UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La protection des vins de champagne par l’appellation Roger Hodez

Chapitre V

La Délimitation administrative des Territoires ayant Droit à l’Appellation "Champagne"

Nous avons vu que les usages, confirmés par une jurisprudence constante, réservaient le nom de Champagne au vin récolté et fabriqué en Champagne. Mais la Cour de Cassation n’avait jamais précisé ce qu’elle entendait par Champagne ou ancienne province de Champagne. Aussi était-il nécessaire de compléter la définition du vin de Champagne par la délimitation des territoires visés par ce terme. Depuis longtemps des plaintes assez vives se faisaient jour en France sur les abus qui se commettaient fréquemment au détriment des producteurs d’articles spécialement prisés du public. Notamment pour les produits vinicoles, la fraude apparaissait particulièrement choquante lorsqu’un négociant arrivait à donner le nom d’un cru ou d’une région célèbre à un vin qui n’en était pas originaire. Et naturellement, dans l’esprit de la foule, ces abus se multipliaient à l’infini. Le mouvement de protestation qui en fut la conséquence trouva son premier aboutissant dans la loi de 1905 sur la répression des Fraudes. Celle-ci peut être considérée ainsi comme étant le point de départ de la délimitation française. Son article 11 en effet précisait que des règlements d’administration publique statueraient sur les mesures à prendre pour assurer l’exécution de la loi, notamment en ce qui concerne les inscriptions et marques indiquant, soit la composition, soit l’origine des marchandises, soit les appellations régionales et de crus particuliers. Cet article ne semblant pas cependant offrir toutes les précisions désirables, les parlementaires de la Marne avaient proposé d’ajouter un amendement ainsi conçu : « Les règlements délimiteront les régions pouvant prétendre exclusivement aux appellations de provenance des produits ». M. Coûtant présentait du reste cette disposition comme devenue obligatoire pour la France à cause de son adhésion à l’arrangement de Madrid de 1891 ; il estimait que nous étions « engagés à l’avance à délimiter les régions viticoles, à leur donner une sorte de reconnaissance légale ». L’amendement fut retiré sur la demande de la Commission, parce que, disait-elle, son article il était susceptible de répondre au désir exprimé [1]. La suite des événements a montré que l’amendement ne faisait nullement double emploi.
La loi de 1905, réclamée depuis si longtemps, fut considérée au début comme devant être la panacée universelle. Or, il s’agit d’une loi faite avant tout dans l’intérêt du consommateur et, si elle offre une base très sérieuse pour la Répression des Fraudes, elle ne peut cependant suffire à elle seule, notamment pour garantir l’origine des produits dont le nom a une valeur toute spéciale parce qu’il permet par lui-même le contrôle de la qualité ; le but ne peut être atteint que par une délimitation.
Trois voies permettent d’y aboutir : la délimitation législative, la délimitation administrative et la délimitation judiciaire. C’est ce dernier système qui est forcément adopté dans les pays où aucun texte spécial ne régit la matière et c’est celui sous l’empire duquel nous avons vécu exclusivement jusqu’à 1907. Il n’était pas sans offrir des inconvénients multiples qui l’ont fait abandonner momentanément. Des arguments théoriques ont été invoqués contre lui : on lui reproche tout d’abord de ne fixer aucun statut des appellations d’origine et de livrer la question au hasard des procès, dont les solutions pourront même être contradictoires à raison de l’autorité relative de la chose jugée. — Cette critique renfermait autrefois une part de vérité, car il est certain que les Tribunaux manquaient de base et de points de comparaison pour régir une question aussi grave. Cependant ce système à pu subsister pour certaines régions telles que la Bourgogne et y fonctionner à la satisfaction de tous. Aujourd’hui en fait la délimitation se trouve très facilitée pour les Tribunaux ; on peut ajouter que quoique ceux-ci se trouvent fréquemment obligés de se prononcer sur des questions techniques très ardues, ils les résolvent généralement d’une façon très satisfaisante. — On a prétendu également que la délimitation judiciaire se trouvait interdite par l’art. 5 du Code Civil, aux termes duquel il est interdit aux Tribunaux de statuer par voie générale et réglementaire. Il faut répondre par une distinction : tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’un Tribunal ne peut dire quelles sont les communes dont les vins auront droit à l’appellation Champagne  ; mais par contre il peut parfaitement déclarer que tel propriétaire a droit ou non à l’appellation qu’il prétend donner à son produit, sans pour cela enfreindre la règle de l’art. 5. On objecte encore qu’il est très rare que les limites des régions productrices correspondent exactement avec des limites administratives ou historiques, aussi des contestations fréquentes peuvent-elles s’élever et les Tribunaux se trouvent ainsi amenés à déterminer indirectement l’étendue de ces régions. Le seul moyen qui s’offre alors à eux est d’étudier à fond les usages locaux, loyaux et constants en prenant garde toutefois de bien les distinguer des abus qui, pour être parfois invétérés, n’en ont pas perdu pour cela leur caractère originel d’abus et ne peuvent de ce fait être générateurs d’un droit.
Dans la plupart des cas, si l’on excepte certaines prétentions audacieuses et insoutenables, le rôle de juge sera aussi difficile que délicat : pour déterminer exactement les territoires qui ont droit à une appellation d’origine, il pourra avoir à s’occuper de la nature du sol, du climat, des cépages, du mode de culture et de fabrication, éléments dont la réunion a permis le développement des usages sur lesquels on peut légitimement s’appuyer. — Ce système de délimitation judiciaire, peut-être satisfaisant pour certaines régions, semblait insuffisant pour la Champagne et le Bordelais en raison de l’extrême complexité du problème à résoudre. Les tribunaux dans l’ensemble arrivaient à se laisser guider uniquement par les limites administratives et historiques. Il paraissait donc normal de faire appel à l’Etat pour obtenir l’unification sur les bases les plus équitables ; l’administration dispose en effet de moyens d’investigation fort nombreux et précis à l’aide desquels elle peut s’éclairer sur la situation exacte de la région qu’il importe de délimiter.
Cependant ce mode de procéder est justiciable d’une critique de principe assez sérieuse. Ceux qui la formulent estiment qu’une question de la gravité de la délimitation ne peut être résolue par voie de décret, mais que l’intervention législative s’impose. « Il y a, dit M. Pierre dans son Traité du Droit politique et parlementaire, des questions que le pouvoir législatif est obligé de retenir et dont il ne peut confier la solution au pouvoir exécutif, même sous le contrôle et avec le concours du Conseil d’Etat. Le droit de propriété, par exemple, ne saurait faire l’objet d’un règlement d’administration publique et tout ce qui en concerne l’exercice doit être réglé directement par la loi ». C’est une mission qui, d’après les principes de notre droit public, ne peut supporter d’être déléguée au pouvoir exécutif. MM. Castillard, à la Chambre, [2], et Rambourg, au Sénat [3] ont développé longuement cette conception qui fut vivement combattue tant par le Ministre de l’Agriculture que par le rapporteur à la Chambre, M. Dauzon. Celui-ci se défendit vivement d’avoir voulu faire trancher une question de propriété par l’Administration ; il ajouta : « C’est la sanction d’un droit de propriété, une sorte de réglementation du nom commercial appliquée aux produits du sol ou du commerce, qui est ainsi confiée au Conseil d’Etat, et non pas la faculté de procéder à une réforme même partielle du statut foncier. La délégation du pouvoir réglementaire au Conseil d’Etat, dans les termes où nous la proposons, est non seulement légitime, elle est traditionnelle et de droit commun législatif [4].
Il paraît d’un autre côté très dangereux de livrer une tâche si délicate au Parlement qui se compose d’hommes politiques dont il n’est pas possible d’attendre un jugement rendu sans aucun parti pris. Le système du règlement d’administration publique a paru se mieux prêter à une juste délimitation. M. Monis l’a défendu dans les termes suivants : « J’ai immédiatement pensé à ouvrir aux deux parties en litige l’accès d’un grand tribunal... La juridiction chargée de trancher cette question présente de telles garanties d’impartialité. Le Gouvernement s’interdit toute espèce de discussion ou de direction dans cette affaire, les juges seront ainsi maîtres souverains de leur décision... C’est donc un tribunal souverain qui se prononce [5] », cette appréciation du rôle du Conseil d’Etat a du reste paru trop optimiste et peu conforme à la réalité ; c’est ce que M. Poincaré s’empressa alors de répliquer à M. Monis : « Le Conseil d’Etat n’est pas un tribunal dans l’espèce ».
Le Gouvernement ne se dissimulait pas l’importance de la tâche qui lui incombait et les conséquences très graves qu’elle pouvait comporter. Il faut reconnaître qu’il chercha à s’éclairer le plus possible sur la situation réelle. Une commission des boissons subdivisée, en trois sous-commissions, fut chargée de l’étude préliminaire et de la consultation des intéressés. Un questionnaire très précis leur fut adressé. D’après un rapport du docteur Luling du l5 juin 1906 en réponse au questionnaire, tout le monde paraissait d’accord pour limiter la Champagne Viticole au Département de la Marne et à l’arrondissement de Château-Thierry et réserver l’appellation Champagne aux vins mousseux récoltés et manutentionnés complètement dans cette région viticole ainsi déterminée et produits par la fermentation naturelle en bouteilles. Il n’était pas possible en effet d’incorporer à la Champagne Viticole tous les territoires qui avaient appartenu historiquement à la Champagne à un titre quelconque ; il semblait au contraire logique de la restreindre aux localités admises d’après les usages loyaux du commerce. Des mesures de contrôle très sérieuses étaient prévues en outre pour garantir l’origine exacte du vin de Champagne. Malgré une vive protestation des Vignerons de la Marne contre l’incorporation de l’Arrondissement de Château-Thierry à la Champagne Viticole, la sous-commission des boissons l’accepta, conformément au rapport de M. Luling et au vœu très pressant du Conseil Général de l’Aisne (avril 1906). Les vignobles de l’Aube étaient entièrement exclus de la Champagne viticole et on peut dire que de cette époque date la phase aiguë de la rivalité entre l’Aube et la Marne.
Ce travail préliminaire ne sembla du reste pas suffisant à la Sous-Commission pour éclairer sa religion et, sur le désir qu’elle en exprima, le Gouvernement décida, par arrêté du 21 Février 1907, de charger une commission locale de procédera une enquête administrative pour établir d’une façon précise les usages locaux, constants, de chaque contrée, tandis que, parallèlement, une enquête technique sur les caractères distinctifs du vignoble champenois serait menée par les inspecteurs généraux de la viticulture et les professeurs départementaux d’agriculture. — La Commission locale commença immédiatement ses travaux sous la présidence de M. Léon Bourgeois, sénateur de la Marne. Elle estima que la Champagne viticole ne devait comprendre que le département de la Marne, et le canton de Condée-en-Brie dans l’Aisne. Sa décision fut adoptée par la Commission des Boissons le 10 mai 1907.

