La Marne fait appel, à grands frais d’ailleurs, à cause du nombre impressionnant des plaideurs de l’Aube. La Cour d’Appel de Paris confirme dans l’ensemble les jugements qui lui sont déférés.
Dans l’ensemble seulement, car cinq communes, lasses de plaider, renoncent à se présenter devant la Cour, et car, très curieusement, sept autres se voient entre toutes interdire à Paris l’appellation de "Champagne" qui leur avait été accordée à Bar-sur-Seine. Humeur de magistrat, paresse d’avocat, ou aumône aux Marnais vaincus ? On ne sait. L’injustice est patente, mais c’est comme ça. Et la Cour de Cassation, toutes hermines dehors, bénit par des arrêts des 26 et 27 mai 1925, ces décisions sans ordre qui élargissent la Champagne viticole à toutes les communes de l’arrondissement de Bar-sur-Aube, et à celles de Bertignolles, Celles-sur-Ource, Chernay, Courteron, Essoyes, Neuville, Channes, Beauvoir, Bagneux et Les Riceys dans l’arrondissement de Bar-sur-Seine.
Personne n’est content, mais tout le monde est à bout. La sagesse d’un parlementaire du terroir, émule d’Aristide Briand, va au devant de la lassitude générale : "Evoquons, entre viticulteurs, l’esprit de Locarno !" Et l’on trouve enfin à faire la paix autour d’un arbitrage parlementaire qui va devenir la loi du 22 juillet 1927. Le Syndicat du Commerce qui est un vieux briscard des prétoires, a compris que l’heure était venue de réconcilier les plaideurs de la délimitation judiciaire pour mobiliser les énergies de tous au service de la prospérité de tous. Et la perspective d’une vraie paix remet ces Messieurs en selle qui voient en elle l’occasion de pousser adroitement les pions du Champagne de qualité. La loi de 1927, qui entérine l’accord de tous est marquée de leur patte.
Tout d’abord, le texte nouveau répare une omission de la loi de 1919 qui avait négligé de consacrer l’exigence conquise en justice par les Maisons avant la guerre que le Champagne soit élaboré en Champagne même. Les vins du domaine que l’Allemagne avait tendance à aspirer et à "champagniser" chez elle, pour arroser sa défaite probablement, resteront au château. Mais surtout, la loi nouvelle impose l’unité d’encépagement à laquelle l’Aube consent, avec une période de transition, bien entendu. C’est la contrepartie de l’acceptation de bonne grâce par les Marnais de l’entrée au château des nouveaux que les tribunaux viennent l’installer. En 1934, les Maisons paraferont l’ouvrage en obtenant une loi interdisant complètement l’élaboration de mousseux dans les limites de la Champagne viticole.
Et comme l’heure est à la réconciliation, on y invite les cinq malheureuses communes qui ont fait des économies d’avocat et même les sept perdantes, celles qui ont inexplicablement déplu à la Cour d’Appel de Paris. On sait avoir le geste, en Champagne ! Le Syndicat de Grandes Marques embrasse larges ailes tous les vignerons d’une Champagne réconciliés et heureux. Sauf l’obscurantisme de la prohibition qui règne sur la malheureuse terre de mission des Etats-Unis, le monde entier peut compter sur les grands Champagnes que la Champagne viticole va lui soigner !