UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

La vigne – Les vins fins non mousseaux – Les vignerons

Le rôle du négoce est déterminant pour le succès du champagne au XIXe siècle, mais son activité dépend étroitement de celle des vignerons qui, par leur travail et les soins qu’ils donnent à la vigne, fournissent le commerce en raisins et vins de qualité.

LA VIGNE EN FOULE ET SA CULTURE

La vigne est alors cultivée en Champagne selon des méthodes traditionnelles, qui remontent au Haut Moyen-Âge si on en juge par la description des vignes donnée par le Polyptique de l’Abbaye de Saint-Rémi. Elles restent inchangées tout au long du XIXe siècle et on les retrouve identiques à elles-mêmes sous la plume de Maupin [1] en 1799, de Guyot [2] en 1868, de Moreau-Bérillon [3] évoquant en 1922 les procédés de culture en usage en 1900.

Dans beaucoup de vignobles de France, à l’époque, la vigne a le même aspect qu’aujourd’hui, caractérisé par des rangées régulières de ceps, palissés ou non. Mais cette vigne en lignes ne se trouve en Champagne qu’aux environs de Sézanne, dans l’arrondissement de Vitry-le-François et dans le nord de celui de Reims. Dans le reste de la province, comme d’ailleurs en Bourgogne (sauf dans la région de Chablis) et dans le Jura, la vigne en foule 25 présente avec ses ceps en désordre une apparence très particulière, déroutante pour qui est accoutumé aux vignobles dont les lignes sont tirées au cordeau. En réalité, pour établir la vigne en foule on plante en rangs réguliers espacés de 0,80 m à 1 m (selon la tradition, on arrose avec du champagne le dernier cep planté) mais ensuite on pratique deux opérations qui vont détruire petit à petit cette belle ordonnance, le provignage et l’assiselage.

Le provignage a pour objet de combler un vide ou d’augmenter sur une surface donnée le nombre de souches.

Le provignage est fait en même temps que le bêchage ou aussitôt après avril et mai ;
il a pour but de remplacer les ceps manquants. A l’aide du crochet et du hoyau, le vigneron couche le cep voisin
en laissant hors du sol trois yeux sur chaque bras, met de l’engrais, recouvre de terre et tasse au pied.

On choisit sur un cep vigoureux un jeune brin (gaule) pour servir de provin26. On creuse devant le cep une saignée, la fossette, que l’on garnit de terre, et de fumier transporté dans un panier à provigner ou dans une hotte. On y enterre le provin, toujours attaché à sa souche mère qui continuera à le nourrir, après l’avoir courbé et en le maintenant dans le fond de la fosse avec un crochet à provigner. Seule est à l’air libre l’extrémité du provin, taillée à trois yeux27 ; il va prendre racine et former ainsi un nouveau cep que l’on peut, soit conserver attaché au maître cep pour garnir le voisinage, soit transplanter après avoir coupé sous les racines. On opère généralement avec deux ou trois brins, provenant d’un seul cep, que l’on dispose dans la même fossette ou que l’on étale dans plusieurs fossettes orientées dans les directions à regarnir.

Comme le fait remarquer en 1894 l’écrivain britannique Thudichum, c’est une méthode de viticulture par rajeunissement continu, qui donne un aspect juvénile au vignoble champenois [4] . Il faut cependant noter que l’âge moyen des ceps est de 30 ans dans la vallée de la Marne et la Montagne de Reims, de 50 ans dans les crus de raisins blancs [5], et qu’il n’est pas rare de trouver des ceps centenaires.

Bien qu’à l’échelle de la vigne le provignage soit pratiqué chaque année, il demeure néanmoins un procédé adapté à un besoin particulier. Tout au contraire l’assiselage, mot d’usage local, est une opération de routine qui s’inscrit dans les techniques de culture de la vigne champenoise, dont il constitue une des phases, la bêcherie.

À partir de la deuxième année, ou plus souvent de la troisième à chaque printemps, on décule le cep, autrement dit on le dégage sur une vingtaine de centimètres, puis on le couche et on enterre le vieux bois jusqu’au collet, en ne laissant sortir que le sarment qui a porté la récolte de l’année précédente, taillé à trois ou quatre yeux. On obtient ainsi, tout en aérant le sol, un chevelu abondant formé de jeunes radicelles qui prennent en tous sens et dans un terrain nouveau la nourriture nécessaire . Si on couche le cep latéralement, on écarte, si on le couche dans le sens du bois, ce qui est plus fréquent, on avance. Les souches champenoises vont toujours ainsi rampant vers le haut de la vigne ; tous les 4 ou 5 ans on replante une ou deux rangées dans le bas de la vigne pour remplacer celles qui ont atteint le sommet. Lorsque la culée (partie la plus basse de la vigne) est vide, on la replante. Lorsqu’un cep du chevet (partie la plus haute de la vigne) traverse une sente séparant deux propriétés, il est d’usage de l’abandonner au voisin.

La vigne se trouve plus rapidement en foule dans la vallée de la Marne, où elle est plantée en quinconce, que dans la Montagne de Reims où elle est établie en lignes parallèles. Mais, lorsque provignage et assiselage ont été pratiqués pendant plusieurs années, le vignoble est partout tout en foule et porte jusqu’à 50 000 pieds à l’hectare.

Les travaux de la vigne en Champagne s’appelle les roies. En voici le cycle, par ordre chronologique :

De janvier à mars, la taillerie ; le pouce protégé par le dizi, étui en bois qui sert également d’appui pour la coupe des sarments, avec la serpette on laisse deux sarments dans la partie haute du cep, chacun taillé à 3, 4 ou 5 yeux. On taille, traditionnellement, à partir du 22 janvier, fête de Saint-Vincent, patron des vignerons. Ce jour-là le vigneron se rend de bon matin dans sa vigne et y taille symboliquement un cep. Il écoute la sève et rapporte chez lui un sarment qui donnera, par sa végétation ultérieure, une indication sur la future montre).