L’ère des difficultés ne faisait que s’ouvrir : le Conseil d’Etat saisi du projet de décret manifesta tout d’abord l’intention de différer la solution, puis le 27 juin 1907, se déclara incompétent pour procéder à la délimitation. Il se retranchait derrière la lettre même de la loi de 1905 qui ne mentionnait pas expressément la délimitation parmi les matières dont le règlement lui était dévolu. Et cependant l’intention du législateur avait été nettement exprimée, puisque l’amendement des parlementaires de la Marne, qui avait justement pour objet d’obvier à toute difficulté d’interprétation du texte, avait été considéré comme explétif.
En présence de cette carence, le Parlement s’émut et dès le surlendemain, M. Cazeneuve, député, déposait une proposition de loi [6] dont l’un des articles était destiné à confirmer la compétence du Conseil d’Etat, et, pour tenter d’aboutir plus vite auprès du Conseil d’Etat, M. Vallé obtenait du Sénat, le 11 juillet 1907, l’adoption d’une résolution affirmant une fois de plus que la loi du 1er Août 1905 comportait la délimitation des régions ayant droit à des appellations d’origine [7]. Quoiqu’un ordre du jour du Parlement n’ait aucunement autorité pour interpréter une loi, on espérait cependant par ce moyen presser sur le Conseil d’Etat et vaincre sa résistance. Mais celui-ci n’en resta pas moins sur sa réserve primitive et il fallut attendre la fin des ajournements innombrables que subit la proposition Cazeneuve au Sénat, pour obtenir que le Conseil d’Etat reprit l’examen des délimitations.
Le vote par la Chambre avait été acquis en une seule séance [8], malgré une demande de disjonction de M. Castillard, député de l’Aube : celui-ci après avoir longuement développé les revendications des vignobles de l’Aube et les arguments en faveur de leur incorporation à la Champagne délimitée, demanda instamment à la Chambre de ne pas chercher à peser sur la décision du Conseil d’Etat. Il exposa que la loi de 1905 s’en étant remis à lui et non pas au pouvoir exécutif seul du soin de réglementer l’application de la loi, il importait de lui laisser entière liberté pour résoudre la question. « Nous ne devons pas, ajoutait-il, l’empêcher de se prononcer en toute indépendance sur la question qui nous divise ; c’est pourquoi j’espère que la Chambre, respectueuse de l’indépendance du Conseil d’Etat qui est appelé à se prononcer impartialement sur la question de droit public que je viens de rappeler, voudra bien accepter ma demande de disjonction ». Mais l’argumentation de M. Castillard fut réfutée avec non moins de force : M. Péchadre montra que les intérêts économiques du vignoble de l’Aube étaient minimes en comparaison de ceux du vignoble marnais et qu’en réalité l’utilisation du vin de l’Aube pour la composition des cuvées de vins de Champagne n’avait jamais été faite que sur une échelle des plus restreintes. M. du Périer de Larsan s’attacha à démontrer que, pour l’ensemble des régions viticoles de la France, la délimitation s’imposait sans délai pour sauver le vignoble de la misère et l’empêcher d’être déconsidéré par la fraude. — Outre ces deux considérations économiques, le Ministre de l’Agriculture, M. Ruau, reprit la question au point de vue juridique et montra la nécessité de la délimitation pour faire rendre leur
effet à l’Arrangement de Madrid et à la loi de 1905. — Le représentant de l’Aube tenta une dernière fois d’éviter le vote de la loi en demandant subsidiairement qu’en cas de carence définitive du Conseil d’Etat, le Parlement lui-même assumât cette mission ; mais il ne fut pas suivi dans cette voie.
C’est seulement au Sénat où la proposition ne vint à l’ordre du jour qu’au bout d’un an [9], que le point de vue aubois fut à nouveau défendu et la théorie de la délimitation administrative violemment combattue. Malgré ces efforts, le texte Cazeneuve fut adopté et devint la loi du 5 août 1908.
Le Conseil d’Etat ne pouvait plus désormais reculer, mais ces années d’attente n’avaient fait qu’augmenter la misère des vignerons [10] et exaspérer les esprits ; aussi le travail était-il rendu de plus en plus difficile ; ainsi s’explique le long délai qui sépare cette dernière loi de la promulgation des divers décrets. Nous verrons l’assemblée administrative suivre diverses fluctuations ; si elle passe avec raison pour offrir des garanties sérieuses, et peut être ainsi considérée par les pays étrangers comme un modèle, elle ne peut cependant atteindre l’idéal et l’infaillibilité. Aussi, lorsque le sénateur Riou exprima là crainte de voir le Conseil d’Etat se tromper, le Ministre promit d’examiner les réclamations qui seraient formulées, et, dans le cas où elles lui apparaîtraient fondées, de demander un nouvel examen et éventuellement des modifications. C’est dans cet esprit qu’il fut convenu que les projets de décrets ne seraient promulgués qu’après un certain délai destiné à permettre aux intéressés d’exercer un dernier recours. Mais cela ne suffit même pas, et, pour la Champagne et la Gironde, le Conseil d’Etat opéra de véritables révisions.
Nous avons vu les conclusions auxquelles était arrivée la Commission locale de la Champagne ; l’enquête technique s’occupa d’abord de déterminer quels étaient les caractères essentiels de la véritable vigne champenoise, et ensuite quels étaient les vignobles qui possédaient ces caractères. C’est en étudiant la nature du sol, du sous-sol, les cépages, le mode de plantation, le mode et les frais de culture, et le rendement à l’hectare que les délégués techniques arrivèrent à restreindre la Champagne Viticole aux trois arrondissements de Reims, Epernay, Châlons, au canton de Vitry, à partie de ceux de Heiltz-le-Maurupt, Château-Thierry et Soissons. — L’enquête aboutissait donc à l’exclusion complète de l’Aube, malgré les titres quelle avait cru pouvoir faire valoir ; mais le Conseil d’Etat ne jugea pas devoir en tenir compte. MM. Toubeau et Ch. Blanc énoncent dans leur ouvrage "Les Fraudes Commerciales" les principes qui ont dicté cette décision : comme en matière de nom, ce sont les usages qui doivent régir la question :
II parât au Conseil d’Etat qu’il n’y avait aucun lien, ni de fait ni de droit, entre la production du véritable vin de Champagne, et l’affirmation que tel ou tel territoire a pu faire partie, soit des états des comtes de Champagne, soit de l’ancienne province de Champagne. Ce n’est ni une question de géographie, ni un problème d’histoire qu’il faut résoudre ; il ne s’agit pas de fixer, en remontant dans la suite des siècles, les limites parfois incertaines et si souvent modifiées de l’ancien comté de Champagne, mais bien de déterminer par des signes certains et actuels, en s’éclairant de la carte géologique d’une part, sur quels territoires sont situés les vrais crus de Champagne, et d’autre part, quels sont les vins qui, en vertu d’usages locaux, constants, peuvent légitimement servir aux coupages traditionnels dans la fabrication du Champagne et ont, par suite, comme les vrais crus de Champagne, un droit exclusif à l’appellation régionale ».
Le Gouvernement accepta les propositions du Conseil d’Etat, et après plus de trois ans d’attente, fut enfin rendu le décret du 17 décembre 1908, (Journal Officiel du 4 janvier 1909). Les limites de la Champagne viticole étaient celles-là mêmes qui avaient été proposées par la Commission d’enquête technique . [11]
La décision était rendue, mais non pas acceptée. L’Aube la récusa et la Marne se rendit compte rapidement qu’elle était insuffisante pour arrêter la fraude et qu’il fallait prendre des mesures qui permissent l’application stricte de la délimitation. Déjà pendant les quinze jours qui s’étaient écoulés entre la date de la signature et celle de la parution au Journal Officiel, l’Aube s’était agitée violemment en invoquant toujours les mêmes arguments historiques et le droit à la vie. De l’autre côté la Marne se réclamait aussi du droit à la vie et n’entendait pas qualifier les expéditions de l’Aube à la Marne du nom d’usages locaux, loyaux et constants, mais bien de celui d’abus.
(2)

