UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

Les différentes variétés de champagne

Il existe divers types de champagne. Ils sont présentés ci-après, étant entendu que plusieurs particularités peuvent se cumuler dans un même champagne, comme par exemple dans un crémant blanc de blancs 1973.

1. LE CHAMPAGNE SANS ANNÉE

Appelé aussi le sans année ou, par opposition au millésimé, le non millésimé (non-vintage en pays anglo-saxons), le champagne sans année est celui dont on vient de voir se dérouler l’élaboration. Bénéficiant de tous les assemblages, constituant le volume le plus important de la production, il est le plus satisfaisant pour l’amateur attaché à la tradition et soucieux de la continuité dans la qualité. C’est lui qui est le plus représentatif de la marque dont il porte l’étiquette. C’est sur son brut non millésimé qu’un Champenois juge une maison de champagne, peut-on lire dans un dépliant d’une grande marque, et il est important de comprendre que, contrairement à ce que croient bien des gens mal informés, c’est le champagne non millésimé qui représente essentiellement le savoir-faire champenois. C’est celui dont le producteur est le plus fier, car il est le témoignage permanent du style et de la qualité constante de sa marque.

2. LE CHAMPAGNE MILLÉSIMÉ

Le champagne millésimé (vintage en pays anglo-saxons) est celui pour lequel n’a pas été pratiqué le mélange des années. Il est constitué avec de grands vins, bien équilibrés, issus d’une même récolte ayant bénéficié de conditions de maturation exceptionnelles, et dont il est intéressant, pour une partie d’entre eux, de conserver le caractère et de le faire connaître au public. Son intérêt réside dans le fait que deux millésimes ne sont jamais identiques car les données climatiques, même dans l’excellence, sont éminemment variables.
A fortiori, ces heureux résultats, on l’a souvent constaté au cours de cet ouvrage, ne peuvent se retrouver chaque année. Le millésime n’est donc pas la règle, ce en quoi le champagne diffère des autres vins à appellation d’origine contrôlée qui, pour la plupart, portent sur leurs bouteilles l’indication de l’année de la récolte dont ils sont issus, même si celle-ci est de qualité notoirement insuffisante, comme celle d’un millésime d’un des plus grands crus de France que la Revue du vin de France d’avril 1978 notait : mince et léger, garde souvent en finale une petite pointe herbacée, acide.
On a vu au chapitre 6 la réglementation qui s’applique à la production du champagne millésimé. On peut préciser ici, avec le Vigneron champenois de novembre 1981, qu’il faut bien entendu que le millésime corresponde à 100 % de pureté, c’est-à-dire que le vin doit être issu à 100 % de l’année pour laquelle on a revendiqué le millésime ; l’incorporation des vins de réserve dans les cuvées ne peut se justifier que pour les vins sans année. Dans bien des pays vinicoles, en Australie notamment, cette règle n’existe pas ; le vin millésimé, assemblage d’années, porte le chiffre de la plus récente.
En ce qui concerne le délai de garde de trois années, beaucoup de producteurs, on l’a vu, font mieux puisqu’ils « sortent » un millésime, en tout cas pour les grandes marques, 5 à 8 ans seulement après l’année des vendanges qui lui ont donné naissance. Chaque producteur décide librement de millésimer ses vins ou de ne pas le faire. Plusieurs facteurs interviennent dans son choix. En premier lieu, bien entendu, le caractère des vins de l’année. En second lieu, surtout si la récolte est peu abondante, la nécessité d’en consacrer suffisamment à sa cuvée non millésimée élaborée la même année, et aux cuvées ultérieures sous forme de vins de réserve qui en rehausseront la qualité. En troisième lieu, l’opportunité économique de mettre ou de ne pas mettre sur le marché un nouveau millésime, compte tenu de l’état de ses stocks ou lorsqu’il se trouve en présence d’années successives susceptibles d’être millésimés, comme ce fut le cas par exemple en 1969, 1970 et 1971, une des trois années, tantôt l’une, tantôt l’autre, n’ayant pas été millésimée par certains producteurs.
Ni l’Administration ni le C.I.V.C. n’interviennent pour conférer le millésime à telle ou telle année. On constate seulement que le plus grand nombre des producteurs s’accordent sur les mêmes années, dont les caractères analytiques et organoleptiques ont d’ailleurs généralement permis aux services techniques de l’interprofession d’estimer, une fois les vins faits, qu’elles devraient pouvoir donner matière à millésime. On note aussi une augmentation de la fréquence des années millésimées, ce qui s’explique par l’amélioration des méthodes culturales, les progrès faits dans la lutte contre les maladies et parasites, l’adoption de meilleures techniques de vinification.
Il est significatif que l’on n’attache pas en Champagne la même importance aux millésimes qu’en Bordelais ou en Bourgogne, où les prix peuvent aller du simple au double selon les caractéristiques des années considérées. Ceux des champagnes millésimés varient peu entre eux. Ils se vendent un peu plus cher en raison de leur caractère d’exception et de la garantie de qualité que leur donnent le choix des vins d’une bonne année et un vieillissement prolongé, mais leurs prix ne sont pas considérablement plus élevés que ceux des non millésimés, ce qui serait illogique puisque, comme le note C. Lécluselle dans le numéro de mai 1978 de la Revue vinicole internationale, le brut sans année est après tout normalement le nec plus ultra n matière de champagne.

