UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Qui t’as fait roi ?

Les Maisons à l’assaut de leurs droits

La question de l’appellation "Champagne" proprement dite n’est cependant pas tranchée. Il est interdit de faire passer pour champenois ce qui ne l’est pas, mais on a le droit de "champagniser" un vin de pays, on a même - ô hérésie ! - celui de "champagniser" du vin en cuve selon une technique nouvelle que permet la maîtrise du processus de la fermentation.

Et tout cela se vend pour du "Champagne" ! Il existe d’ailleurs un obstacle de procédure à la défense par les négociants du nom du Champagne, c’est celui de la "qualité à agir", comme disent les juristes, sans pareils pour tirer d’invisibles ficelles qui font un pantin d’un plaideur, si puissant soit-il, ou si juste sa cause. Dans le désert organisationnel laissé par la disparition des Jurandes et des Corporations, les Maisons de Champagne n’ont pu attaquer en justice les fraudeurs de Touraine qu’en chargeant de l’action ceux d’entre eux auxquels les appellations usurpées faisaient directement tort. Mais l’appellation de "Champagne" renvoie au nom d’une province disparue de l’Ancien Régime dont les contours, en plus, ont été à dessein effacés par le découpage départemental. Elle les concerne tous en général, mais aucun ne peut l’invoquer en particulier. Les Maisons champenoises doivent pour la protéger s’en remettre au Procureur de la République, précisément chargé de défendre l’intérêt de tous. Autant dire qu’ils ne peuvent rien : chacun sait que Monsieur le Procureur a toujours d’autres Lacenaires à fouetter. Et puis, l’intérêt général, comme son nom l’indique, n’embrasse-t-il pas avec tous les autres dans son indistinction puissante, Tourangeaux, Angevins, Bourguignons et Champenois ? Le vieil interdit de la "coalition" des intérêts professionnels a la vie dure, même si au cours du Second Empire où les structures de l’économie de la France moderne se mettent en place, cet interdit apparaît invivable et même dangereux. Plus de dix ans après la chute sans gloire, dans la guerre, de "Napoléon-le-Petit", et après le brutal soulèvement, malgré la guerre, de la Commune de Paris, les intérêts professionnels, patronaux et ouvriers, sont clairement identifiés, ils le sont même passionnément. Mais ils n’ont pas le droit de se formuler ni de se défendre. Il faut attendre 1884 pour qu’un gouvernement présidé par Jules Ferry, qui sort à peine du grand oeuvre de foi laïque et de fondation républicaine de l’Education Nationale, ose prendre une loi autorisant les syndicats professionnels. Le maçon rigoureux de la France des professeurs et des instituteurs, qui a trimé pour gagner à la République "la grande démocratie rurale", doit être pris d’ivresse en voyant flotter le drapeau tricolore sur la ferme du toit : il glisse dans l’immeuble en chantier la bombe à long feu du syndicalisme...