« Pendant que l’Aube vend son vin qui n’est pas du vrai Champagne, nous, producteurs du vrai vin de Champagne, nous gardons nos caves pleines et nous mourons de faim ! » — C’est dans de telles circonstances qu’apparaît bien le côté faible d’une décision de cette importance rendue par une autorité autre que l’autorité judiciaire, que ce soit le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif seul ou le Conseil d’Etat. Ceux qui s’estiment frustrés sont alors persuadés que des pressions se sont exercées dans un sens défavorable à leurs intérêts et ils s’efforcent de continuer la lutte par les moyens qu’ils soupçonnent avoir été employés contre eux :
« Ceux qui se trouvaient exclus des régions délimitées récusèrent les juges qui avaient prononcé la sentence. Ils croyaient que ces juges avaient cédé à des pressions. Ils voulurent donc par une pression contraire les obliger à revenir sur leurs décisions. Ils voulurent tracer, par la force, les frontières des régions économiques, ressusciter par la force les limites des anciennes provinces » [12].
L’esprit de révolte commençait à gronder, mais il sommeilla cependant pendant les deux premières années. Ce n’est qu’en 1911 que l’orage éclata, lorsque les vignerons marnais, se rendant compte de leur impuissance à réprimer la fraude, se tournèrent vers le Parlement pour lui demander avec insistance d’adopter enfin des dispositions protectrices que le Sénat avait déjà reconnues nécessaires en 1909. [13].
Les réclamations des viticulteurs aboutirent au dépôt, à la Chambre, par le Ministre des Finances, le 30 janvier 1911, d’un projet" de loi ayant pour but principal « d’isoler le produit d’origine de ses contrefaçons possibles, jusqu’au moment où il arrive à son état définitif ». Cette conception, très admissible théoriquement, était d’une réalisation pratique particulièrement facile pour les vins de Champagne en raison du mode de fabrication des vins mousseux et de la facilité de surveillance des maisons de vins de Champagne. Par la création de magasins séparés, d’acquits spéciaux et par l’obligation d’apposer le mot Champagne sur le bouchon et l’étiquette, il paraît possible d’arrêter la fraude. Et la loi du 10 février 1911 ordonne l’application de telles mesures, qui avaient été préconisées sans cesse par tous les groupements champenois, mais sans que le Parlement pût se décider pendant longtemps à s’occuper de la question.

