UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Qui t’as fait roi ?

"Enrichissez-vous !"

Guizot est un peu l’ancre politique du "Roi des barricades" que les Trois Glorieuses amènent en 1830 et que le ressac des Journées de Février va remmener en 1848.

Pour rompre avec le jeu captivant et terrible du pouvoir démocratique dans lequel la Révolution s’est engloutie et où la Restauration vient de sombrer, il exhorte franchement la France profonde : "Enrichissez-vous !" C’est clair et il ne peut pas ne pas être clairement entendu. Pour le pays viticole, le trop sage ministre de Louis-Philippe officialise l’appel à "faire du Champagne" que les négociants, à l’image de Jeanne d’Arc, entendent partout monter de leurs cuves.

Justement, en 1836, un pharmacien de Châlons-sur-Marne au nom très national, M. Jean-Baptiste François, met au point un procédé pour calculer le taux de sucre restant après la première fermentation. Car, on le sait désormais, c’est la lente transformation du sucre en alcool et en gaz carbonique, à l’intérieur de la bouteille, qui produit la "prise de mousse" et dont l’excès menace la fragilité du verre. Cependant, le "dernier obstacle" à la sûre et pleine rentabilité de l’aventure demeure et, à la fin du siècle, la casse atteint encore une moyenne de huit pour cent, car on ignore toujours la dose de sucre à ajouter.
Néanmoins, la voie du faux Champagne est libre, et elle va rapidement s’élargir dans des proportions considérables avec la "champagnisation" du vin non plus en bouteille mais en cuve. Dès lors, les imitateurs fleurissent en Touraine, dans le Jura, en Gironde, en Bourgogne même. Leur production, cela va de soi, a nom "Champagne". Certains poussent le bouchon très loin si l’on ose dire, et n’hésitent pas à imprimer sur leurs étiquettes les noms de crus réputés de la Marne : Aÿ, Bouzy, Sillery, Verzy ou Verzenay, entre autres. La tête vers les nuages d’où vient le bon ou le mauvais, les vignerons ne songent pas à se défendre. Quant à ces Messieurs des Maisons, ils ne sont pas moins attentifs au temps qu’il fait, mais ils n’ont pas besoin de regarder le ciel pour veiller aux grains. Eux réagissent. Encore inorganisés ils doivent constituer une commission qu’ils chargent de conduire le combat judiciaire. C’est, au passage, le premier acte de défense d’un intérêt collectif des Champenois. On le doit aux Maisons qui, les premières, se font les agents lucides de l’intérêt commun du négoce et de la vigne.