De mars à avril, pour effectuer l’assiselage, la bêcherie (ou houerie ou piochage). Urbain et Jouron écrivent à son sujet : C’est le travail le plus important de notre genre de culture, travail que nous ne retrouvons dans aucun autre vignoble renommé de France . On se sert d’un hoyau à bécher (croc, sarcle ou moine) et d’un crochet en fer pour maintenir le cep. La bêcherie est coûteuse car un homme ne peut faire par jour que 2 ou 3 ares.

De mars à mai, la provignerie (ou provignage), dont il a été également question et qui se fait souvent en même temps que la bêcherie.

En avril et mai, lorsque la bêcherie est terminée, la ficherie (ou fichage appelée aussi piquage dans la vallée de la Marne), qui consiste à ficher (ou piquer) en terre un échalas, le bâton, de 1 m à 1,15 m de long, fait de châtaigner ou de cœur de chêne pour les meilleurs, d’acacia ou de sapin. Les échalas représentent une grosse dépense dans un vignoble où il en faut parfois 50 000 à l’hectare pour échalasser autrement dit en garnir la vigne. Nicolas Bidet écrivait déjà en 1752 : Cette dépense excessive absorbe une bonne partie du revenu des vignes [6] . Pour le dur travail de la ficherie on utilise la main, la poitrine, le pied ou une combinaison des trois, avec comme accessoires le maillet, la manique 28 de cuir épais et rigide, le fichoir (ou planchot, ou planche à ficher), sorte de plastron pour la poitrine fait de bois recouvert de la même matière, avec une dépression en son centre pour fixer l’échalas en l’enfonçant avec le haut du corps, la clef-ficheuse attachée à la semelle du vigneron, sorte d’étrier muni d’un crochet.

En mai et juin, au fur et à mesure que le fichage s’exécute et que la végétation se développe, la lierie (ou liage, ou liure, ou lieson, ou liaison), qui a pour objet l’attachage des sarments à l’échalas. Elle s’effectue au moyen de paille de seigle émondée, vendue en bottes, les glus (ou gluis), divisées pour l’emploi en peignées ou torchettes maintenues humides dans une toile appelée pailleron ; les torchettes, d’une longueur d’environ 40 cm, sont passées dans la ceinture du vigneron, qui attache la tige à l’échalas en tordant deux brins de paille qui constituent une sorte d’oeillet appelé marionnette (ou monette, ou liasse, ou piaulette).

De juin à août, la rognerie (ou rognage), anciennement la rognure, opération ayant pour but de rechercher la concentration de la sève dans la partie utile du cep, en rognant l’extrémité des sarments à environ 70 cm du sol. On effectue aussi des ébroutages en élaguant les pousses les plus faibles. Chacune de ces opérations se fait à la main et, pour le rognage, deux fois dans l’été.

En novembre et décembre, l’acherie (ou hachage) qui consiste à déficher (ou dépiquer) les échalas et à les grouper, soit la pointe en bas, en tas de forme conique appelés moyères, soit horizontalement sur des chevalets, les uns ou les autres répartis dans les vignes à raison d’une unité pour 1 ou 2 ares. Il faut, pendant l’hiver, entretenir les échalas, c’est-à-dire les aiguiser, les désinfecter, par ébouillantage notamment, et remplacer ceux qui ne sont plus utilisables.

Dans ce cycle s’insère une roie qui se répète trois fois dans l’année, la raclerie (ou raclage), anciennement sarclure, qui tient du sarclage et du labour à bras et qui a pour but de détruire les mauvaises herbes ; on exécute la première avec un petit hoyau (rouale ou roâle), et les autres avec une petite binette (raclette ou sarcle) ou même à la main pour arracher les racines des chardons. On profite de la troisième raclerie pour creuser autour des ceps afin de dégager les grappes qui pourraient traîner sur le sol. À la raclerie est parfois associé le balayage, nettoyage effectué avec un balai de bouleau.

En hiver, on répand de la terre sur la vigne, pour rajeunir le sol, opération que Nicolas Bidet appelait la terrure ; on apporte aussi de l’engrais mais, selon une tradition champenoise établie de longue date, toujours en petite quantité pour ne pas nuire à la qualité des raisins. On lit dans la Méthode de Maupin qu’en Champagne on apporte peu de terre pour ne pas dénaturer les vignes et ôter la finesse au vin, tous les 12 ans en sol léger et tous les 15 ans en sol plus nourrissant. Et pour les engrais, Mennesson explique que dans les meilleurs vignobles les vignes ne se fument presque jamais ; on redoute la trop féconde influence de ces fumiers qui ont détruit la réfutation des vins les plus renommés [7]. Ces textes datent du tout début du XIXe siècle et il est certain que les vignerons sont amenés à enrichir petit à petit leurs vignes pour pouvoir mieux répondre à la demande, mais en restant toujours dans des limites raisonnables.

Dans le vignoble champenois, on a l’habitude de préparer à l’avance le mélange terre-engrais. À cet effet, on établit un magasin qu’Urbain et Jouron définissent comme un dépôt d’engrais formé partie de bon fumier de bêtes à cornes, partie de terre vierge de montagne, que l’on superpose par couches régulières en y mélangeant, suivant la nature du sol où ils doivent être employés, soit de la terre sableuse, soit de la craie, soit de la terre cendreuse et sulfureuse, l’Enquête sur la vigne de 1883 mettant cependant en garde contre l’emploi abusif de la cendre sulfureuse car elle a l’inconvénient d’affecter désagréablement le goût du vin. Fréquemment, pour les magasins établis en automne, on ajoute le résidu des aignes 29 cuites.