Cette loi venant consacrer la délimitation et enlevant aux vignerons exclus toute possibilité d’écouler leurs vins en Champagne, souleva immédiatement les protestations de l’Aube, maigre que le ministre de l’Agriculture, pour bien montrer son impartialité, eût décidé d’envoyer une commission d’enquête dans l’Aube, afin qu’elle lui rendit compte très exactement de la situation à tous points de vue. A partir de ce moment, démarches sur démarches furent faites auprès du Gouvernement par les délégations des deux départements à intérêts opposés. Le l5 mars, un communiqué imprudent du Gouvernement vint mettre le feu aux poudres : cette note était ainsi conçue : « Le Gouvernement estime que la délimitation de la Marne est faite et bien faite et qu’il n’y a pas lieu d’apporter un changement quelconque à l’œuvre du Conseil d’Etat ». Le lendemain le Conseil municipal de Bar-sur-Aube démissionnait et se refusait à assurer les services publics et administratifs. Les démissions se multiplient ensuite dans les autres communes, le drapeau rouge est arboré, tous les services sont arrêtés dans la région. Le Conseil Municipal de Troyes, quoique n’étant pas directement intéressé, suit le mouvement, ainsi que le Conseil Général ; une manifestation formidable est organisée à Bar-sur-Aube sous la direction du Comité Central de défense viticole de Bar et après un défilé mémorable, les vignerons de toutes les communes mettent le feu aux feuilles d’imposition sous les yeux du sous-préfet impuissant.
Parallèlement avaient lieu dans la Marne des démonstrations qui ne revêtaient pas encore le même caractère de violence, mais n’en étaient pas moins significatives de l’état d’effervescence dans lequel se trouvaient les esprits. Une réunion se tint à Reims le 26 mars pour examiner la situation. La presque totalité des vignerons s’y prononça pour le statu quo ; cependant, quelques délégués proposèrent l’incorporation de l’Aube, mais sous condition d’exclusion du Soissonnais qui, disaient-ils, avait été admis uniquement pour des raisons politiques.
Pendant ce temps, la commission d’Agriculture poursuivait son enquête et cherchait une solution transactionnelle de nature à rendre le calme à ces deux départements et éviter la guerre civile dont ils étaient menacés. Elle crut l’avoir trouvée en instituant deux régions de Champagne et MM. Clémentel et Fernand David mirent sur pied un projet comportant à la base une nouvelle délimitation du Champagne, cru de l’Aube, que M. Clémentel proposa le 30 mars 1911 aux délégués de l’Aube et de la Marne. Mais l’opposition entre les prétentions de l’Aube et la situation acquise et défendue par la Marne était beaucoup trop grande pour que la transaction pût être acceptée. L’un des dirigeants du mouvement aubois résumait ainsi la revendication intégrale de l’Aube : « Nous voulons rester pleinement et entièrement Champenois », tandis que les viticulteurs de la Marne qui possédaient un titre, se refusaient à le laisser amoindrir et entamer. La situation paraissait donc inextricable et les adversaires des délimitations administratives avaient beau jeu pour en faire le procès. Au début d’Avril, trois propositions de loi, tendant à leur suppression, furent déposées sur le bureau de la Chambre. M. André Lefèvre rendit les délimitations administratives responsables de tous les maux et ne leur reconnut que des effets nuisibles au point de vue de la défense des grands vins d’origine.
« En attribuant administrativement une valeur fictive à tout ce qui est récolté dans ce périmètre, on donne une prime à ceux qui seraient tentés de planter dans de mauvaises terres des cépages douteux donnant des vins de qualité médiocre et qui cependant, en vertu de la délimitation administrative, auront très légalement et très régulièrement droit aux noms réputés qu’on a voulu leur donner. Je dis, moi, que ceci est dangereux pour la production et l’industrie. Je dis que le jour où vous aurez ainsi lancé, à travers le monde, avec la garantie du Gouvernement et de l’estampille officielle, des quantités de mauvais vin, du mauvais Bordeaux, du mauvais Bourgogne et du mauvais Champagne, vous n’aurez pas contribué à relever le nom du produit et à accroître le prestige de la marque ». [14]
La Chambre comprit heureusement le danger de condamner ainsi sans réflexion et sans délai les délimitations administratives, d’autant plus qu’au même moment le Conseil d’Etat déclara qu’il s’estimait compétent en vertu de la loi de 1908 pour réviser éventuellement les décrets de délimitation. Le Gouvernement décida de lui transmettre purement et simplement les résultats des travaux de la Commission d’enquête, sans même lui donner d’indications préalables, afin que sa liberté demeurât entière.
C’était la conduite qui en effet semblait le mieux répondre aux circonstances et c’est dans le même esprit d’apaisement et de sagesse qu’à la suite d’une interpellation de M. Rambourgt, le Président du Conseil, M. Monis, répondait le 11 avril au Sénat à la demande de suppression des délimitations :
« Vous ne pouvez pas. Messieurs, par une disposition sommaire, brutale, que n’aurait précédée aucune étude, jeter par terre le régime qui protège la propriété du nom d’origine. Vous pouvez concevoir un autre système... Je le crois, mais il faut de toute nécessité que la construction précède la démolition de l’abri passager organisé par la loi de 1905... .J’ai promis à la Chambre des Députés le concours du Gouvernement pour étudier un projet de loi qui satisfasse à ces besoins. Je renouvelle devant le Sénat cette promesse ; mais je lui confirme aussi, au nom des intérêts les plus sacrés de ce pays, au nom de la probité et de la loyauté de ce commerce, au nom des propriétés les plus respectables, qu’il n’est pas possible débattre dans quelques minutes ce qui existe, sans rien mettre à la place... Si vous le faisiez, Messieurs, vous créeriez pour tout ce pays, une situation sans précédent, un danger terrible que rien ne saurait conjurer (1) ». [15]

