UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La protection des vins de champagne par l’appellation Roger Hodez

Chapitre XI

Usurpations indirectes de l’Appellation « Champagne »

§I.Emploi détourné du mot « Champagne » dans l’annonce, d’une façon indirecte sur l’étiquette, par réclame abusive.

L’emploi pur et simple du mot « Champagne » sur l’étiquette d’un vin mousseux ordinaire n’est pas sans offrir des risques de plus en plus sérieux, et, la jurisprudence française étant absolument ferme, beaucoup reculent devant cet usage, tout en cherchant à utiliser cependant la vogue du mot « Champagne » pour attirer l’attention du public sur leurs vins mousseux. Le mode le plus simple est de désigner les produits comme « Champagne » simplement sur les réclames, annonces, papiers de commerce, cartes de vins, etc.
Il est hors de doute qu’une telle pratique est éminemment critiquable, mais une affirmation aussi catégorique n’aurait pu être faite au siècle dernier, car les textes répressifs étaient alors bien loin d’avoir la précision qu’ils ont aujourd’hui. — La loi de 1824 ne s’occupe que de l’apposition d’indications inexactes sur le produit, mais est muette en ce qui concerne celles que l’on peut trouver dans les annonces et papiers de commerce.
— Un arrêt de la Cour de Paris du 20 novembre 1847 [1] admettait que celui qui employait les prospectus d’un commerçant pour vendre un produit similaire, tombait sous le coup de la loi de 1824 ; mais il s’agit d’une décision isolée que la jurisprudence n’a aucunement suivie. Au contraire, la Cour d’Amiens, statuant sur renvoi, a précisé que la loi visait seulement les inscriptions portées sur l’objet même ou sur son récipient [2].
Jusqu’à 1905, l’article 1382 du Code civil fournit seul une base d’action, tout d’abord au titre de la concurrence déloyale, ou bien s’il n’y a pas d’intention frauduleuse, quoique la confusion soit possible, au titre de la concurrence illicite : la victime de l’abus peut obtenir ainsi des dommages-intérêts pour le préjudice qui lui a été causé.
Les auteurs sont formels sur ce point :
« Les tribunaux, lisons-nous dans Pouillet [3], lors même qu’ils reconnaissent qu’il n’y a pas en d’intention frauduleuse, doivent, s’il y a confusion possible, prescrire les mesures propres à la prévenir, et, si d’ailleurs il y a tout à la fois préjudice et faute dans une mesure quelconque, prononcer une condamnation à de justes dommages-intérêts ».
La même idée est exprimée par M. Mayer :
« N’y eut-il pas intention de nuire, la responsabilité du dommage causé, l’obligation de le réparer et de le faire cesser n’incomberaient pas moins au concurrent simplement imprudent ou négligent (art. 1382 C. -C.), dès qu’il a, même sans le savoir, excédé ses droits et porté atteinte à ceux d’autrui ». [4]
Pataille précise [5] :
« Sans doute, il n’y a plus concurrence déloyale dès l’instant qu’il y a bonne foi, et nous admettons très bien que cette bonne foi devra profiter aux défendeurs dans l’appréciation des dommages-intérêts ; mais la bonne foi laisse subsister le fait indu et dommageable qui donne ouverture à l’action ressortissant de l’art. 1382 C. C. Il suffit, pour qu’il y ait lieu à l’application de cet article, qu’il y ait faute, c’est-à-dire accomplissement d’un fait que l’on n’est pas en droit de commettre ».

La jurisprudence n’est pas moins nette et le jugement du Tribunal de Commerce de Reims du 17 juillet 1891, que nous avons relaté plus haut [6] fait défense à G... et Cie « de faire usage dans leurs marques, étiquettes, prix courants, factures et tous autres papiers commerciaux, de la dénomination Champagne ou Vin de Champagne ». La même année, la Cour dangers eut à juger une affaire où le mot Champagne était employé uniquement dans l’annonce du produit, mais non sur celui-ci. Une maison de vins mousseux de Saumur faisait une publicité considérable principalement en Angleterre pour lancer une de ses marques qui semblait recueillir la faveur du public et elle s’était laissé entraîner à propager sa vente sous le nom de « Champagne ». La question se compliquait du fait que cette maison avait contracté une association avec un négociant anglais pour la vente des vins de Saumur en Angleterre.
Le Tribunal de Commerce de Saumur [7] ne pouvait faire autrement que d’admettre « qu’en France le mot « Champagne » ne peut « quant à présent », être employé que par les habitants de la Champagne ». L’adjonction de ces trois mots « quant à présent » semblait indiquer que ce n’était que forcés et contraints par la jurisprudence de la Cour d’Angers et de la Cour de Cassation que les juges consulaires de Saumur se décidaient, et que probablement ils espéraient la voir modifier par voie législative. Quoi qu’il en soit, ce point n’était pas contesté.

Par ailleurs, la preuve de l’emploi du mot « Champagne » ne leur apparut pas suffisamment établie pour la France, alors qu’au contraire elle l’était surabondamment pour l’Angleterre. Mais le Tribunal, arguant de l’autonomie de la société anglaise, décida que l’affaire ne pouvait relever que des tribunaux anglais et « qu’on ne pouvait donc, à bon droit, faire apprécier par un tribunal français des faits qui se sont passés à l’étranger et sous l’empire de lois différentes des nôtres ».
Cette considération laisse prise à une critique assez facile. Même en admettant la personnalité de la société anglaise, le négociant de Saumur conserve aussi la sienne : il envoie ses vins en Angleterre sachant qu’ils y seront débités sous le nom de « Champagne » ; il profite de ces agissements et s’enrichit aux dépens des négociants champenois. Dès lors, la question est de savoir si un tel fait, par cela seul qu’il se passe à l’étranger, doit être innocenté. Le bon sens et la jurisprudence s’y opposent également [8].
L’article 14 du Code civil permet de citer devant les tribunaux français l’étranger même non résidant pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français, et il est admis que l’article 14 vise même les obligations nées de délits [9]. La société anglaise, en admettant son existence, aurait donc pu être poursuivie en France à défaut de son associé qui recueillait en France le bénéfice des agissements illicites en Angleterre.— La Cour d’Angers, saisie de l’appel du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne, demandeur en première instance, n’hésita pas du reste à condamner le négociant saumurois. Après avoir constaté le fait de propagation de la vente du vin de Saumur A... sous le nom de « Champagne », tant en France qu’en Angleterre, la Cour le qualifia de concurrence illicite équivalant à un quasi-délit, sans s’inquiéter de rechercher si certains actes prohibés en France sont tolérés à l’étranger, puisque ces faits étaient susceptibles de profiter en France à l’intimé. Aussi interdit-elle à A... tout usage du mot « Champagne » pour l’annonce et la vente des vins non récoltés et non fabriqués en Champagne et lé condamna-t-elle à des dommages-intérêts [10].