Les apports de terre et d’engrais se font parfois avec les mulets ou les ânes, avec des bâts à fonds mobiles, mais le plus souvent à dos d’homme, avec des hottes en osier ou en bois. La tâche est rude en raison du poids à transporter. On installe dans les vignes des porte-hottes en bois, sorte de plates-formes sur lesquelles le vigneron fait reposer le bas de la hotte pour pouvoir la poser plus facilement. D’une manière générale, tous les travaux de la vigne en foule sont pénibles et ne bénéficient la plupart du temps d’aucune aide, animale ou mécanique. Les animaux de trait ne sont utilisés que pour le transport. En 1865, pour les 18 000 hectares du vignoble marnais, on recense seulement 1 000 chevaux, 297 mulets et 9 552 ânes [8]. L’homme ou la femme, voire l’enfant, se trouve souvent dans une position fatigante, rendue encore plus incommode depuis avril jusqu’à novembre par l’enchevêtrement des échalas qui tient de la forêt vierge lorsque la végétation s’est développée, ce qui fera dire à un vieux vigneron évoquant l’ancien temps : « On se tortillait là-dedans comme des serpents ».

Avec des pantalons en velours côtelé ou en toile, parfois le tablier appelé devantiot, les hommes sont relativement bien équipés pour affronter les pentes boueuses des galipes 30. Les femmes sont par contre bien mal partagées, avec leur large et longue jupe dont elles s’efforcent de diminuer le volume en nouant étroitement sur les jarrets le cordon de leur tablier, la bavette, ou qu’elles arrangent à grand renfort d’épingles doubles en jupe-culotte, terme déjà employé à l’époque dans le vignoble champenois. Le seul article pratique de leur garde-robe viticole est le bagnolet, connu aussi comme le bavolet ou la capote, sorte de capeline en cotonnade imprimée, à grands bords souples, avançant sur le devant de la tête et couvrant les épaules, offrant une excellente protection contre les intempéries ; le bagnolet s’appelle dans l’Aube la capeline ou encore la quichnote 31.

Les femmes font des travaux très durs. Cavoleau écrit en 1806 que leur condition n’est guère plus douce que celle des hommes... ce sont de vrais athlètes pour la force et pour le courage [9]. Voici ce que l’on peut lire à ce sujet dans Le Calendrier du vigneron champenois, publié en 1877 : Autrefois les femmes seules fichaient... La ficheuse plaçait le haut bout du bâton dans le talon du plastron qu’elle portait sur la poitrine et elle appuyait dessus de tout le poids de son corps afin de faire entrer le bâton dans la terre. Cette monstrueuse besogne faisait refluer les seins vers le cou, ébréchait parfois la peau et brisait la poitrine [10]. Par contre, la taillerie, pourtant moins fatigante, était réservée aux hommes ; un préjugé très ancien ne reconnaissait pas à la femme l’intelligence suffisante pour tailler la vigne

On est aux vignes toute la journée. Afin d’éviter que des rôdeurs n’y causent des dégâts durant la nuit, la municipalité d’Épernay arrête qu’il est fait très expresse défense à tous les vignerons d’aller aux champs avant le soleil levé et d’y rester après son coucher et que pour qu’aucun ne puisse prétexter de l’ignorance de l’ouverture ou de la cessation des travaux, le moment en sera annoncé le matin et le soir au son de la cloche (A 34). De toute façon le vigneron se lève de bonne heure ; la besogne sera rude et avant de partir il se leste l’estomac avec des cosses, sorte de grosses fèves qui lui valent le surnom de cossier, et il n’oublie pas de mettre son barillet de vin dans la hotte qui sert à transporter ses outils et éventuellement son déjeuner.

Les roies requièrent un travail manuel considérable et l’on fait appel à des ouvriers nombreux, qualifiés, encore que l’on se plaigne qu’ils ne vaillent pas ceux du siècle précédent et que dès 1806 Mennesson constate que les vignerons-manouvriers sont devenus plus exigeans dans le prix de leurs façons et moins soigneux dans l’emploi de leurs journées. On les recrute à la louée de Damery, doublée à la fin du siècle par celle d’Épernay. Ce sont généralement des tâcherons, engagés pour la bêcherie ou l’ensemble des roies, sauf la provignerie et les travaux d’hiver qui incombent au propriétaire et à sa famille. Dans la deuxième moitié du siècle, cependant, la journée a presque partout remplacé la tâche. Les ouvriers à la journée gagnent de 3 à 5 francs par jour, soit l’équivalent du prix d’une bouteille à une bouteille et demie de champagne ; ils ne sont pas nourris mais il est d’usage de leur donner chaque matin, avant leur départ pour les vignes, la goutte d’eau-de-vie de marc, affreuse boisson qui jouit pourtant parmi eux d’une grande faveur. Pour la bêcherie, qui dure environ deux mois, on donne 180 francs à l’arpent, soit par hectare cent fois la valeur d’une bouteille de champagne, et l’ouvrier reçoit en outre 18 bouteilles de vin. À l’approche du XXe siècle, les propriétaires commencent à prendre des personnels au mois, logés et nourris, et même à l’année mais, dans ce cas, ni logés, ni nourris. Peu avant la première guerre mondiale les ouvriers vignerons estimeront qu’ils ont plus belle vie que le maître vigneron, étant sans crainte pour leur salaire alors que ce dernier, une année il gagne, une année il perd [11].

Il est vrai que si l’ouvrier vigneron est relativement sans soucis, le propriétaire, souvent accablé de travail, est en outre perpétuellement en état d’inquiétude du fait des calamités, maladies, parasites qui menacent sa vigne. L’été, il redoute les ouragans, les pluies d’orage qui descendent les terres et ravinent les sentes, les grêlons, dont la grosseur, écrit sur son calepin de notes un vigneron champenois, Louis Ciret, est celle d’une noix en 1861 et d’un œuf de dinde en 1895 ! Au printemps, le gel est toujours le fléau le plus redouté.