Le Sénat resta sourd à cet éloquent appel et créa ce danger terrible qu’il eût importé d’écarter à tout prix : à une majorité écrasante, il adopta l’ordre du jour Denoix ainsi conçu :
« Le Sénat, confiant dans le Gouvernement pour soumettre le plus tôt possible, au Parlement un projet de loi qui assure la répression des fraudes sans maintenir les délimitations territoriales qui peuvent provoquer des divisions entre Français, passe à l’ordre du jour ».
Ce vote imprudent était à peine émis que la révolte prévue se déchaînait. Selon le mot de M. Clementel, la nuit du 11 au 12 avril fut la Saint-Barthélémy des Vins. [16] Le lendemain des bandes se ruèrent dans les grandes localités du vignoble à l’assaut des maisons soupçonnées, à tort ou à raison, d’avoir compromis les intérêts des vignerons en favorisant la fraude. Et ce fut la destruction systématique des établissements, des vins, des vignes, du matériel ; la foule en délire ne connaît plus de bornes et les colères ainsi accumulées depuis de longues années se passent surtout ce qui tombe à portée. Le vignoble marnais sortait de ces jours d’émeute encore plus appauvri et l’avenir restait toujours aussi incertain.
Le Conseil d’Etat cependant avait repris l’étude des conclusions de la Commission d’Enquête et du projet de révision du décret de délimitation. Dans la recherche de la solution transactionnelle, il lui parut nécessaire d’opérer une discrimination très nette entre les vins de l’Aube et ceux de la Marne. Diverses appellations furent envisagées : Champagne-Marne opposé à Champagne-AubeChampagne à Petite-ChampagneHaute-Champagne à Basse Champagne, — Enfin il s’arrêta à l’expression de Champagne deuxième zone pour désigner les vins de l’Aube. Le caractère d’infériorité qu’impliquait cette désignation la rendait acceptable pour la Marne,
mais les Aubois qui avaient auparavant repoussé Champagne cru de l’Aube émirent les plus vives protestations contre le "titre d’aumône" qui leur était accordé. — Aussitôt l’avis du Conseil d’Etat connu, l’agitation commença. Le souvenir des événements récents de la Marne et l’attitude menaçante des manifestants firent craindre les pires éventualités qui heureusement ne se réalisèrent pas.
Le 7 juin 1911 parut le décret délimitant la nouvelle région de Champagne deuxième zone dans laquelle rentraient les communes de la Marne exclues en 1909, la plus grande partie du département de l’Aube, l’arrondissement de Vassy dans la Haute-Marne et les communes de Nanteuil et Citry dans la Seine-et-Marne. — La délimitation administrative de la Champagne était donc achevée, mais nous verrons qu’aussitôt intervint la condamnation du système.
Les délimitations des régions de Cognac, Armagnac, Banyuls, Clairette de Die s’étaient opérées sans difficultés. Mais celle de la région de Bordeaux ne se fit pas sans des protestations qui la retardèrent jusqu’en 1911. [17] La Gironde résista vivement à l’extension du Bordelais et ses efforts furent couronnés de succès, de même que la campagne de l’Aube avait obtenu un certain résultat par la création de la Champagne deuxième zone. Cette constatation montre bien l’écueil du système, car, sans vouloir apprécier la plus ou moins grande part de bien fondé des diverses revendications, on conviendra que les hésitations et les changements qui se manifestèrent dans l’attitude des organes chargés de préparer la délimitation, montraient bien l’instabilité du système.