Quoique un tel arrêt ait déjà constitué un point d’appui sérieux pour la répression, la protection qui en résultait restait cependant insuffisante et incomplète, et bien des abus se produisaient encore impunément. Les Tribunaux se contentent souvent en effet de borner leurs recherches au point suivant : la confusion avec le produit véritable est-elle, dans l’espèce, possible et probable ? Si la réponse leur apparaît négative ou douteuse, ils ont en général tendance à décider qu’il n’a pas été causé de préjudice. Or. tout d’abord, il est difficile, dans bien des cas, que la confusion ne puisse pas se produire, et cela fut-il démontré qu’il n’en resterait pas moins un préjudice sérieux pour le producteur d’un produit de choix qui verrait présenter au public, sous le vocable qui lui appartient, des produits inférieurs ou différents.
Il faut attendre la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, et le décret rendu en application le 3 septembre 1907, pour que la poursuite puisse être véritablement efficace. Cette fois le vin de Champagne possède une arme lui permettant de réprimer ce qu’on pourrait appeler les petits abus, par opposition à remploi
du mot « Champagne » sur le produit, si en pareille matière toute usurpation ne revêtait pas un caractère de gravité que ne soupçonnent pas ceux qui ne suivent que de loin la question des appellations d’origine. Telle usurpation en apparence insignifiante et négligeable servira de point de départ à une plus importante et l’étranger notamment s’empressera de s’appuyer sur cette soi-disant tolérance pour se livrer lui-même à des agissements beaucoup plus dangereux et que sa loi permet difficilement de réprimer. Aussi ne peut-on qualifier les négociants ou les vignerons de censeurs sévères lorsqu’ils engagent dés poursuites : ils ne font que défendre leur patrimoine, objet de beaucoup de convoitises, et c’est pour eux une question vitale.
La base de la loi de 1905 est très large : d’après l’article 1er :
« sera puni quiconque aura trompé ou tenté de tromper le contractant : soit sur la nature, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; soit sur leur espèce ou leur origine lorsque, d’après la convention ou les usages, la désignation de l’espèce ou de l’origine, faussement attribuées aux marchandises, devra être considérée comme la cause principale de la vente ; soit sur la quantité, » etc.
L’article 11 ouvre la voie à des règlements d’administration publique, et celui qui fut rendu le 3 septembre 1907 donne, dans l’article 13, des précisions sur le point qui nous occupe, puisqu’il interdit d’une manière absolue et en toutes circonstances, l’emploi de toutes indications ou signes susceptibles de créer une confusion sur les étiquettes et emballages, mais encore notamment sur les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annoncées ou tout autre moyen de publicité.
Le récent décret du 19 août 1921 a reproduit mot pour mot cet article 13, sous le même numéro. Aussi après quelques condamnations qui servent d’exemples, et grâce au contrôle qui est exercé, est-on arrivé à restreindre considérablement la fraude. Les poursuites les plus récentes ont été faites surtout contre des restaurateurs : le Tribunal Correctionnel de Nancy a condamné en 1921 deux d’entre eux qui inscrivaient sous la même rubrique « Champagne » les Vins de Champagne et le vin d’Asti ; ils invoquaient comme d’habitude pour leur défense l’impossibilité de confondre les deux sortes de vin ; le Tribunal a heureusement réfuté cette argumentation : même si le client n’est pas trompé sur la nature du vin, on risque de le détourner de son intention de boire du vin de Champagne et on le conduit d’une façon frauduleuse vers la commande de vins d’Asti. Dernièrement un hôtelier d’une autre ville de province se voyait dresser une contravention pour le même motif : sous la rubrique « Champagne » de sa carte des vins, il n’y avait que des vins de deuxième zone et des mousseux ordinaires : sa grande excuse était l’impossibilité pour le client de se tromper à cause du bon marché des prix. — Le Tribunal de Nancy nous a fourni déjà la réponse à faire. Nous pourrions ajouter que c’est en présentant au public des vins mousseux pour du vin de Champagne qu’on permet à certaines personnes de se figurer que l’appellation « Champagne » est générique et qu’on arrive à diminuer dans l’esprit du consommateur la réputation du vin de Champagne pour le lui faire assimiler aux mousseux médiocres qui lui sont souvent offerts subrepticement aux lieu et place du vin de Champagne. Le public se fie en effet bien souvent aux apparences et fait preuve presque toujours de la plus grande inattention. Aussi est-il nécessaire de donner des armes au producteur pour lui permettre de se défendre contre l’insouciance du public qui se laisse si facilement tromper.
L’ingéniosité des imitateurs plus rusés s’est exercée sur les moyens d’évoquer le mot de Champagne sans qualifier réellement le produit de ce nom auquel il ne peut manifestement prétendre avoir droit. — L’examen des étalages de commerçants en vins et la lecture des libellés de dépôts de marques ne laissent pas que d’éveiller l’attention de celui qui s’intéresse à ces questions. Que dire par exemple d’une étiquette ainsi conçue : « Le Mousseux Géola vaut le Champagne » ; [11] ou bien de celle-ci « Grand vin récolté hors Champagne » apposée sur un vin vendu en Espagne ? Leurs propriétaires se flattent vraisemblablement d’exciper de leurs intentions loyales vis-à-vis du consommateur auquel ils disent la vérité ! C’était aussi ce que prétendait faire l’imitateur de la Chartreuse qui vendait le produit sous son nom « Chartreuse N... Ne pas confondre avec la Grande Chartreuse ». Les juges qui eurent à apprécier cette dénomination condamnèrent purement et simplement l’imitateur [12]. C’est la solution qu’imposent nos lois et règlements et une jurisprudence constante.
L’application en sera plus difficile si elle se trouve en conflit avec le droit d’usage du nom patronymique, comme cela se produit sur l’étiquette suivante pour vins mousseux : « M. Champagne et Narelli » [13]. Notre jurisprudence s’est montrée en général trop respectueuse du droit de chacun d’user librement de son nom patronymique et n’ordonne, semble-t-il, qu’à regret, quelques correctifs souvent impuissants à empêcher la confusion de se créer. Nous avons pu voir, dans une grande exposition, des vins d’Anjou étiquetés « G. Champagne-Jacquemet » et une carte postale distribuée aux visiteurs de l’exposition les incitant à boire « du Champagne Jacquemet ». — Nous croyons que dans des cas comme ceux-là où une personne porte le nom de toute une catégorie de produits d’origine, il y aurait lieu de prévoir des restrictions très importantes à l’usage du nom patronymique » car la confusion est tellement inévitable que le préjudice causé aux vendeurs du vin d’origine sera toujours très grave et les correctifs habituels, tels qu’indication du prénom en caractères de même dimension par exemple, seraient, il est à craindre, inopérants, car le public n’y prêtera pas attention.
Dans un autre genre d’usurpation, la Cour de Bordeaux a eu à décider si un fabricant de vins mousseux de la région productrice d’eau-de-vie dite « Champagne de Cognac » pouvait faire usage de ce nom pour désigner ses produits. A l’exposition de Liège de 1905, un exposant avait présenté un « Grand mousseux de la Champagne de Cognac » que le jury refusa d’examiner avant d’avoir reçu une renonciation à l’usage des mots « Champagne » et « Champagnisé ».