Voici à titre d’exemple ce que note pour les années 1872 à 1874 le même vigneron : 1872, tous les vignobles de Champagne ont gelé au printemps, sauf Venteuil ; 1873, une gelée comme en plein hiver, qui fut générale, détruisit la récolte aux 3/4 (25, 26 et 27 avril) ; 1874, la gelée a détruit la montre aux 3/4 ; ainsi du 1er au 22 mai, il a gelé plus ou moins tous les jours.

Pour combattre les gelées printanières on utilise avec un succès très limité des toiles protectrices, vers 1860 des paillassons, abris faits de paille liée au moyen d’une ficelle huilée, à partir des années1870 des fumées artificielles. À noter toutefois que les échalas, lorsqu’ils sont en place, fournissent par leur masse une certaine protection contre le gel.

À ces calamités naturelles s’ajoutent les dégâts, parfois considérables, dus aux insectes, aux maladies cryptogamiques, sans parler des rongeurs, tels les campagnols qui ravagent les vignes en 1873. Parmi les insectes les plus dangereux, il faut citer la pyrale, particulièrement active dans tous les vignobles de France entre 1835 et 1840, le ver-coquin, ou cochylis, dont l’autorité communale prescrit la destruction, la bêche, ou cigarier, ou urbec, le gribouri, ou écrivain, ces deux derniers connus de toute antiquité en Champagne.

Les autorités prescrivent la destruction des ravageurs de la vigne. En 1753 déjà, Henry-Louis de Barberie de Saint-Contest, intendant de Champagne, avait enjoint par ordonnance de détruire les bêches, les contrevenants s’exposant à une amende de vingt livres. La ville d’Épernay prend le 9 prairial an VIII un arrêté contraignant les propriétaires de vignes à détruire les vers-coquins, et l’Almanach du Dt de la Marne pour l’an 1806 rappelle que les maires doivent surveiller l’exécution de la loi du 26 ventôse an IV relative à l’échenillage.

Il faut faire une place à part au phylloxera, puceron certes, mais responsable d’un bouleversement total du vignoble champenois, obligeant à greffer la vigne française sur des porte-greffe américains avec, comme conséquence indirecte, le remplacement de la vigne en foule par la vigne en lignes. Apparu en Champagne en 1890, le phylloxera ne s’y est répandu qu’au début du XXe siècle, il en sera parlé en détail au prochain chapitre.

Pour la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxera, l’on a recours au greffage des vignes françaises sur cépages américains. Et, en vue de la bonne reprise des greffes, celles-ci sont préalablement, avant le passage en pépinières, mises en caisses garnies de mousse mélangée à du poussier de bois. Les caisses sont placées pour la stratification en chambres chaudes à la température de 20°.

Les maladies cryptogamiques sont d’une exceptionnelle gravité. Le vignoble est attaqué par l’oïdium, fléau national, qui apparaît dans la Marne dans les années 1850, et par le mildew, francisé en mildiou, encore plus dangereux. Introduit en Europe en 1869 avec les porte-greffe américains, il envahit presque subitement en 1886 tout le vignoble champenois où il était apparu en 1882 et détruira en grande partie les récoltes de 1907 et 1908. En outre, le pourridié, ou morille, et la pourriture grise sont loin d’être à négliger et amèneront Louis Ciret à noter sur son calepin, pour l’année 1901 : gros orages - pourriture - perte 1/2 récolte, beaucoup de vignes ont resté sans être vendangées 32.

Contre le pourridié et la pourriture grise, on est à peu près désarmé à l’époque. Contre l’oïdium et le mildiou, par contre, on se défend par soufrage et sulfatage, avec des appareils mécaniques à dos qui sont en service à partir de 1890. Il faut traiter dix à quinze fois dans l’année, et on imagine la fatigue du vigneron qui dans un été pluvieux est parfois obligé de passer six semaines à la vigne sans décrocher les bretelles.

Les vignerons mettent sur pied des syndicats de défense pour lutter contre les fléaux qui menacent la vigne. En 1894, par exemple, il se forme à Bouzy un syndicat pour préserver les vignes des gelées printanières par des nuages artificiels au moyen de goudron de gaz. En 1903, le même syndicat, pour lutter contre la pyrale et la cochylis, fera l’acquisition de lampes qu’on allumait tous les soirs pour attirer les papillons sur des plateaux enduits de glu. En 1904 encore, il fera l’acquisition de cloches en tôle galvanisée afin de faire mourir les vers qui sont conservés dans les échalas avec de la fleur de soufre que l’on fait brûler en-dessous  [12] ; il est en effet reconnu que les échalas sont ainsi mieux désinfectés que s’ils sont seulement ébouillantés. Le Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne) mène le même combat et finance un laboratoire viticole créé à Épernay en 1895 par Emile Manceau, qui travaille en liaison avec le laboratoire départemental de Châlons-sur-Marne.

LES VENDANGES - LE PRESSURAGE

C’est dans l’espoir d’une belle vendange que travaille le vigneron, sans toujours obtenir, du fait des intempéries et des ennemis de la vigne, la récompense de ses efforts.

La Champagne, contrairement à la plupart des autres vignobles de France, n’est pas assujettie au ban des vendanges, proclamation officielle de la date du début de la cueillette. Chaque vigneron décide du jour du début des opérations. À l’inverse de ce qui se passait au XVIIIe siècle, au XIXe, tout au moins à partir du moment où on arrive à maîtriser convenablement la mousse, on recherche la maturité complète du raisin donnant la meilleure qualité du vin, et non la verdeur favorisant l’effervescence. Les vendanges se font donc le plus tard possible. Une gelée blanche sur les vignes passe pour excellente [13] et dans son Manuel du vigneron, le comte Odart écrit même : Il faut aux vins de Champagne, quoiqu’il soient secs, une maturité de vendange outre-passée.

