau et de méthane pour synthétiser les acides phénols, matière première des phénols-oxydases, enzymes chargées de bâtir plusieurs variétés d’arômes.

La grande majorité de ces artistes, tels les acides laurique, adipique, glycolique, citromalique… n’existent qu’en quantité infinitésimale. Cela ne signifie point qu’ils soient moins compétents dans la genèse du bouquet. Leur teneur varie certes au gré de l’ensoleillement de l’année. Le rapport pourrait augmenter de 1 à 7 si les trois derniers mois précédant la vendange était bénis par l’astre du jour.

Ces composants aromatiques se comportent comme les notes centrales d’une symphonie, des arias suaves que le champagne superpose et juxtapose suivant l’inspiration du vigneron, la maturation des cépages, la personnalité du terroir, les caprices du ciel…

A côté de ces effluves de base représentant le dénominateur commun de toutes les marques de champagne, il convient d’ajouter bien d’autres constituants aromatiques instables caractérisant l’âme de chaque terroir. Ils n’existent qu’à l’état de traces, se distinguent par leur furtive volatilité. Leur charme éphémère et leur concentration aussi variable que variée rendent leur détection difficile.