3. LE CHAMPAGNE BLANC DE BLANCS ET LE CHAMPAGNE BLANC DE NOIRS

On sait que l’on appelle champagne blanc de blancs, parfois blanc de Chardonnay, celui qui est issu exclusivement du Chardonnay et qui se trouve être de ce fait un vin blanc provenant de raisins blancs. On a vu que cette dénomination, si elle est maintenant utilisée dans bien d’autres vignobles, a pris naissance en Champagne. Ce n’est que dans cette province en effet que l’on faisait des vins blancs avec des raisins noirs, ce qui obligeait à distinguer ceux qui, par exception, provenaient de raisins blancs. L’expression n’y a cependant été utilisée que tardivement6, entre 1930 et 1940, quand est devenue systématique la production du champagne blanc de blancs par suite du développement de la manipulation dans la Côte des Blancs, alors que simultanément le goût des consommateurs s’orientait vers un vin frais et peu corsé et que les progrès de la vinification permettaient de résoudre les problèmes de remuage longtemps posés par ce type de vin. Le champagne blanc de blancs est fin, délicat, nerveux et en général d’une grande élégance.
A l’opposé on trouve le blanc de noirs, qui a beaucoup de corps. La dénomination existe, au même titre que pour le blanc de blancs, mais elle est rarement employée dans la commercialisation.

4. LE CHAMPAGNE ROSÉ

L’histoire du champagne rosé, pour lequel on a vu resurgir à la fin des années soixante-dix l’expression œil-de-perdrix, peu usitée, a été relatée aux chapitres 4 et 5 et sa réglementation a été exposée au chapitre 6. On rappellera ici que deux méthodes sont autorisées, vinification en rosé avec foulage des baies et soutirage dès que la teinte souhaitée est atteinte d’une part, coupage des vins blancs au stade de la cuvée par 10 à 20 % de vins rouges A.O.C. Champagne soumis à réglementation particulière d’autre part. Dans les autres vignobles, le coupage est interdit pour l’élaboration du rosé ; il est logique qu’il soit, par exception, autorisé en Champagne où on a toujours pratiqué les coupages pour faire le vin blanc effervescent. La seconde méthode offre seule la possibilité, sans que ce soit une obligation, d’utiliser des vins de Chardonnay pour l’assemblage, ce qui permet de donner plus de finesse aux champagnes rosés. Elle est en tout cas la plus aisée et, de ce fait, la plus employée. L’élaboration du champagne rosé présente cependant toujours des difficultés, ce qui justifie son prix plus élevé, d’autant qu’il est souvent millésimé.
Le champagne rosé, d’un aspect plaisant, est souvent très bon. Curieusement cependant, il a rarement la faveur des producteurs qui lui reprochent de s’écarter par excès de souplesse du champagne de type classique. Comme l’a écrit Pamela Vandyke Price, un beau millésimé rosé peut être excellent, mais c’est le vin d’or et d’argent qui est pour les Champenois la gloire réelle de leur région [1] et Patrick Forbes a même été jusqu’à noter que le champagne rosé est considéré en Champagne comme une « question délicate » qu’il vaut mieux éluder [2] . Il faut rappeler que l’on ne peut faire de champagne rouge, car il ne rentrerait pas dans la catégorie des champagnes consacrés par les usages constants.