En 1905 se reformait sous le nom de « Société des Vins de Champagne de Cognac » une société créée en 1903 et comprenant cet exposant de Liège qui y apportait ses marques. L’acte social lui donnait pour objet : « e commerce des vins traités et manutentionnés en vins de Champagne ». — L’un des gérants arguait, pour fortifier son droit, qu’il était propriétaire de vignobles situés sur la commune de Angeau-Champagne et que du reste aucune confusion notait possible avec les véritables vins de Champagne.
La Cour de Bordeaux ne jugea même pas nécessaire de réfuter ces assertions, mais elle décida qu’il est illicite de verser en apport dans une Société une dénomination contraire à la loi, que la dénomination « Vin de Champagne de Cognac » est prohibée par les lois de 1824 et de 1857, que dès lors la Société formée est entachée d’un vice radical qui en doit entraîner la nullité [14].
Cette condamnation ne semble pas avoir découragé les Charcutais, si nous en jugeons par le dépôt des marques suivantes : « Champagnisation des vins de la Champagne Charentaise — Grands mousseux Charentais — Vins de la Champagne Charentaise champagnisés » etc. etc [15]. Nous nous permettons d’avoir des doutes très sérieux sur la légalité de telles marques dont l’emploi éventuel serait certainement de nature à causer préjudice aux négociants en vins de Champagne.
La même conséquence peut également découler de la floraison d’annonces qui font apparaître le mot Champagne, sans pour cela chercher à faire croire que le produit vanté soit du vin de Champagne, mais qui n’en constituent pas moins, soit une sorte de dénigrement implicite du vin de Champagne, soit une réclame basée sur la renommée d’autrui et faite à son détriment. Dans cet ordre d’idées, nous avons eu sous les yeux des annonces émanant d’une maison de vins d’Asti : l’une indique que telle quantité de mousseux N... a été exportée en un an en France, au pays du Champagne, une autre établit un parallèle entre les chiffres grandissants des importations de N... en Angleterre et ceux des mousseux français en diminution, (or ce sont presque tous des vins de Champagne) ; un autre prospectus fait connaître que la marque N... peut être comparée avec succès aux marques de Champagne français les plus réputées.
Le même procédé de réclame abusive se retrouve dans le libellé d’une collerette apposée sur un vin mousseux d’Anjou : « Une bouteille de G... d’un premier cru d’Anjou vaut mieux que la bouteille de Champagne, d’un prix double, d’un cru inférieur de la Champagne ». Le mépris apparent qui semble être professé par ce fabricant de vin d’Anjou pour le vin de Champagne a toutefois des limites, car la lecture d’un annuaire permet de constater que cette maison d’Anjou s’y classe sous la rubrique « Champagne » et jusqu’à ces derniers mois une annonce d’un périodique portait le titre « Champagnes et Mousseux » bien que le texte ne mentionnât comme lieu de fabrication que l’Anjou : une telle insertion est évidemment de nature à créer une confusion favorable à son auteur.
L’emploi du nom de concurrents pour établir une comparaison favorable pour soi-même a été plusieurs fois condamné : la publication des tableaux comparatifs de vente de deux journaux a été considérée comme un fait de concurrence déloyale [16] ; de même l’envoi d’une circulaire visant des maisons nouvelles, homonymes d’anciennes maisons de vins de Champagne, et jetant le discrédit sur celles-là en les classant dans la catégorie des établissements fondés dans des conditions anormales, et ayant pour but de profiter de la confusion résultant de l’homonymie [17].

En réalité, le nom appliqué à un produit doit être considéré comme intangible par les concurrents car ceux qui l’utilisent pour en faire apparemment l’éloge, dissimulent toujours un but intéressé ; c’est le propriétaire du nom qui est seul juge de l’emploi qu’il veut en faire [18]. - En s’appuyant sur ces décisions applicables à des cas d’usage du nom de telle ou telle maison, il est possible à une collectivité dont les produits sont ainsi critiqués directement ou indirectement d’intenter, une action en dommages-intérêts [19], malgré qu’il n’y ait pas eu dans le fait répréhensible un acte de véritable concurrence déloyale.
Mais en réalité, la protection assez sérieuse dont bénéficie en France le nom lui-même du produit est bien embryonnaire lorsqu’il s’agit d’une réclame qui n’est ni mensongère, ni illicite, mais simplement abusive à l’étranger, elle peut même être considérée comme inexistante. Un effort semble nécessaire pour combler cette lacune. Le groupe français de l’Association internationale pour la Protection de la Propriété industrielle s’en est occupé tout dernièrement et, après avoir longuement discuté sur la question, a émis un vœu en faveur de la répression de la réclame abusive sous quelque orme qu’elle se présente [20].

§II. L’ Emploi des dérivés du mot « Champagne » : « Champagnisé », « Champagnisation », « Méthode Champenoise », etc...

Le vin mousseux étant à l’origine pour ainsi dire le monopole de la région champenoise, il semblait naturel au public de considérer le mot Champagne comme synonyme de vin mousseux et les locutions dérivées telles que « champagniser » comme équivalent de « rendre mousseux ». Mais du jour où la fabrication des vins mousseux par le procédé champenois s’étendit à d’autres régions viticoles françaises, il importait de remettre les choses au point et de réserver aux Champenois seuls l’emploi des désignations créées pour leurs produits. Le mot Champagne jouissait d’une grande vogue, il sonnait agréablement à toutes les oreilles des fins dégustateurs, aussi ceux qui avaient cru pouvoir se l’approprier, opposèrent-ils une résistance assez longue aux revendications auxquelles ils furent en butte ; ils finirent néanmoins par céder.
Mais il reste un point plus délicat : c’est l’emploi des dérivés du mot Champagne : est-il permis aux fabricants de vins mousseux travaillée suivant les procédés champenois de désigner leurs vins sous le nom de « champagnisés » ou « produits selon la méthode champenoise » ?
Le décret du 3 septembre 1907 et celui du 19 août 1921 considèrent comme licites en ce qui concerne spécialement les vins mousseux « des manipulations et traitements connus sous le nom de « méthode champenoise ». Les auteurs de ces textes ont été animés évidemment du désir de bien préciser le genre d’opérations autorisées et dans ce but ont cru bon d’évoquer l’idée originelle. Est-ce à dire que ces décrets donnent le droit d’employer les expressions « méthode champenoise », « champagnisation », « champagniser », etc. ? — Cela ne ressort nullement du texte.
Aussi n’est-ce pas surtout sur ces textes que s’appuient ceux qui ont intérêt à utiliser ces désignations : ils donnent des raisons variées tendant toutes à prouver qu’il s’agit pour eux d’un droit véritable : tout d’abord le fait incontestable que le procédé champenois est tombé dans le domaine public et qu’il est d’un usage courant d’employer les mots dérivés de « Champagne » pour désigner les vins mousseux produits de cette façon.
Nous avons déjà eu à réfuter cette forme de raisonnement à propos du mot Champagne : l’argument tiré de l’usage ne porte pas plus pour le mot Champagne que pour ses dérivés : un abus ne saurait engendrer un droit et si les protestations des Champenois ont été plus tardives et moins véhémentes à propos des mots dérivés, c’est que les cas d’usurpation étaient plus rares, moins patents et moins graves. Il serait du reste inexact de croire qu’ils ont admis tacitement l’emploi des locutions de ce genre. — Le projet de loi sur les boissons hygiéniques qui fut promulgué le 29 décembre 1897 portait primitivement une rubrique « vins champagnisés » que la Chambre supprima comme incorrecte, sur les instances du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne. — En 1901, une protestation analogue fut élevée lors de la discussion du projet de taxes de remplacement de la ville de Paris. — A la Guadeloupe, le tarif primitif de l’octroi de mer comportait une rubrique « Vins champagnisés et mousseux autres ». Cette colonie se rendit compte de l’incorrection de l’expression « Vins champagnisés », et elle la fit disparaître lors d’une révision sanctionnée par le décret du 14 mai 1907. — Au 36e Congrès de l’Association française pour l’avancement des Sciences tenu à Reims en 1907, une protestation très nette contre les mots « Champagniser », « Champagnisation », fut élevée par le représentant du commerce des Vins de Champagne.
On ajoute encore pour justifier l’emploi de ces expressions que ce sont les seules qui forment des mots exactement représentatifs de l’idée et qu’elles sont nécessaires pour bien différencier les vins fabriqués comme en Champagne de ceux qui sont rendus mousseux par d’autres procédés moins parfaits.
Faut-il prendre en considération la détresse terminologique invoquée par les fabricants de vins mousseux ? Cela n’apparaît pas plus évident pour les mots dérivés que pour le mot « Champagne » : en général l’esprit ne s’ingénie pas à chercher un mot propre lorsqu’il peut user de celui du voisin. N’avons-nous pas entendu pendant de longues années le mot « Heimatlos », pour ne citer que celui-là, auquel, paraît-il, il était impossible de trouver un équivalent dans notre langue : aujourd’hui, cependant, le désir fort louable de ne rien devoir aux Allemands a fait trouver le ou les mots qui passaient autrefois pour introuvables. Les fabricants allemands de vins mousseux emploient le mot « Flaschengährung » qui ne leur déplaît pas ; les Français ne sont pas dépourvus d’esprit inventif et, s’ils veulent s’en donner la peine, ils trouveront bien des locutions analogues qui soient satisfaisantes, sans pour cela être obligés de prendre une racine géographique telle que Champagne.
Les expressions dérivées ou équivoques susceptibles de créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur, soit étranger, soit même français, sont prohibées par la loi française. La loi du 22 Germinal an XI interdit l’insertion des mots « façon de... » suivis du nom d’une autre ville : or la loi de 1824 a laissé subsister ces dispositions, tout en modifiant la peine.
Il est à remarquer cependant qu’une certaine confusion apparente s’est manifestée dans la jurisprudence :
alors que la plupart des décisions ont interdit absolument non seulement l’emploi des mots « Façon de » mais encore, par une heureuse extension, tous les mots similaires « recette », « imitation », « imité », « genre », « système » [21], d’autres l’admettent dans certaines espèces ; par exemple pour différencier les produits des nouveaux fabricants d’un produit tombé dans le domaine public, de ceux du premier fabricant ; en ce sens notamment une décision relative à l’emploi du nom de « Carcel » par des concurrents [22]. Mais il s’agit là d’un nom qui est tombé dans le domaine public. — L’arrêt de la Cour de Lyon rendu dans l’affaire mentionnée plus haut [23] est opposé à la thèse que nous défendons : tout en interdisant l’emploi du mot München et de l’étiquette « Bière Munich — W... et fils, Lyon », la Cour a commis l’imprudence d’admettre, comme les appelants eux-mêmes, mal instruits de leurs droits, déclaraient le tolérer la désignation « Bière genre Munich » qui est tout aussi condamnable que la première.
Mais nous trouvons en sens contraire de nombreux arrêts qui indiquent une tendance beaucoup plus restrictive de l’emploi de toutes ces locutions dangereuses.

