UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Qui t’as fait roi ?

La victoire à l’Aube

La loi du 6 mai 1919 commence par clore le débat d’avant-guerre en vissant une bonne fois les rebelles judiciaires de Saumur ou d’ailleurs :

Les appellations d’origine des produits vinicoles ne pourront jamais être considérées comme présentant un caractère générique et tombées dans le domaine public.

Puis elle ouvre le débat nouveau en déférant les contestations sur l’origine des vins aux tribunaux civils du lieu des appellations concernées. Et elle ordonne aux juges d’apprécier chaque cas d’espèce d’après la provenance proprement dite du vin, bien sûr, mais aussi en fonction "des usages locaux, loyaux et constants". L’Aube a bien enfin son échelle. Elle l’a échappé belle... Et la joute reprend dans les prétoires où sont remises en cause les délimitations réglementaires de 1900 et 1911. Les mêmes arguments habillent les mêmes intérêts : seulement le décideur n’est plus un Ministre, mais un Tribunal. L’affrontement vieilli et mis en forme juridique devient une épure : pour certains Marnais, les "usages locaux" ne peuvent que restreindre la région géographique d’origine ; pour les Aubois au contraire, ces usages ne peuvent que l’élargir. Le Tribunal Civil de Bar-sur-Aube se dégage avec infiniment d’adresse de l’enfer de cette pureté conflictuelle. Les 25 février et 11 mars 1921, il juge que la terre immobile commande bien l’appellation d’origine, mais que les usages que l’on fait courir dessus peuvent confirmer ou reprendre, élargir ou restreindre, l’évidence terrienne. Et il décide, comme en passant, que rien ne prouve que l’Aube viticole ait jamais perdu l’habitude de se considérer comme la Champagne, ni qu’elle ait jamais pris celle de s’accepter comme une sous-Champagne. C’est un assez joli "au château les gars !". Le Tribunal de Bar-sur-Seine, moins en forme lui, prend le ler juillet 1921, un jugement de même sens, mais plus carré : l’Aube ayant été la banlieue en somme de la capitale de la province disparue, son vin a droit au nom de la Champagne, un point c’est tout. Peu importent les subtilités juridiques d’ailleurs : l’essentiel est que tous les plaideurs ravis ont obtenu le droit de rejoindre tous les plaideurs furieux à l’intérieur d’un Château où, dans une ambiance sans chaleur, il faut se serrer un peu.