Avant de prendre sa décision, le vigneron remet en état son matériel. Dans la Montagne de Reims, où le vigneron ne fait jamais son vin lui-même [14], la tonnellerie n’en fait pas partie. Mais ailleurs on entend dans les villages le bruit des maillets frappant sur les tonneaux que l’on prépare pour la vendange et qui, une fois rhabillés, sont abreuvés pour faire gonfler leur bois et les nettoyer, car ils doivent être parfaitement propres afin d’éviter les goûts de fût. Certains sont neufs, achetés pour la plupart en Argonne pour remplacer ceux qui ont fait leur temps Dans les maisons de champagne, la préparation de la futaille pour la vendange mobilise les tonneliers en grand nombre, une centaine pour certaines d’entre elles. Des gerbeuses de tonneaux et des machines à cercler sont mises en service en 1880. Simultanément, on vérifie tout le petit matériel de vendange. On répare les petits paniers tressés et on arrose les gros paniers, appelés paniers-mannequins ou plus simplement mannequins, si l’osier en est trop sec. La foire d’Épernay, qui se tient à la mi-septembre permet au propriétaire de compléter son matériel.

Les vendangeurs viennent principalement de la Lorraine et de l’Argonne. Les maires des villages font souvent partie de l’expédition et sont les seuls à avoir droit à un lit, avec également la Mère des vendangeurs, femme d’un certain âge respectée de tous, qui accompagne les Lorrains, selon les traditions du compagnonnage [15]. Les autres couchent sur la paille ou le foin, dans des dortoirs dont l’allée centrale sépare les hommes des femmes comme on ne se déshabille pas pour la nuit, la cohabitation mixte ne pose pas trop de problèmes.

On complète quotidiennement les effectifs à une louée locale, ouverte à l’aube sur la place du village par un roulement de tambour. Demain à trois heures du matin écrit Violart, la cloche nous réveillera pour que nous allions à la place de louage. Nous y trouverons des vendangeu ndangeuses [16] . Le prix, pour ces ouvriers de la dernière heure, est fixé à la journée selon la loi de l’offre et de la demande. Il est affiché sur la porte de l’école ou de la mairie, en même temps que les tarifs de location des voitures et des animaux de bât.

Pendant longtemps les vendangeurs ne reçoivent comme nourriture qu’un quart de maroilles33 et un pain, à charge pour eux de compléter leur alimentation par leurs propres moyens. Mais, petit à petit, l’habitude se prend de les nourrir à midi, puis à chaque repas, tout au moins d’une soupe, sorte de potée champenoise simplifiée à l’extrême, d’un morceau de lard et de deux ou trois verres de vin.

Les principes de la vendange restent les mêmes qu’au XVIIIe siècle, puisqu’il s’agit toujours de faire du vin gris. Il faut éviter que le jus ne se tache et le raisin a donc droit à tous les égards.

Dès quatre heures du matin, le son de la cloche vient réveiller les vendangeurs [17]. Ils reçoivent la goutte d’eau de vie de marc et un morceau de pain et ils se rassemblent en équipes appelées hordons ou ordons ou hordes, comprenant les cueilleurs, les porteurs de petits paniers, les porteurs de grands paniers, appelés aussi débardeurs ou coltineurs, et les éplucheuses. Le panier-mannequin peut contenir 80 à 100 kilos de raisin (60 kilos seulement dans la Montagne de Reims) et le petit panier 5 kilos.

Pour procéder à la cueillette, on coupe les raisins avec la serpette ; on utilise à partir de 1860 le sécateur à ressort et à la fin du siècle l’épinette, petit sécateur pointu. On remplit les petits paniers que les porteurs déversent dans un panier-mannequin. Deux débardeurs les transportent à l’épaule jusqu’au chemin, à l’aide d’une civière creuse ou d’une barre de bois, la barre à débarder, que l’on passe dans les anses du panier, ou du bâton à paniers muni de deux crochets servant de supports. Le panier est ensuite chargé sur une voiture à ressorts ou une bête de somme et transporté au pressoir.

On se débarrasse des grappes ou parties de grappe abîmées et on ôte les grains incomplètement mûrs, les maumûrs, qui serviront à faire une boisson grossière. C’est ce que l’on appelle l’épluchage, ou le triage, opération ignorée des autres vignobles de France, qui se fait avec l’outil de coupe, au panier-mannequin ou sur des claies posées sur les paniers [18], lorsque ceux-ci ont déjà été portés au bord de la vigne par les débardeurs ; ces claies, longues et étroites, sont appelées clayettes  [19].

On précise cependant dans une brochure du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne), datant de 1889, que ce procédé est propre à la Montagne de Reims et que cela est dû au mode de vente. Dans cette région, en effet, le vigneron vend toute sa vendange en raisins et l’acheteur a le droit d’exiger que le raisin soit trié et nettoyé comme pour servir sur la table. Ailleurs, sauf si le négoce l’exige, on se contente de faire enlever par le cueilleur, rapidement, avec la pointe des ciseaux, les grains verts ou pourris

Là où on ne pratique pas l’épluchage, on se contente donc d’un tri sommaire en bout de rang, en s’en remettant à la conscience professionnelle et à l’habileté du cueilleur, surveillé par le vigneron ou son épouse. Pour les vendangeurs employés par les maisons de champagne, le contrôle est effectué par les chefs d’équipe, eux-mêmes inspectés par les chefs de culture qui se déplacent à cheval. De toute façon on suit le précepte de Chaptal : Il ne faut couper que les raisins sains et mûrs : tout ce qui est pourri doit être rejeté avec soin, et ceux qui sont encore verts doivent être laissés sur la souche [20].

