La Champagne, diraient aujourd’hui plaisamment ceux qui ne veulent pas risquer de se tromper, c’est le pays où l’on fait le vin de Champagne. Mais autrefois cette définition facile n’était pas admissible, car le vin de Champagne n’a pas toujours existé et n’a pas toujours été ce qu’il est aujourd’hui. L’origine du mot Champagne est encore discutée actuellement : beaucoup la voient dans les deux mots celtiques kann pann qui signifient blanc pays. Cette explication est en effet fort admissible et évoque bien la craie si répandue dans cette région ; mais il en est une autre encore plus simple, émise par certains savants : Champagne viendrait du mot latin Campagnia - plaine [1]. Ce n’est guère qu’au dixième siècle que l’on voit apparaître, appliquées à Châlons et à Reims, les expressions campania cathalaunensis, campania remensis.
Les frontières de la Champagne sont restées longtemps imprécises et beaucoup de communes qui revendiquent aujourd’hui le droit de se dire champenoises, ont été au cours des siècles rattachées successivement à diverses régions. La ville de Sens par exemple fut conquise par le duc Richard de Bourgogne en 896. Réunie à la couronne en 1015, elle fut occupée par Eudes, comte de Champagne et ensuite restituée au roi en 1034. Aussi pour Larcher de Lavernade, historien de Sens, cette ville ne fit pas plus partie du comté de Champagne que du duché de Bourgogne. Cette conclusion a été cependant repoussée par la plupart des auteurs, car divers détails montrent que Sens a dépendu de la province de Champagne.
Ces discussions s’expliquent très facilement si l’on observe qu’historiquement le nom de Champagne s’est appliqué à trois circonscriptions tout à fait différentes :
Le mot « province de Champagne », après avoir désigné tout d’abord le domaine des comtes de Champagne, s’est appliqué ensuite simultanément au gouvernement militaire comprenant la Champagne et la Brie, et à la généralité dont l’importance territoriale était moindre : dans cette division territoriale, la Brie fut en effet scindée en deux parties, l’une rattachée à la généralité de Paris, l’autre à celle de Soissons.
Troyes, capitale du comté de Champagne, continua à être capitale du gouvernement, malgré qu’après la division en généralités, les gouverneurs aient généralement fixé leur résidence à Paris. Mais la capitale de la généralité était au contraire Châlons. On a donné parfois ce titre à Reims parce qu’elle était la ville principale de la région et le siège d’un important archevêché ; c’est ainsi que des trésoriers généraux se sont choisi Reims pour résidence, malgré qu’il leur fut prescrit d’habiter la capitale de la généralité. Mais ces légères dérogations à la règle ne pouvaient avoir pour effet d’attribuer à Reims une qualité que cette ville n’avait pas, et qui appartenait au contraire à Châlons. [2]
L’étude des frontières de l’ancienne province de Champagne paraît plutôt du ressort des historiens que des juristes. Et cependant la préparation administrative des délimitations et la solution des procès actuels intentés dans le même but ont nécessité dans toute la France un examen des plus minutieux de l’histoire et de la géographie des régions rendues célèbres par leurs grands vins.