A ceux qui dès le début réprouvaient par principe cette méthode, s’étaient joints tous ceux qui, émus par les graves incidents qui avaient accompagné la délimitation, en rendaient cette dernière responsable.

En outre, tous ceux qui en avaient été exclus voulaient à tout prix la détruire. M. Pams a spirituellement décrit d’un mot leur état d’âme : ils ressemblaient à des fiancés éconduits qui voudraient tuer la jeune fille qu’ils n’ont pas pu épouser ! — Nous ne pouvons pas nous associer à ce meurtre, mais aujourd’hui que l’expérience a montré les écueils de la réglementation administrative, n’accablons pas davantage les malheureuses délimitations administratives qui ont tant coûté et constatons, en en faisant l’oraison funèbre, qu’elles n’auront pas été inutiles, puisqu’elles ont fourni une base très sérieuse au régime sous lequel nous sommes placés depuis 1919, et le point de départ de la délimitation actuelle. M. Léon Bourgeois demandait déjà au Sénat, le 15 juin 1911, de les juger avec indulgence : « Je suis persuadé, disait-il, que vous êtes victimes d’un mirage, que vous attribuez aux délimitations des effets néfastes, provenant de causes beaucoup plus lointaines, émanant du plus profond de cette lutte économique qui chaque jour devient plus âpre et plus ardente dans tous les pays ».
Déjà avant la délimitation de la deuxième zone, en juin 1911, se prépara l’abandon définitif du système de la délimitation réglementaire en même temps que se manifesta la nécessité de refondre toute la législation des appellations d’origine en assurant leur protection d’une façon très sérieuse. Le 30 juin 1911 le projet de loi fut déposé à la Chambre par MM. Pams, ministre de l’Agriculture, et Klotz, ministre des Finances [18]. Le projet primitif faisait entrer en ligne de compte, en dehors de l’origine, la nature, la composition et les qualités substantielles du produit déterminées par les usages locaux, loyaux et constants. Mais le rapport de M. Fernand David du 7 juillet 1911 [19] aboutissait à la suppression des mots « composition » et « qualités substantielles » qui évoquaient une idée quelque peu générique et pouvaient occasionner des difficultés d’interprétation ; par contre la double condition d’origine et de nature était exigée. — Des études très approfondies se poursuivirent et M. Dariac se livra à une enquête personnelle dans la Marne, l’Aisne, l’Aube et la Gironde pour déposer le 9 juillet 1912 au nom de la Commission un rapport dans lequel les mots du projet primitif « leur composition et leurs qualités substantielles » étaient rétablis [20]. Mais ces qualités étaient déterminées par les cépages, modes de culture et terrains en vertu d’usages locaux, loyaux et constants. Les représentants des groupements intéressés furent alors entendus séparément et contradictoirement et l’ensemble des viticulteurs protestèrent contre cette rédaction. Pour eux « le seul fait pour un produit d’être récolté dans une région, doit lui valoir le bénéfice de l’appellation ». Dans son deuxième rapport supplémentaire du 27 février 1913 [21], M. Dariac constata par contre que, pour le négociant, « le vin ne saurait avoir droit à l’appellation d’origine qu’autant qu’il répond à la définition complète du produit ». Il ajoutait cette réflexion fort juste :

« Dans ce débat, le consommateur ne saurait cependant être le seul intéresse qu’on n’entendît point. Si le Parlement veut accorder à la viticulture une protection qui lui est nécessaire, il est juste aussi qu’il prenne en considération les vœux de l’acheteur.
« Or, lorsque celui-ci demande du Bordeaux, du Bourgogne, ou du Champagne, il n’entend pas, comme on l’a fait remarquer, qu’on lui vende seulement un vin récolté dans la Gironde, dans la Bourgogne ou dans la Champagne ; il demande aussi un vin ayant les qualités, le bouquet, les vertus qu’une réputation méritée attribue aux vins connus sous ces différents noms... »
La viticulture et le commerce bordelais arrivèrent à s’entendre, et l’accord de Bordeaux des 17 -18 septembre 1913, conclu entre les représentants de la propriété et du commerce, acceptait les trois conditions d’origine, nature et qualités substantielles [22]. Pour tenir compte de cet accord, M. Dariac déposa un troisième rapport le 7 novembre 1913 [23], À la suite duquel le projet vint immédiatement en discussions la Chambre [24]. L’exigence des qualités substantielles en était disparue, car ces mots semblaient devoir être une cause d’erreur ou d’hésitation pour les Tribunaux. Certains députés voulaient même éliminer le mot « nature ». Le ministre de l’Agriculture, M. Clémente ! s’y opposa énergiquement ; on avait reproché aux délimitations administratives de ne pas tenir compte de la qualité du produit, il importait donc de ne pas la laisser de côté dans la réforme.