Les vendanges durent une vingtaine de jours. On y travaille, on y chante, on y conte fleurette, on s’y bat aussi car des éléments indésirables se glissent souvent dans la foule des vendangeurs et les rixes et les assassinats ne sont pas rares. On peut lire en 1888 dans le Figaro qu’il y a, à Ay, une douzaine de gendarmes pour tenir en respect près de six mille vagabonds et que c’est une imprudence insigne de se rendre d’Épernay à Ay, une fois le soir arrivé, sans être muni d’un bon revolver.

Après la cueillette vient le pressurage, qui a lieu le lendemain ou même le surlendemain. Les paniers de raisins arrivant de la vigne, manipulés avec des gaillottes, brouettes tubulaires en fer, sont en attendant entreposés dans les vendangeoirs, bâtiments dans lesquels se trouvent les pressoirs.

Ceux-ci sont pour la plupart, comme au XVIIIe siècle, du type étiquet, ronds ou carrés, d’une contenance de 4 000 kilos de raisins ; on les appelle pressoirs verticaux pour les distinguer des pressoirs à cylindre, peu répandus, appelés pressoirs horizontaux, auxquels fait allusion le Vigneron champenois de septembre 1874. On utilise parfois des pressoirs-coffres, de moindre capacité, pour la fin du pressurage (58), et des pressoirs hydrauliques seront en service dans les premières années du XXe siècle.

Depuis les années 1880, afin de faciliter le chargement, la plate-forme mobile de pressurage du pressoir vertical est constituée de volets de bois renforcés de fer, que l’on abaisse et maintient dans la position horizontale par des arcs-boutants métalliques ou des barres de blocage.

On n’égrappe pas, tout au moins en 1820, d’après Cavoleau, et en 1890, d’après Bonnedame. Peut-être, cependant, l’a-t-on fait au milieu du siècle, si on en croit le Dr Guyot, l’œnologue réputé, praticien en Champagne, qui écrit en 1868 dans son Etude des vignobles de France qu’en vue de faire le champagne les raisins sont passés à l’égrappoir puis au double cylindre cannelé avant d’être mis sur le pressoir.

On a conservé les principes de la séparation au pressurage des différentes qualités de moût. Les trois premières serres donnent environ 2 000 litres de vin de cuvée, appelé aussi vin d’élite, vin de choix. De la quatrième serre, ou parfois des quatrième et cinquième serres, on retire 300 à 400 litres de première taille. Les serres suivantes, faites éventuellement dans un pressoir-coffre, donnent encore 250 à 300 litres de seconde taille puis autant de rebêche  [21] . Le vin de cuvée sera utilisé principalement pour les grands champagnes. Les autres catégories constitueront les vins de suite et serviront pour les autres champagnes, à l’exception de la rebêche et parfois d’une partie de la seconde taille qui donneront des vins non mousseux de consommation courante.

Le Dr Guyot signale que quelques propriétaires et négociants recueillent à part les vins sortis sans pression, sous le nom de moût-vierge et n’admettent à la première cuvée que ces produits ou ceux de la première presse . On utilise les aignes pour faire l’eau-de-vie de marc, la dédaine. On s’en sert également comme engrais, et comme combustible sous forme de mottes séchées au soleil.

LES CÉPAGES - LES RENDEMENTS - LES SUPERFICIES - LES CRUS

Quels cépages trouve-t-on dans le vignoble champenois ? On sait les difficultés de l’identification des espèces et variétés dans un monde viticole où chacune d’elles a reçu de multiples appellations, au gré du temps et des vocabulaires locaux. En 1600 déjà, Olivier de Serres n’écrivait-il pas, d’après Virgile : La vigne est différante / En autant de surnoms / Comme on void abondante / La Libye en sablons [22]. Voici la physionomie la plus vraisemblable de l’ampélographie champenoise du XIXe siècle, telle qu’elle ressort des ouvrages des spécialistes de l’époque, pas toujours d’accord d’ailleurs, le docteur Guyot, André Jullien et son fils, Lenoir, Odart, ainsi que des recherches complémentaires des auteurs modernes, notamment Chappaz et Galet, et pour l’Aube Pierre Gabriel, étant donné que dans une même variété la synonymie admet parfois de légères différences.

En ce qui concerne les raisins blancs de qualité, on trouve au début du siècle des variétés du Pinot blanc [23], des grands crus de Bourgogne, l’ancien Morillon blanc. Ce sont, dans la Marne, les Petit Blanc, Blanc doré, Gros Blanc, Épinette (ou Épinette blanche) et Beaunois, dans l’Aisne le Bon Blanc et le Bargeois, dans l’Aube l’Arboisier et le Beaunois37. Ce n’est que vers 1860 que l’on commence à donner à une variété le nom de Chardonnay, ou Chardonnet, la distinction ampélographique entre Pinot blanc et Chardonnay ne devant intervenir qu’au XXe siècle. En 1900, les variétés du Pinot blanc fournissent le tiers des raisins utilisés pour le champagne et sont concentrées sur le territoire de l’actuelle Côte des Blancs. On lit à ce sujet dans l’Enquête sur la vigne de 1883 qu’il est reconnu que le pineau blanc peut seul assurer la conservation et la renommée du vignoble planté sur le coteau de Chouilly au Mesnil ; il n’est pas très fertile, mais il donne un vin très fin.

Il existe localement, dans toute l’étendue de la Champagne quelques autres bons cépages blancs, tels dans la région de Venteuil (vallée de la Marne) le Petit Meslier, selon Merlet un des meilleurs raisins pour faire le vin [MERLET (Jean). L’Abrégé des bons fruits. Paris, 1667.], dans la Marne le Chasselas dur, connu aussi comme Chasselas blanc ou Bar-sur-Aube, ce dernier est parfois appelé à tort Muscat blanc ; il voisine avec le François blanc et surtout l’Arbanne, ou Arbane, raisin blanc donnant de jolis vins secs et mousseux [24]. Ce cépage, déjà présent au XVIe siècle dans l’Aube, existe aussi au XIXe dans la région d’Épernay et dans l’Aisne sous le nom de Vert-Blanc. Pour les vins blancs de seconde qualité, on utilise principalement le Gros Plant, les diverses variétés de Gouais blanc ou Marmot, le Gamay ou Gamet blanc, le Plant verdilasse, le Languedoc blanc, dans l’Aube le Peurion encore appelé Peurichon, Milleron, Troyen blanc [25].