Lorsqu’il s’agit d’un nom devenu l’appellation nécessaire d’un produit, il semble que, — sauf dans quelques cas particuliers où une confusion entre fabricants pourrait être à craindre, — tous puissent user librement du nom. Au contraire, si le nom a conservé son caractère propre, peu importe que le procédé de fabrication soit employé licitement par d’autres fabricants, du moment qu’ils n’ont pas le droit d’user directement du nom, ils ne peuvent s’en servir indirectement en le faisant précéder d’un correctif quelconque dont la signification échappe du reste fréquemment aux consommateurs. Il n’est vraiment pas possible d’admettre qu’un vin mousseux porte par exemple une étiquette « Simili-Champagne » ; une telle marque cependant été déposée en France [24].
Les discussions sur la portée de la loi de Germinal n’ont en réalité qu’un intérêt plutôt théorique car les termes des lois de 1824,1857,1905, et 1919 et des décrets d’application sont assez généraux pour autoriser les extensions jurisprudentielles.
D’après le décret du 3 septembre 1907, art. 13, « l’emploi de toute indication ou signe susceptible de créer dans l’esprit de l’acheteur une confusion sur la nature ou sur l’origine des produits visés au décret, lorsque d’après la convention ou les usages la désignation de l’origine attribuée à ces. produits devra être considérée comme la cause principale de la vente, est interdit en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment, etc. »

BEDARRIDE a commenté d’une façon vigoureuse, cette idée lorsqu’il dit : « S’il suffisait d’estropier plus ou moins un nom pour se mettre à l’abri des prohibitions prononcées par la loi, pour échapper à toute réparation, à toute peine, cette loi ne serait plus bientôt qu’une lettre morte et la concurrence la plus scandaleuse n’aurait plus de bornes ».
La législation paraît donc garantir les ayants droit au nom de Champagne contre tout usage des désignations comportant cette racine. Mais sur le terrain pratique, la question sera d’examiner s’ils subissent un préjudice du fait de ces agissements. Il est incontestable tout d’abord que les propriétaires d’un nom ou d’une appellation réputés voient avec quelque répugnance mêlée d’appréhension l’usage qui peut en être fait, même d’une façon indirecte, pour prôner des produits inférieurs. Qu’on ne vienne pas répondre que c’est une manière de contribuer à l’expansion du produit type : un négociant étranger nous disait dernièrement de la façon la plus sérieuse qu’en vendant des vins français bon marché, mais de médiocre qualité, exportés en fûts et rendus mousseux à l’étranger, il contribuait à la renommée universelle des vins de Champagne, en présentant sa marchandise comme provenant du vignoble champenois ! Lorsqu’il s’agit de produits de choix, les procédés de réclame ne sont pas les mêmes que pour des articles de bazar, aussi n’y a-t-il rien que de très naturel et de très louable dans le désir d’éviter toute atteinte même légère au bon renom des produits d’origine.
Mais le préjudice apparaîtra beaucoup plus direct et important si la confusion est possible entre le « Champagnisé », la « Méthode Champenoise » et le « Champagne » non pas seulement pour l’amateur éclairé qui est l’infime minorité, mais pour un consommateur d’attention ordinaire et moyenne. — Une espèce de ce genre s’est présentée il y a une douzaine d’années devant le Tribunal civil de Lons-le-Saunier et la Cour de Besançon. Une maison T... avait effectué le dépôt de deux marques : « Compagnie générale des Grands Vins champagnisés du Jura à Lons-le-Saunier », et « Grands Vins champagnisés N... P... maison fondée en 1877, Lons-le-Saunier ». Les négociants en vins de Champagne, inquiets de la tendance très nette que ce dépôt indiquait et des dangers qu’il leur faisait courir, assignèrent T... devant le Tribunal civil de Lons-le-Saunier en radiation de ses deux marques. T... prétendit que l’expression « Vins champagnisés » par elle-même ne prêtait pas à confusion, d’autant moins qu’il l’avait fait suivre de l’adresse. Il se retranchait du reste derrière une opinion formulée dans une lettre du Service de la Répression des Fraudes : ce Service, sans vouloir admettre le mot « Champagnisé » seul, était d’avis que cette dénomination pouvait être employée « à condition qu’aucune confusion ne pût se produire dans l’esprit de l’acheteur sur l’origine du produit », et il estimait que cette condition était susceptible de se réaliser, lorsque figurait aussi sur l’étiquette l’indication de la localité où était fabriqué le vin.
La décision fut rendue dans le sens des conclusions de T... : [25] elle considère que les locutions « Vin de Champagne » et « Vin Champagnisé » ne peuvent être confondues, même par l’acheteur étranger qui, s’il ne connaît qu’imparfaitement la langue française, n’aura qu’à se faire renseigner ! L’arrêt de Besançon admet cependant que le mot « Champagnisé » peut, en raison de son radical, évoquer dans l’esprit de l’acheteur l’idée de « Vin de Champagne » mais il ajoute que î indication du lieu de fabrication est de nature à dissiper toute équivoque.