5. LES CUVÉES SPÉCIALES

L’histoire des cuvées spéciales a été relatée au chapitre 5. Leur élaboration n’étant soumise à aucune réglementation particulière, elles ne se distinguent des cuvées traditionnelles que par une exigence accrue de qualité portant essentiellement sur le choix des cépages et des crus, sur la durée du vieillissement. Elles peuvent être millésimées ou non, quelques marques faisant de tous leurs millésimés des cuvées spéciales ; certaines sont préparées en rosé et toutes les combinaisons sont possibles. Il en est qui sont constituées par des vins anciens, des millésimes rares, mis sur le marché après 10, 20, 30, 40 ans d’âge, parfois sous la rubrique récemment dégorgés7 dégorgés à la commande ou à la demande, mais toujours vieillis sur lies.
La cuvée spéciale est le fleuron de la marque. Afin que l’excellence en soit soulignée, elle reçoit un nom prestigieux et évocateur et elle est logée dans des contenants, bouteilles ou magnums, se distinguant des modèles traditionnels par la forme, qui retrouve parfois avec bonheur celle des flacons du XVIIIe siècle, par la matière, qui peut être du verre dépoli, satiné ou taillé à facettes, par des motifs reproduits en relief ou en sérigraphie, par la couleur ou l’absence de coloration, par une bague ou une pastille personnalisée, plusieurs de ces caractéristiques pouvant se trouver réunies. La cuvée spéciale peut avoir le caractère organoleptique habituel de la marque, ou au contraire s’en écarter délibérément par modification des données traditionnelles de la cuvée de la maison. Parfois, et c’est une manière de paradoxe, elle est tellement typée par son nom et par les particularités de sa bouteille qu’elle devient une entité que le public ne relie pas toujours à la marque.
Les cuvées spéciales ne sont le fait que de certaines maisons de champagne et de quelques vignerons. Elles sont nécessairement produites en faible quantité, sous peine de faire naître des doutes sur la qualité des champagnes traditionnels. Comme l’a écrit à leur sujet Colin Parnell dans Decanter Magazine (juillet 1978) : Si les champagnes de luxe sont faits avec les meilleures grappes, et si leurs ventes augmentaient, cela signifierait probablement qu’il y a moins de ces bonnes grappes dans le champagne normal.

6. LE CHAMPAGNE BIOLOGIQUE

Il existe une petite production de champagne biologique, tout à fait marginale. Il s’agit d’un champagne élaboré en principe avec des techniques limitant au maximum l’emploi des produits du codex œnologique. Ce type de champagne ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière pour ses procédés d’élaboration, et pas davantage d’ailleurs pour sa dénomination. Il est donc contrôlé pour tout ce qui concerne la réglementation de l’appellation d’origine contrôlée champagne, mais pas pour son caractère biologique.

7. LE CHAMPAGNE CASHER

Le champagne casher est produit selon les règles de la religion juive, c’est-à-dire à partir de raisins pressurés et de vins manutentionnés exclusivement par des rabbins ou par du personnel de religion juive accrédité par eux.

Notes

[1VANDYKE PRICE (Pamela). Guide to the wines of Champagne. Londres, 1979

[2FORBES (Patrick).Champagne, the wine, the land and the people. Londres, 1967