« Il n’est pas possible, disait-il, que la Chambre supprime le mot « nature » et s’en tienne au mot « origine » ; sinon, vous n’aurez aucun moyen, en Champagne par exemple, d’empêcher de vendre du cidre mousseux sous le nom de Champagne. Le mot nature ne peut donc être rayé du texte, et je répète ; pour la troisième fois, que, s’il y figure seul, en vertu de la jurisprudence de l’article 423, qui ne vise que le mot « nature », les tribunaux iront rechercher dans ce terme l’essence même des qualités substantielles » [25]

Un amendement de M. Maunoury introduisit une disposition en vertu de laquelle le droit à l’appellation restait acquis à ceux qui avaient bénéficié des anciennes réglementations [26].
Le texte du projet, transmis au Sénat le 27 novembre 1913, y fut également l’objet d’un examen très attentif et de rapports documentés de M. Jenouvrier qui aboutirent à des modifications importantes. Les producteurs, fabricants et négociants sont libres de donner à leurs risques et périls telle appellation qu’il leur plaît ; quant aux bénéficiaires des anciennes délimitations, ils ne peuvent plus les considérer comme des droits acquis, mais seulement les invoquer à titre de présomption légale. Finalement le rapport de M. Jenouvrier fut déposé le 3 juillet 1914 [27] sur le bureau du Sénat où il resta par suite de la guerre jusqu’après l’armistice.
Au moment des négociations de paix, des dispositions protectrices des appellations d’origine devant être imposées à nos anciens ennemis, il devenait essentiel que nos négociateurs pussent invoquer une loi intérieure sur la matière. Aussi le rapport de M. Jenouvrier fut-il inscrit à l’ordre du jour du Sénat, et son texte voté le 27 février 1919. Lorsqu’il arriva à la Chambre, M. Dariac, toujours rapporteur [28], proposa d’insérer dans la loi une disposition unique dans notre législation, en ce sens que la Cour de Cassation aurait à connaître du fait comme du droit : sa compétence s’étendrait à l’appréciation du caractère légal des usages invoqués pour l’emploi d’une appellation d’origine ; de cette façon on éviterait l’écueil des décisions contradictoires. De plus, quelques articles paraissant explétifs furent effacés du texte qui fut définitivement voté par les deux Chambres le 24 avril
1919 [29] pour devenir la loi du 6 mai 1919.

Notes

[1Chambre 23 février 1905 (J. 0. du 24 fév. p. 498).

[2Ch. 14 juin 1907 (J. 0. du 15) - 9 juillet 1907 (J. 0. du 10, p. 1807).

[3Sénat 7 juillet 1908 (J. 0. du 8, p. 912) et 9 (J. 0. du 10, p. 932).

[4Rapport DAUZON du 4 juillet 1907 — Doc. pari. : Ch. sept. 1907 p. 988 — Discussion et adoption J. 0. Ch. 10 juillet 1907 p. 1798.

[5Sénat — 11 Avril 1914 page 414

[6Ch. 29 juin 1907

[7« Le Sénat, prenant, acte des déclarations du Gouvernement, s’associant aux votes de la Chambre des 23 février 1905 et 14 juin 1907, estime que les règlements d’administration publique consécutifs à la loi du 1er Août 1905 devront comporter la délimitation des régions pouvant prétendre exclusivement aux appellations de provenance de produits ».

[8Ch. 9 juill. 1907 (J. 0. du 10 p. 1807).

[9Sénat 7 et 8 juillet 1908.

[10Le succès des vins de Champagne avait encouragé la production des vins blancs destinés à être vendus aux fabricants de vins de Champagne et l’on avait abandonné l’utilisation d’une partie de la récolte champenoise en vin rouge. Une surproduction intense se produisit alors : de 1893 à 1906 inclus, la vente en vins de Champagne mousseux ne fut que de 62,2 % de la production. De plus en 1908, le mildew se développa de façon foudroyante. Ainsi que l’exposa M. A. Perrin, secrétaire de la Fédération des Syndicats Viticoles de la Champagne dans une interwiew (Le Gaulois du 10 septembre 1908), « jamais encore une attaque de mildew n’avait sévi avec une telle intensité et causé autant de ravages dans tout le vignoble de la Marne. La récolte anéantie, à l’exception de quelques rares communes... C’est un désastre général qui provoquera bien des misères en Champagne, car survenant à la suite d’une mauvaise série – surproduction comme en 1904, et vins inférieurs comme en 1902 et 1905, et en outre, l’entrée des vins étrangers — il est à craindre qu’une partie des propriétaires se voient obligés d’abandonner leurs domaines qu’ils ne pourront plus continuer à travailler, si personne ne leur vient en aide. La situation est grave, plus grave encore qu’on ne peut le croire.... ».