Nous voyons dénier par cette décision toute possibilité de confusion : « Vin de Champagne » et « Vin Champagnisé » auraient entre eux des différences telles que le consommateur ne pourrait s’y tromper ! [26] Pour notre part, nous sommes d’un avis tout à fait opposé, car en pareille matière, il y a lieu d’examiner non pas les différences, mais les ressemblances : or celles-ci sont indéniables et le consommateur ordinaire risquera fort de s’égarer ; quant à l’étranger, d’après la théorie énoncée dans l’arrêt, nous devrons lui adjoindre un interprète expert si nous voulons qu’il puisse s’y reconnaître !
Mais l’arrêt dont nous faisons l’étude critique dissipe ces quelques craintes de confusion que la Cour avait cependant éprouvées, en prétendant qu’elles seront sans aucun doute écartées du consommateur par l’indication « Lons-le-Saunier » ou « Jura ». Nous nous permettons de ne pas être aussi optimistes quant à l’efficacité de ce correctif et nous conservons des doutes sérieux sur l’étendue des connaissances géographiques des acheteurs étrangers ou même français ; plus d’un certainement accepterait sans arrière-pensée sur une étiquette l’incorporation de « Lons-le-Saulnier » ou de « Bar-le-Duc » à la Champagne viticole, dont les limites restent très vagues pour beaucoup.

L’expression « Vin champagnisé » par elle-même est du reste susceptible de comporter des significations tellement diverses que son emploi pourra laisser la plupart du temps le consommateur bien perplexe sur la composition du produit qui lui est offert. — Le sens logique et historique d’un tel mot est : vin quelconque qui, par une série d’opérations et de manutentions diverses, a été transformé en vin de Champagne. C’est ainsi que l’on entend aussi employer parfois, également à tort, le mot « Madérisé ». — Un deuxième sens serait : vin quelconque dans lequel rentre une quantité suffisante de vin de Champagne pour donner à l’ensemble du coupage quelque chose des qualité et du goût du vin de Champagne. — Dans une des éditions de « La Nature » de Salleron, le mot « Champagnisé » se trouve employé plutôt comme synonyme de « vin de Champagne factice, gazéifié artificiellement ». Dans ce cas, l’expression « Vin Champagnisé » aurait un sens péjoratif, de même que l’expression « Vin Madérisé », employée dans le langage courant pour désigner un vin quelconque qui a acquis un goût de cuit, de vieux. Il semble bien que ce soit une application de ce sens du mot « champagnisé » que l’on rencontre dans un prix courant de matériel de cave où le titre « Champagnisation des vins » est suivi de cette explication : « Les vins mousseux gazéifiés sont obtenus très facilement et presque pour rien avec nos installations spéciales... etc. » [27]
Toutes ces acceptions sont, il est vrai, sans valeur au regard de la loi française, mais bien des consommateurs l’ignorent et la généralisation de l’emploi de ce mot « Champagnisé » ébranlerait la confiance que l’on a eu tant de peine à acquérir et à conserver dans le public relativement aux garanties d’origine des vins de Champagne.
Enfin, le seul sens qui soit invoqué par les amateurs de cette expression si discutée, c’est « Vin mousseux » ou « vin auquel on a donné quelques-uns des caractères spéciaux du vin de Champagne », selon une définition du Dictionnaire Larousse, définition que nous ne pouvons accepter, car elle ne tend à rien moins qu’à permettre au vin d’imitation d’usurper le nom du produit véritable à condition de le déformer quelque peu.
Alors qu’en application de la loi française et de l’Arrangement de Madrid, nos tribunaux ont interdit de la façon la plus formelle de dire « Saumur-Champagne », « Saumur-façon Champagne » ou « Saumur type Champagne », c’est contredire cette jurisprudence que d’autoriser « Saumur Champagnisé », « Jura Champagnisé »
et créer dans l’esprit de l’acheteur la confusion prévue par l’article 13 du décret du 3 septembre 1907. La grande majorité des consommateurs, en voyant cette dénomination additionnelle et qualificative, pourront très bien croire que ces vins sont le produit d’un mélange des vins de Saumur, du Jura avec des vins de la Champagne. Certains négociants peu scrupuleux chercheront à entretenir et à enraciner cette interprétation. — Partant de là, tous les vins étrangers se croiront autorisés à se dénommer « Asti-Champagne », « Tokay- Champagne » etc., et chercheront par ce moyen à concurrencer les vins de Champagne sur les marchés étrangers. Il sera ensuite très difficile d’assurer le respect de l’Arrangement de Madrid et de sa loyale interprétation.
On entend encore parfois employer le mot « Champagnisé » pour désigner le vin de Champagne mousseux par opposition au vin récolté dans la région de Champagne mais auquel on n’a pas fait prendre mousse. Cette façon de parler est tout à fait critiquable ; même appliqué au vin récolté dans la Champagne viticole, le mot « Champagnisé » est incorrect, puisque ce n’est pas la prise de mousse qui constitue le vin de Champagne dont elle développe seulement les qualités. — La vérité est qu’il faut proscrire de la façon la plus absolue ces expressions qui, non seulement constituent des néologismes douteux, mais qui surtout sont dépourvues de sens [28].
Aussi, malgré l’arrêt de la Cour de Besançon, rendu dans une espèce où le désir de fraude n’était pas démontré, nous préférons nous rallier au vote de principe émis par l’Assemblé générale du 2e Congrès international de la Croix-Blanche pour la Répression des Fraudes [29], et qui est ainsi conçu : « A seul droit à la dénomination d’un cru, d’un pays ou d’une région, le vin mousseux qui en provient exclusivement. L’emploi des expressions « Champagnisé », « Champagnisation » et autres qualificatifs analogues est interdit ».

Nous nous trouvons cette fois en présence de lignes d’une netteté parfaite dans leur concision. Le Congrès pour la Répression des Fraudes ne s’est pas occupé de rechercher si une confusion était possible, dans quelles conditions et dans quelles limites. — Non, son point de départ est l’application du principe du droit exclusif à l’usage des appellations d’origine, consacré par l’Arrangement de Madrid et par toutes nos lois françaises. Partant de là, le vote du Congrès, dédaignant de répondre aux arguments adverses, pose l’interdiction de l’emploi des mots dérivés dont l’usage s’est révélé si critiquable et si dangereux.
Quoique le fond de la discussion soit toujours le même, le débat avait porté à Lons-le-Saunier et à Besançon uniquement sur le mot « Champagnisé ». Depuis la guerre, l’expression « Méthode Champenoise » cherche à conquérir droit de cité ; elle y est du reste maintenant encouragée par le texte de la circulaire du 22 novembre 1921 pour l’application du décret du 19 août 1921 : celle-ci en effet réserve exclusivement l’indication « préparés suivant la méthode champenoise » aux vins dont la seconde fermentation alcoolique s’est produite en bouteilles et suivant les manipulations et traitements connus sous le nom de « Méthode champenoise ». Aussi voyons-nous depuis quelques années une pléiade de vins mousseux, souvent ceux qui ne sont pas réputés par l’ancienneté de leur marque et la qualité de leurs vins et qui ont besoin d’attirer le public, s’empresser d’étaler partout sur leurs étiquettes, papiers de commerce, annonces, les inscriptions « Méthode Champenoise » qui sont parfois les mots les plus en vue de l’ensemble de la marque. On pourrait rapprocher cette manière de faire de celle qui consistait à faire entrer le nom de « Liebig » dans l’annonce d’un extrait de viande en indiquant que le produit a été obtenu « d’après ses procédés ». La Cour de Paris [30] a reconnu au propriétaire de la marque Liebig le droit de s’opposer à cet usage de son nom.