Dans le domaine des raisins noirs, le grand cépage est sans conteste le Pinot noir, l’ancien Morillon noir, appelé parfois Noirien et dans l’Aisne, Bon Noir. C’est lui qui forme le fond des grands crus de noirs, que Guyot appelle les fins noirs [26]. Analogue à celui de Bourgogne, le Pinot noir est présent en Champagne en plusieurs variétés, que l’on peut pour la plupart d’entre elles faire entrer dans deux catégories, les plants dorés, donnant les meilleurs vins, et les plants gris [27]. Dans le groupe des plants dorés figure le Petit Plant doré, le plus renommé, appelé aussi Petit Plant doré d’Ay, qui charge peu mais donne le vin le plus fin [28] et dont il existe près d’Épernay une variété appelé Demi-Plant noir [29] ; on rencontre également, surtout dans la Montagne de Reims, le Rouge doré. L’un et l’autre sont progressivement remplacés par d’autres variétés plus productives, mais toujours d’excellente qualité, le Gros Plant doré noir d’Ay, puis le Vert doré. Au nombre des plants gris, il faut citer le Petit Plant gris, qui donne des vins légers et parfumés, et le Gros Plant gris, plus productif et moins fin ; il faut se garder de les confondre avec le Pinot gris dont il sera parlé plus loin Il existe localement des Pinots noirs ne rentrant dans aucune de catégories précitées. C’est le cas du Plant d’Écueil, du Plant de Trépail et surtout du Plant de Vertus, qui s’est propagé dans la Montagne de Reims à la fin du siècle. Les vignobles de l’Aube, pour leurs raisins noirs, sont toujours fidèles aux divers Pinots de Bourgogne, dont les plus renommés s’appellent localement Pinot noir fin, Pineau rouge, et Pineau franc ou Gamery.

On ne trouve plus guère de Pinot gris vrai, le Fromentau des siècle passés, sauf dans l’Aube où il s’appelle le Fromenté violet ou Fromenté, rose. Alors qu’il se répand en Alsace sous l’appellation régionale Tokay, les négociants champenois s’en désintéressent, préférant pour leurs assemblages des raisins ou tout noirs ou tout blancs, et on peut regretter la quasi-disparition de cet excellent cépage qui avait tant fait pour le renom des vins de la Champagne.

Les raisins noirs utilisés pour les vins ordinaires proviennent de plants plus ou moins grossiers dont la gamme est extrêmement large On y trouve notamment le Teinturier, encore appelé Noiraut ou Alicante, utilisé pour renforcer la couleur des vins rouges, l’Enfumé noir, le Chasselas rouge, connu aussi sous le nom de Muscat rouge, le Gouais noir, le Gamay ou Gamet. Dans l’Aube, on rencontre le François noir, le Troyen noir, le Bachet, le Beaunoir et le Samoreau. Dans cette multitude deux cépages noirs [30] méritent cependant d’être traités à part car, tout en n’étant pas de premier ordre, ils donnent des raisins utilisés pour faire le champagne, ce sont le Meunier et le Gouais.

Le Meunier est connu de longue date en Champagne, c’est l’ancien Morillon taconné. Il n’a pas très bonne réputation et l’Enquête sur la vigne le qualifie même de perfide et sollicite du gouvernement, en 1883, que des primes soient réservées aux propriétaires-vignerons qui replantent en Pineau noir ou blanc et Vert-doré d’Ay, et éliminent le plan Meunier. Néanmoins, il se propage tout au long du XIXesiècle, en raison de sa rusticité et de sa bonne productivité, et va jusqu’à supplanter les Pinots noirs dans certains bons crus de la Marne [31] et à couvrir les trois quarts des vignobles de l’Aisne. Dans les grands crus, on a définitivement compris l’absolue nécessité de n’y avoir que des cépages de grande qualité, essentiellement ces Pinots qui font l’honneur de la Bourgogne et de la Champagne [32]. Ailleurs cependant, comme au XVIIIe siècle, les vignerons succombent souvent à la tentation d’adopter des plants à fort rendement pour produire davantage avec l’espoir d’un meilleur profit, la qualité dût-elle en souffrir.

Le Gouais, le blanc comme le noir, est une menace pour le vignoble. Il est merveilleusement robuste et prolifique [33], mais sa qualité est déplorable. Dès le XIIIe siècle, pour les évaluations des rentes payées en vins, la Coutume de Beauvaisis attribue au vin de gros noir ou de Goet une valeur inférieure de moitié à celle du vin formentel [34]. Au début du siècle, André Jullien note qu’en Champagne les vignerons plantent souvent du Gouais blanc, qu’ils nomment Marmot, et dont ils n’emploient ordinairement le fruit qu’à la fabrication des vins destinés à leur propre consommation : ceux surtout qui cultivent des cantons en réputation ne vendent jamais le produit de ces raisins, pour ne pas compromettre l’honneur de leur cru [35]. Il n’en est malheureusement plus ainsi dans la seconde partie du XIXe siècle. On se met à commercialiser le vin de Gouais, qui fait même l’objet de transactions frauduleuses et risque donc de se retrouver dans les assemblages utilisés pour faire le champagne. L’invasion du phylloxera va donner un nouvel essor à son encépagement, car le vigneron a l’imprudence de planter des gouais et des plants d’Autriche, pensant qu’ils seront plus résistants au dangereux insecte [36].