[11Territoires auxquels le décret do 17 déc. 1908 a reconnu le droit à l’appellation régionale Champagne :
Département de la Marne
Arrt de Châlons-sur-Marne : toutes les communes ;
Arrt de Reims : toutes les communes ;
Arrt d’Epernay : toutes les communes ;
Arrt de Vitry-le-François : canton de Vitry : toutes les communes ; canton de Heiltz-le-Maurupt, les communes suivantes : Bassu, Bassuet, Changy, Doucey, Outrepont, Rosay, Vanaull-le-Châtel ; Vanault-les-Dames, Vavray-le-Grand, Vavray-le-Petit
Département de l’Aisne
Arrt de Château-Thierry : canton de Condé-en-Brie : les communes suivantes : Condé-en-Brie, Saint-Agnan, Bary-sur-Marne, Baulne, Celles-les-Gondé, La Çhapelle-Monthodon, Charlèves, Connigis, Courboin, Gourtemont-Varennes, Crézancy, Saint-Eugène, Jaulgonne, Mézy-Moulins, Monthurel, Montigny-les-Condé, Montlevon, Pargny-la Dhuys, Passy-sur-Marne, Reuilly-Sauvigny, Tréloup.
Canton de Château-Thierry : les communes suivantes : Château-Thierry, Azy, Blesmes, Bonneil, Brasies, Chierry, Essom-mes, Etampes, Fossoy, Gland, Mont-Saint-Père, Nesles, Nogen-tel, Verdilly
Canton de Charly : les communes suivantes : Charly, Bézule-Guéry, Chézy-sur-Marne, Crouttea, Domptin, Montreuil-aux-Lions, Nogent-l’Artaud, Pavant, Romeny, Saulchery, Villiers-sur-Marne.
Arrt de Soissons : canton de Braisne : les communes suivantes : Braisne, Acy, Augy, Barbonval, Blanzy-les-Fismes, Brenelle, Chassemy, Ciry-Salsogne, Courcelles, Couvrelles, Cys-la-Gommune, Dhuizel, Glennes, Longueval, Marval, Saint-Mard, Pears, Perles, Presles-et-Boves, Sévillon, Sermoise, Serval, Vasseny, Vauxcéré, Vauxtin, Viel-Arcy, Villers-en-Prayères.
Canton de Vailly : les communes suivantes : Vailly, Bucy-le-Long, Celles-sur-Aisne, Charonne, Chivres, Condé-sur-Aisne, Missy-sur-Aisne, Sancy, Soupir.

[12CLEMENTEL. Un drame économique p. 169.

[13Ordre du jour du 26-3-09 : « La dénomination de vin de Champagne étant exclusivement réservée aux vins récoltés et manutentionnés dans la Champagne viticole, le Sénat invite M. le Ministre des Finances à prendre des mesures administratives qui permettent aux vignerons et fabricants de vins de Champagne de découvrir, poursuivre et faire condamner les fraudeurs »

[14Chambre : Séance du 3 avril 1911

[15J. 0. Débats Sénat : séance du 11 avril 1911

[16Clémentel op. cit. p. 217.

[17(1) DÉLIMITATION DE LA RÉGION DE BORDEAUX – La procédure adoptée fût la même qu’en Champagne et que dans les autres régions : double enquête administrative et technique. Malgré que la Commission Locale ait restreint la région bordelaise aux vignobles de la Gironde, le Ministre de l’Agriculture soumit en même temps au Conseil d’Etat un second projet comprenant en plus certaines communes de la Dordogne et du Lot-et-Garonne. C’est ce dernier projet que le Conseil d’Etat admit le 2 août 1909. La crise éclata alors en Gironde contre cette délimitation jugée trop large et le Gouvernement se résolvait à prescrire un supplément d’enquête. Mais sans en attendre le résultat, le Conseil Général, considérant que le Ministre de l’Agriculture montrait le « parti-pris de persévérer dans son erreur », décidait dans son ordre du jour du 23 septembre de ne siéger à nouveau que « lorsque sa dignité aurait reçu la satisfaction qui lui était due ». Pendant ce temps, l’enquête se poursuivait, surtout au point de vue historique, et les archivistes des trois départements intéressés produisaient à ce propos des travaux remarquables. En juillet 1910, les dossiers de la Gironde et de la Dordogne étaient en état, mais non ceux du Lot-et-Garonne. Aussi le Conseil Général de la Gironde, pour éviter une plus longue attente à ses viticulteurs, émit-il alors le vœu qu’il fut procédé sans tarder à la délimitation de la Gironde, en réservant les droits des deux autres départements. Mais cette procédure ne fût pas agréée et l’enquête se poursuivit encore plusieurs mois. Dans une note jointe au projet de décret, le Conseil d’Etat donna complètement raison à la thèse girondine. « Les représentants de la partie de la Dordogne et du Lot-et-Garonne comprise dans le décret du 2 août 1909 n’ont pas justifié que les usages locaux constants leur donnent droit à l’appellation de provenance Bordeaux, les vins récoltés sur ces territoires, malgré la similitude de sol, de climat, de cépages et de modes de culture, n’ayant jamais été vendus directement, soit au consommateur, soit au commerce sous le nom de bordeaux : qu’à la vérité, ces vins sont, en vertu d’usages locaux constants, confirmés par des documents officiels, achetés de temps immémorial par le commerce bordelais et employés par lui aux coupages constituant les types commerciaux des bordeaux ordinaires, mais que cette pratique commerciale ne suffit pas à constituer un droit aux appellations de provenance... ». — Le décret fût rendu le 18 février 1911. (Voir RICHARD ; op. cit. p. 92 et s.)

[18J. 0. Ch. S. 0. 1911, p. 610. - Annexe n° 1099.

[19J. 0. Ch. S. 0. 1911, p. 632. - Annexe n° 1136.

[20J. 0. Ch. S. 0. 1912, p. 1503. - Annexe n° 2132.

[21J. 0. Ch. S. 0. 1913, p. 160. - Annexe n° 2564.

[22Accord de Bordeaux : RICHÀRD, op. cit., p. 211.

[23J. 0. Ann. 3187 - Ch. S. 0. 1915, p. 54.

[24J. 0. Ch. S. E., p. 3321. - Séance des 13, 14, 20, 21 et 27 nov. 1913.

[25J. 0. Ch. 21 nov. 1913, p. 3496.

[26J. 0. Ch. 27 nov. 1913, p. 3603.

[27J O Doc. Pari. Sénat 1914. - Ann. 353, 3 juillet 1914.

[28Rapport DARIAC, J. 0. Ch., 9 avril 1919. -_ Ann. 5973.
Rapport supplémentaire J. 0. Ch. 19 avril 1919. - Ann. 6059.
Rapport FAISANT. — Ann. 6060.

[29J. 0. Sénat et Ch. 24 avril 1919 et Rapport SERVANT au Sénat. Ann. 214.