UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Cathédrale Notre Dame de Reims

Les martyres de la guerre - 1914-1918

Notre-Dame fut atteinte par les premiers obus allemands le vendredi 18 septembre 1914. Le samedi 19, vers quinze heures, le feu prit à l’échafaudage en bois de la tour nord. Les pompiers débordés par les multiples incendies dans la ville et privés d’eau par l’éclatement des conduites, ne purent intervenir efficacement. Le feu pénétra dans la nef par la grande rose, brisée sous l’effet de la chaleur, et se propagea à la paille, entassée contre les portails latéraux en vue de recevoir les blessés ... allemands.

Un deuxième foyer d’incendie se déclara à l’abside et deux autres encore sur le toit de la nef embrasant la grande charpente en chêne du XVe siècle. L’incendie se propagea alors à l’ensemble de l’édifice sans que rien ne puisse l’arrêter. 400 tonnes de plomb en fusion de la toiture s’échappent des gargouilles. Les 2 430 stères de bois de la charpente partent en fumée. Le clocher à l’ange est totalement détruit. La pierre éclate sous l’effet de la chaleur, nombre de statues sont mutilées ou détruites, certaines s’effondrent. Le martyre de la cathédrale dura encore quatre ans, durant lesquels elle fut frappée par près de 300 obus, la ville quant à elle en reçut 15 000 et fut entièrement détruite.

En 1917, des obus de gros calibre percèrent la voûte en cinq points. La
consolidation d’urgence, par les soldats du génie, du pilier sud-est de la croisée du transept, évite l’effondrement de la partie supérieure de l’édifice.

Ils n’ont fait que la rendre un peu plus immortelle
L’œuvre ne périt pas, que mutile un gredin
Demande à Phidias et demande à Rodin
Si devant ses morceaux, on ne dit plus : "C’est Elle !"

La forteresse meurt si on la démantèle
Mais le temps, brisé, vit plus noble ; et soudain
Les yeux, se souvenant du toit avec dédain,
Préfèrent voir le ciel dans la pierre en dentelle.

Rendons grâce - attendu qu’il nous manquait encor
D’avoir ce qu’ont les Grecs sur la colline d’or :
Le symbole du beau consacré par l’insulte !-

Rendons grâce aux pointeurs du stupide canon
Puisque de leur adresse allemande il résulte
Une honte pour eux, pour nous un Parthénon !

Edmond Rostand

Malgré le souhait de certains de conserver la cathédrale dans la tragique grandeur des ses ruines, la reconstruction fut entreprise sous la conduite de l’architecte Henri Deneux, avec l’aide de généreux donateurs, en particulier de Fondations américaines (Carnégie, Ford, Rockfeller).

La reconstruction

La première guerre mondiale a bien failli être fatale à l’architecture comme à la sculpture. Henri Deneux,qui a dirigé les travaux de reconstruction - car c’est bien ainsi qu’il faut appeler certaines des restaurations menées entre 1918 et 1937 - a dû parfois refaire si complètement certaines parties du monument qu’on peut les considérer comme des copies. Pour autant que l’on puisse en juger d’après les photographies anciennes, ses restitutions semblent être strictement fidèles. Il en va de même pour la sculpture.

Peter Kurmann

Succédant à l’architecte Max Sainsaulieu, Henri Deneux, "véritable sauveur de la cathédrale", fut nommé en 1915, architecte en chef de la cathédrale de Reims.

De 1919 à 1921, on classa et inventoria les débris avant de reconstituer statues et chapiteaux ; les murs et voûtes sont réparés, les contreforts et arcs-boutants consolidés....

En 1924-1926, l’architecte reconstitue la charpente de la cathédrale en éléments de ciment armé, assemblés et démontables, procédé qu’il appliqua au préalable à la charpente de l’église Saint-Jacques de Reims en 1920-1921. Il couvre de plomb la toiture et rétablit sur la crête les fleurs de lys qui, à la Révolution avaient été supprimées. Le clocher à l’ange et le carillon sont fidèlement reconstitués.

La galerie haute de la nef est remontée sous sa forme première. Les vitraux recomposés scrupuleusement par le maître-verrier Jacques Simon, grâce à des calques exécutés jadis par son père, regagnent leur place dans les fenêtres hautes.

Des fouilles archéologiques, entre 1919 et 1930, sous le dallage du XVIIIe siècle, mettent à jour des vestiges des fondations des édifices antérieurs, au milieu de constructions romaines qui invitent à conclure à la présence jadis de thermes.

Henri Deneux put ainsi établir un plan de la première cathédrale attribuée à Saint-Nicaise et de la cathédrale d’Ebbon. La fouille a amené la découverte de toute la série de caveaux et tombeaux des archevêques inhumés dans le chœur de la cathédrale carolingienne. Le dallage avait été surélevé par les débris du jubé édifié en 1417 par Collard de Givry et démoli en 1744 ; de nombreux fragments authentifiés par les dessins de Jacques Cellier de 1580, ont été retrouvés, ils sont conservés au Palais du Tau.

La cathédrale fut partiellement rendue au culte en 1927 et reconsacrée le 18 octobre 1937, par le cardinal Suhard. En parallèle à la restauration de la cathédrale, Henri Deneux veilla à la reconstruction des églises Saint-Remi et Saint-Jacques. L’ensemble de ses travaux lui valurent d’être promu chevalier de la Légion d’honneur, puis officier en 1927.