Divers exemples permettent de craindre que le libéralisme dont fait preuve en ce moment l’administration française ne cause préjudice à la confiance justifiée que met le public dans le soin apporté à la fabrication des vins de Champagne ; la clientèle pourra en effet être amenée à penser que tous les vins mousseux, Champagnes ou vins inférieurs, sont traités absolument de la même manière.
Dès maintenant la tendance à faire de l’expression « Méthode Champenoise » un véritable synonyme de « vin mousseux » tend à s’accentuer. Nous constatons en effet que, consulté sur le caractère licite de l’addition d’infusion de fleurs de sureau à un vin mousseux, dans le but de lui donner artificiellement une saveur analogue à celle du muscat, le directeur du Service de la Répression des Fraudes a conclu au caractère licite de l’opération comme « constituant une des variantes de la méthode champenoise, laquelle étant applicable à tous les vins mousseux quelle qu’en soit l’origine, comporte nécessairement des modalités un peu différentes suivant le cas ». [31] II faut espérer que les consommateurs de vins de Champagne ne laisseront pas germer en eux cette idée complètement erronée que la méthode de préparation des vins de Champagne peut parfois s’accommoder de l’addition d’infusion de sureau !
Mais lorsque nous voyons notre Service des Fraudes admettre le « Cidre-Champagnisé », sous prétexte que ce terme ne peut tromper l’acheteur sur la nature ou l’origine du produit et qu’ainsi il peut être employé pour les cidres dont l’effervescence résulte d’une prolongation de la fermentation alcoolique dans les bouteilles, nous pouvons craindre des confusions préjudiciables à la réputation du vin de Champagne [32]. - Peut-être la société tchèque qui proposait dernièrement à des fabricants de vins de Champagne l’achat des fruits desséchés « qui sont utilisés dans la fabrication du vin de Champagne » s’était-elle laissée égarer par des abus du genre de ceux que nous combattons. Il se peut aussi que ce soit par l’adroit dénigrement de nos produits auquel certains pays étrangers, producteurs eux-mêmes de « vins de fruits », ont pu se livrer. Ce n’est du reste pas la première fois que l’on entend émettre l’opinion que les fabricants de vins de Champagne introduisent des fruits dans leurs vins : on a parlé autrefois du « Champagne de groseilles à maquereaux » ; et il y a quelques années un journal anglais [33] vantait les « Champagne Rhubarb fieids » « Champs de rhubarbe à Champagne » !
Les consommateurs de nos grands vins ne se laissent heureusement pas duper par des assertions aussi extravagantes. Il n’en est pas moins regrettable que ce soit au nom de la méthode champenoise que soient accordées des autorisations comme celle visant l’emploi de sureau, car c’est déformer la signification d’un procédé illustré par une région, et livrer ce nom aux fabricants de tous les liquides qui moussent.
En France, nous savons bien que les autorités sauront intervenir pour réprimer les abus les plus sérieux, mais à l’étranger, il est loin d’en être de même et ceux qui n’osent pas s’emparer directement de l’appellation tant convoitée de « Champagne », s’empresseront de s’appuyer sur l’usage fréquent fait en France des locutions « Champagnisé », « Méthode Champenoise », tout d’abord pour les employer eux-mêmes en profitant de la confusion qu’elles sont particulièrement susceptibles de créer à l’étranger ; de là à usurper le mot « Champagne » lui-même, la tentation est bien forte, lorsque la législation et la jurisprudence sont indécises et que le bénéfice à retirer de l’usurpation est accru considérablement du fait des droits formidables de toutes sortes qui frappent nos grands vins à l’entrée de la plupart des pays étrangers.

La mention obligatoire « produit en cuve close » doit être en caractères de dimension égale au moins au tiers de celle des caractères les plus grands.

§III. Emploi du mot « Champagne » sur des Boissons diverses

Enumérer les marques de liquides autres que le vin mousseux comportant le mot « Champagne » ou ses dérivés, dont le dépôt a été effectué en France pour des boissons de toutes sortes, serait se livrer à rétablissement d’un véritable catalogue. Toute une série de « Sirops de Champagne », « Grenadine-Champagne », « Kina-Champagne » a été déposée [34] ; on trouve des « Vals Champagne », « Vichy-Champagne » [35], « Bière-Champagne », « Lait-Champagnisé », « Limonade-Champagne », « Madère-Champagne », « Vermouth-Champagne » [36] ; toute une gamme de « Champagnes apéritif, digestif, laxatif, purgatif, réconfortant » [37], des « Cordial Champagne, Liqueur Champagne » etc. [38]. C’est peut-être un bel éloge à faire du Champagne que de lui accorder tant d’épithètes variées, mais il préfère modestement se passer de ce genre de réclame. les « limonades champagnisées », les boissons « champagnettes, champagnites, champenoises, champagnardes » [39], ne se comptent plus ; on trouve jusqu’à des fabricants de parfumeries qui offrent des « huiles et essences Champagne » ce qui semble alors l’indication de la qualité extra fine.
Nous ne nous attarderons pas avec tous ces produits variés dont la grande majorité n’a existé que sur les registres de dépôts de marque et dont les essais n’ont guère été encourageants. Mais il est plus intéressant de parler des cidres mousseux que l’on a tenté de dénommer « Champagne » [40].
Le propriétaire d’un « Champagne Normand » se vit assigner en 1888 et s’empressa de souscrire une renonciation formelle. En 1900, l’occasion se présenta à nouveau de soumettre un « Cidre-Champagne » [41] à la justice : et, par un jugement fortement motivé [42], le Tribunal jugea nul et non avenu le dépôt de la marque, comme contenant une indication de nature à tromper l’acheteur sur la nature du produit et défendit l’usage du mot « Champagne » seul ou en composition avec d’autres mots [43].

La question peut donc être considérée comme définitivement résolue ; malgré tout, quelques tentatives se manifestèrent encore depuis la guerre : une Cidrerie du Morbihan se laissait entraîner à vendre à l’étranger des Cidres « Champagne » et « Champagnisé » ; à la suite d’une démarche amiable, elle se rendit compte de son erreur et s’empressa de reprendre des désignations correctes. Un fabricant de poiré cependant semble vouloir se raccrocher encore au mot Champagne. Sa marque est ainsi libellée : « Normandy-Champagne — Poiré champagnisé » [44] Son étiquette nous paraît du reste devoir être vouée à l’insuccès, car s’il tentait de l’apposer sur ses produits, ce qu’il n’a pas encore fait, nul doute qu’une action judiciaire aboutisse à le lui faire interdire. — Un habitant de la Gironde, ignorant vraisemblablement le respect dû aux appellations d’origine, a cru intéressant de fabriquer un « Champagne du pauvre » (selon sa propre expression) et de l’offrir à ses clients sous l’étiquette « Petit Champagne Martin — Boisson rafraîchissante ». Nous ne savons si le « pauvre » tient en grande estime le Champagne après avoir dégusté cette boisson !
Ce sont, semble-t-il, abus de peu d’importance et les Parquets hésitent souvent à les poursuivre : « de minimis non curat praetor ». Cependant les Syndicats champenois ne peuvent connaître toutes les usurpations et pour toutes engager les frais de coûteuses actions en justice. Il n’en faudrait pas conclure que le droit à l’appellation « Champagne » n’ait pas besoin d’être protégé en France très énergiquement contre tous les abus. Dans certains cas, le préjudice n’est pas très apparent ; il n’en existe pas moins réellement et se traduit principalement par ses répercussions dans les pays étrangers : nous prétendons leur imposer le respect absolu de nos appellations ; et au milieu d’une discussion ou d’un procès, la partie adverse vient nous démontrer que les Français eux-mêmes n’observent pas strictement la réglementation qu’ils ont édictée. Respectons donc nous-mêmes très scrupuleusement les appellations d’origine que nous voulons protéger, si nous voulons obtenir que les pays étrangers prêtent une oreille favorable à nos justes revendications.

Notes

[1Ann. 60, p. 95.

[2Amiens, 23 juill. 1892. D. -96-1-23.

[3POUILLET, op. cit., p. 724, n° 884.

[4Reproduit dans POUILLET, eod. loc.

[5Ann. 70-159.

[6Chap. IV. p. 71.

[7Jugement du 2 mars 1891. D. 95-1-71.

[8Les tribunaux français sont compétents pour connaître de procès en concurrence déloyale, relatifs à des faits qui se sont passés à l’étranger, que le défendeur soit français (Riom, 10 août 1859. — Ann. 59-409) ou étranger (Paris, 25 janv. 1856. — Ann. 56-57). Il y a concurrence déloyale dans le fait d’annoncer un produit sous la dénomination de fantaisie (eau écarlate) que lui à donnée l’inventeur, encore bien que ces annonces auraient eu lieu à l’étranger, s’il est établi d’ailleurs que cette publicité peut réagir sur la vente en France (Paris, 9 mai 1863, Ann. 63-252).

[9(1) Voir WEISS : Traité de droit international privé, V, p. 212.

[10« Attendu que cette participation de l’intimé aux annonces dont il s’agit est de nature à constituer en France, et au regard de la loi française, une concurrence illicite qui équivaut à un quasi-délit ; « Attendu qu’il importe donc peu, pour la solution du procès actuel, que la société précitée puisse constituer en droit une personnalité civile distincte de celle de l’intimé ;
« Attendu que la Cour n’a point à rechercher si certains actes prohibés en France sont tolérés ou permis en Angleterre... qu’il suffit à la Cour, pour retenir les griefs élevés contre l’intimé, de constater que l’intimé a participé, même à l’étranger, à des faits et actes, au moyen desquels il a exercé à son profit personnel et en France une concurrence déloyale à l’égard des producteurs Et vendeurs des vins récoltés et fabriqués en Champagne ; « Attendu que les journaux anglais qui publient les annonces incriminées ont, en effet, accès en France et que, par suite, ces publications qui, dans ce pays, ne peuvent profiter qu’à la maison de Saumur, engagent la responsabilité d’A... ; « Attendu, d’autre part, que les annonces faites en Angleterre sont de nature à nuire, même en France » auprès des sujets anglais qui s’y rendent ou qui s’y trouvent, à la vente des produits champenois par la croyance où sont entretenus ces Anglais que les vins d’A... sont des vins de Champagne ;
« Attendu que le nom de « Champagne », accompagné de celui de Saumur dans les documents sus rappelés, ne saurait être considéré comme étant purement et simplement équivalent et indicatif, même en Angleterre, de « Vin mousseux de Saumur » ; que le mot « Champagne » ne désigne pas un procédé de fabrication de vins mousseux en général, mais un vin mousseux spécial, récolté et fabriqué dans l’ancienne province de Champagne, que cette désignation ne peut donc être loyalement appliquée dans le commerce qu’à ce vin ; « Qu’il est évident que si le mot « Champagne » est accolé par l’intime au mot Saumur, c’est par la raison que l’intime y a intérêt et qu’il ne petit y : avoir intérêt que parce que le mot « Champagne » (même à côté de celui de Saumur) est de nature à égarer les acheteurs et les consommateurs anglais et même français, sur la provenance des vins vendus, en faisant croire à ces acheteurs et consommateurs que ces vins, dont l’origine Française est attestée par la réunion même des deux mots précités, sont récoltés et fabriqués en Champagne, les vins de Champagne étant infiniment plus connus que ceux de Saumur ;
« Interdit à A... tout usage du mot Champagne, pour l’annonce et la vente des vins non récoltés et fabriqués en Champagne ».
(Cour d’Anger, 15 déc. 189l.. D.95-1-71. - Cass. rej., 9 avril 1894. Ann. 96-154).
Cet arrêt a été fortement critiqué au point de vue doctrinal, comme étant contraire aux principes de droit international. « La loi Française considère, ’en effet, les lois pénales comme territoriales et elle ne permet la poursuite correctionnelle en France de certains délits commis à l’étranger que dans le cas où le délinquant est Français, et le délit puni et par la loi Française et par la loi étrangère (art. 5 C. instr. crim.). La solution ne peut pas être autre pour les quasi-délits, et prononcer des dommages-intérêts pour un fait commis à l’étranger et qui, ne constituant pas de quasi-délit à l’étranger, n’y est point la source de dommages-intérêts, c’est violer l’esprit de la loi française. La Cour d’Angers a, à la vérité, émis cette idée que, par l’introduction possible des journaux anglais en France, les faits répréhensibles avaient été, en partie, commis sur le territoire français, et les art. 1382 et 1383 devenaient, dès lors, directement applicables dans l’espèce. Mais comme l’a très bien fait remarquer le Journal de droit international privé (1892, p. 1147, note) la possibilité de l’introduction des journaux anglais en France n’est pas un élément de preuve suffisant, pour faire admettre que les faits reprochés se sont passés en France. On aurait dû exiger des demandeurs la preuve que des exemplaires des journaux anglais incriminés étaient entrés en France, et que leur introduction était le fait des négociants ». (Pandectes, Répertoire, Concurrence déloyale, n° 1374).
Mais ces critiques motivées par la situation toute spéciale de l’affaire, publicité non punissable à l’étranger, ne retirent rien à la force des arguments qui ont décidé la Cour d’Angers à condamner l’annonce d’un vin mousseux sous les mots « Champagne » ou « Champagne de Saumur ».

[11B. 0. Pr. Ind. du 29 juill. 1920, p. 1.447, n° 194. 236.

[12Trib. Seine, 23 avril 1879.

[13B. 0. Propr. Industr. du 13 mai 1920, p. 863, n° 189 889 et 890, et 22 sept. 1921, p. 1359, n° 15978.

[14Bordeaux, arrêt du 12 déc. 1906, - Ann. 07-2-49.

[15B. 0. Pr. Ind. 13 fév. 1919, n° 1828, p. 110 ; nos 7398 à 7402.

[16Seine, Trib. Corr., 21 mai 1884. - Ann. 85-119.

[17Trib. Com. Reims, 9 sept 1904 – Ann. 10-175.

[18Voir POUILLET, op. cit., nos 728,1183 à 85. – Voir également Trib. Com. Nancy, 25 nov. 1907. Ann. 08-97 : offre d’un produit qui constitue une imitation parfaite de celui si en vogue qu’il est inutile de désigner davantage.

[19Voir en ce sens Trib. Havre, 5 déc. 1898. Recueil du Havre, 1899-58.

[20Séance du 1er juin 1922. – Voir Porpr. Industr. 1922, n° 7 p.104 et suiv. et infra, p. 233

[21Pour la Chartreuse, voir Seine, 3 avril 1878. — Ann. 78-145. Pour le roquefort : Lyon, 4 juin 1910. — Ann. 11-2-50.

[22Trib. Com. Seine, 13 janv. 1843. — Gaz. Trib. 14-1-1843.

[23Voir supra Chap. II, p. 42. Arrêt de Lyon, 9 déc. 1904. — Ann. 07-102, note 6.

[24B.O. Pr. Ind. 30 déc. 1920, p ; 2287, n° 2510.

[25Lons-le-Saunier, 30 juill. 1909, Cour de Besançon, 9 mars 1910. - Ann. 11-71.

[26« Attendu que... l’expression « Vins Champagnisés » ne renferme le mot Champagne qu’à l’état de radical étymologique et suivi d’une désinence qui en a modifié le sens et la consonance vocale ; qu’il faut s’attacher plutôt à cette consonance, à l’apparence extérieure des mots et à leur constitution matérielle qu’à leur signification rationnelle ; qu’à ce point de vue ces deux locutions ne sauraient être assimilées... (Jugement de Lons-le-Saunier) ;
« Qu’au point de vue de la configuration littérale des mots, une différence très facile à saisir apparaît entre les deux locutions : Vins de Champagne et Vins Champagnisés ; la première contenant trois mots, la seconde deux ; la première portant le mot Champagne, nom propre, universellement connu, la seconde le mot « Champagnisé », ayant une terminaison différente qui en modifie la consonance finale ;
Qu’un consommateur apportant une attention moyenne, ordinaire à la lecture de l’étiquette ne peut pas lire Vins de Champagne là où se trouvent écrits en caractères très nets Vins Champagnisés.
Que vainement le Syndicat allègue que ce raisonnement peut être appliqué à la clientèle française, mais non à la clientèle étrangère, les étrangers ignorant les nuances de la langue française et pouvant être induits en erreur sur l’origine du vin par le mot champagnisé ;
« Qu’en effet, ou bien le consommateur étranger connaît la langue française » et alors il ne pourra se tromper, ou bien il ne la connaît pas ou ne la connaît qu’imparfaitement, et alors il se fera renseigner, s’il a souci de la marque, et s’il ne le fait pas, le mot champagnisé n’aura pas plus de portée,, plus de sens pour lui que le mot mousseux, ou mousseux fantaisie ;
« Qu’en admettant que le mot « Champagnisé » peut, en raison de son radical, évoquer dans l’esprit de l’acheteur l’idée de Vin de Champagne, il faut bien reconnaître que les mentions incriminées, et portant l’origine et le lieu de fabrication des vins, sont de nature à dissiper toute équivoque... » (Arrêt de Besançon).

[27Prospectus des Ateliers GUYOT, 4, rue Claude-Decaen, Paris.

[28Voir rapport au Congrès de Reims pour l’avancement des Sciences, 1907.

[29Congrès tenu à Paris du 17 au 24 oct. 1909

[30Paris, 12 janv. 1874.-Ann. 74-83.

[31Lettre à la Fédération du Commerce d’Exportation du 16 juill. 1919. La portée de cette autorisation a été atténuée dans la suite car l’aromatisation a été considérée comme faisant perdre au produit la qualité de « vin ». Voir supra, p. 158 note 2.

[32Moniteur Vinicole du 22 juin 1909. « L’application de la loi sur les fraudes ».

[33Evening New, fin 1919.
— La loi du 22 juillet 1927 ne permet l’emploi des dénominations dérivées du mot « Champagne » que pour le vin de Champagne lui-même. Toutefois, est autorisés la dénomination « Méthode Champenoise » pour les vins autres que les vins de Champagne rendus mousseux par fermentation naturelle en bouteilles (1).
(1) Le décret du 21 août 1928 interdit l’emploi de toute dénomination dérivée du mot « Champagne » non seulement sur les étiquettes, mais sur les récipients et emballages, papiers de commerce, annonces, etc.
La mention facultative « méthode champenoise » ne peut être en caractères de plus de moitié des caractères les plus grands.

[34Dépôts au Bull. Off. Prop. Ind, une quarantaine de « sirops de Champagne » divers, 1892, n° 435, p. 381 et suiv. ; Grenadine Champagne, 1891, n° 397, .p. 625 ; Grog Champagne, 1894, n° 530, p. 186 ; Kina Champagne, 1901, n° 923, p. 803 ; Kola Champagne, 1894, n°555, p. 734,-et 1907, n° 1222, p. 630.

[35Evian, Vals et Vichy .Champagne, 1901, n° 921, .p. 757 ; Soda Evian Champagne ou Saint-Galmier, 1902, n° 957, p. 449, et encore 190l, n° 938, p. 1113 ; 1908, n° 1256, p. 204.

[36Bière Champagne, 1890, n° 334, p. 312 ; Lait Champagnisé, 1904, n° 1079, p. 974 ; Limonade Champagne, 1899, n° 801., p. 366 ; Madère-Champagne, 1900, n° 864, p. 640 ; Vermouth-Champagne, 1900, n° 839, p. 86 et 109.

[37Champagnes apéritifs, anti-anémiques, anti-diabétiques, digestifs, laxatifs, purgatifs, nutritifs, pepsine, reconstituants, voir notamment 1886, n° 137, p. 172 ; 1897, n° 729, p. 1159 ; 1898, n° 738, p. 163 ; 1903, n° 1008, p. 445.

[3827 nov. 1919, p. 1538.

[39Notamment 1888, n° 224, p. 211, et 1896, no 625, p. 4.

[40Champagne de pommes, 1898, n° 738, p. 163 ; Cidres-Champagnes, 1897, n° 684, p. 190 ; 1901, n° 930, p. 955 ; 1904, n° 1059, p. 470, etc. Champagne-Normand, 1886, n° 127, p. 7.

[41Bull. Off. 15 fév. 1882, ren. 1901, n° 897, p. 216. Radiation 1902, n° 943, p. 111.

[42Tribunal civil d’Avranches, 1er août 1901.

[43« Attendu qu’il s’agit donc de rechercher si la dénomination « Cidre-Champagne » est de nature à induire l’acheteur en erreur sur le produit mis en vente ;
Attendu qu’il ne saurait y avoir de doute sur ce point ; qu’en effet le mot « Champagne » précédé ou suivi d’une autre dénomination, éveille immédiatement l’idée d’une boisson fabriquée en Champagne ou avec des produits provenant de l’ancienne province de Champagne, et ayant toutes les apparences et les qualités du vin de Champagne ;
Attendu qu’en l’espèce il s’agit d’une boisson qui n’a aucun rapport avec le Champagne, si ce n’est qu’en débouchant les bouteilles, elle détonne, pétille et mousse ;
« Attendu sans doute que dans le pays cidricole la dénomination Cidre-Champagne » ne pourrait guère tromper l’acheteur qui saura n’acheter que du cidre mousseux, mais qu’il n’en est pas de même dans les contrées où le cidre n’est connu que du nom, que l’acheteur, abusé par le mot « Champagne » universellement connu, pourra croire en effet qu’il s’agit d’une boisson ayant un certain rapport avec le vin de Champagne, émanant en tout cas, des produits de la Champagne ;
« Attendu, dans ces conditions, que c’est sans droit que d’A... use pour ses produits de la dénomination « Cidre-Champagne » et qu’il y a donc lieu d’ordonner l’annulation du dépôt de marque, effectué le 15 février 1882, renouvelé le 14 mars 1901. »

[44Bull. Off. du 10 nov. 1921, n° 1971, p. 1621, n° 18443.