Que les plants soient indigènes ou d’importation, leur renouvellement s’effectue sur place. En 1790 déjà, Liger précisait dans La Nouvelle maison rustique que les pépinières sont communes dans le Païs, ajoutant que le particulier qui a beaucoup de vignes fait faire lui-même ses pépinières. On procède dès le début du XIXe siècle à des recherches sur les plants les mieux appropriés à la région et les plus aptes à satisfaire la demande croissante des négociants. Des primes sont données aux vignerons qui plantent les cépages recommandés. En 1806, le Conseil général de la Marne décide l’établissement de deux pépinières expérimentales, une dans la vallée de la Marne, l’autre dans la Montagne de Reims ; on doit y comparer les différents plants utilisés en Champagne avec les meilleurs plants de Bourgogne [37].

Comme au siècle précédent, mais dans une plus large mesure, le rendement varie en fonction du choix des cépages, d’une part, des apports de terre et d’engrais, d’autre part. En 1800, la vigne produit bon an, mal an, 10 hl à l’hectare pour les vins de qualité, 20 pour les vins ordinaires. Ce rendement croît rapidement dans cette dernière catégorie, où l’on sélectionne et cultive en vue d’obtenir la quantité plutôt que la qualité. Il atteint vers 1846 une moyenne à l’hectare de 30 hl [38] qui se stabilisera ensuite entre 30 et 33 hl, certaines années donnant jusqu’à 60 hl (283). Dans les vignes à champagne par contre, le rendement à l’hectare s’établit raisonnablement à 20 hl vers 1846 [39] ; on ne vise pas à plus, la qualité prime la quantité . Ce chiffre ne s’élève ensuite que modérément car on se méfie des cépages trop productifs. Armand Maizière, dans une question insérée au programme du Congrès sur l’industrie des vins mousseux de 1845, réclame des améliorations relatives à la replantation en fins cépages des coteaux les plus favorisés par la nature, où des causes impérieuses ont quelque temps fait prévaloir les plants grossiers plus productifs . Dans le dernier quart du siècle, des récoltes déficitaires en raison de diverses calamités (oïdium, mildiou, gelées, etc.) amènent à employer davantage les engrais, mais le vigneron reste en général dans des limites raisonnables, d’autant plus qu’en année normale le rendement s’élève par suite du rajeunissement du vignoble dû à de nombreuses plantations nouvelles. Pour les quinze dernières années du siècle, la moyenne à l’hectare des rendements s’établit finalement dans les vignes à champagne à 3 675 kilos, soit 24,5 hl.

Au cours du XIXe siècle, on assiste en Champagne à une évolution des vignobles caractérisée par une augmentation des surfaces dans les crus d’où proviennent les raisins destinés aux vins mousseux, et par une disparition progressive de la vigne dans le reste de la province. On sait qu’à la veille de la Révolution le vignoble champenois couvrait environ 50 000 hectares. Dès les débuts du régime impérial, mais davantage encore après le retour de la monarchie, on avait planté car les vins se vendaient bien. En 1822, d’après la Topographie de tous les vignobles connus d’André Jullien, la superficie totale atteint 65 700 ha, dont 20 600 pour la Marne, 4 000 environ pour l’Aisne, 21 000 pour l’Aube, 17 600 pour la Haute-Marne et 2 500 pour les Ardennes42. En 1881, on ne trouve plus que 15 000 ha dans la Marne, 14 000 dans l’Aube, et quelques milliers pour le reste de la Champagne, et jusqu’à 1 900 les superficies vont encore décroître.

Cette réduction des surfaces est la conséquence de la disparition progressive des vins rouges de la province qui, dans le premier tiers du siècle, forment au moins les neuf dixièmes de ses récoltes [40] et sont essentiellement des vins de consommation courante. Seuls ceux produits dans la partie privilégiée du département de la Marne et quelques vins rouges de l’Aube sont des vins de choix. En 1850, les vins rouges constituent encore les deux tiers de la production vinicole champenoise, et on en exporte toujours, notamment en Belgique et dans les provinces rhénanes (527). Mais la chute va s’accentuer rapidement.

Ce déclin tient essentiellement à la diminution de la qualité, résultat du choix malheureux du gros rendement obtenu par les plants communs et l’usage immodéré des engrais, au détriment de la finesse et de l’agrément du vin. On lit dans l’Enquête sur la vigne de 1883 que la décadence de l’industrie viticole à Châlons remonte à plus de quarante ans ; le vin qui provenait de plants communs était de médiocre qualité, il ne peut soutenir la concurrence des vignobles de la petite Bourgogne et du Barrois.

À l’exception des produits renommés des bons crus de la Marne que l’on vient de voir, des vins assez délicats, mais privés de corps et de spiritueux de Château-Thierry , et de quelques rouges justement estimés dans l’Aube, les vins sont trop souvent durs, acides et peu vineux, comme le constate le Moniteur viticole du 30 octobre 1877. En consultant Les Récoltes vinicoles de Bouzy et d’Ambonnay on trouve fréquemment des années où la couleur est qualifiée de fausse, de pas solide, lorsque le vin n’est pas sans couleur ou ne s’est pas décoloré entièrement.

De plus, certaines cuvées sont frelatées, par addition exagérée de sucre et d’alcool, et par coupage avec des vins du Midi et même avec de l’eau.

Cette mauvaise habitude est générale en France. En 1804, on lit ce qui suit dans l’Almanach des Gourmands : La plupart des commissionnaires de la Bourgogne, de la Champagne et du Bordelais, travaillent eux-mêmes ces boissons avant de les livrer au commerce. Il faut s’emparer des vins à leur descente de la cave, comme l’on s’emparoit autrefois d’une jeune fille à la sortie du couvent, lorsqu’on vouloit être à-peu-près sûr d’avoir une épouse sans tache ; encore y a-t-on souvent été trompé, rien n’étant plus rare que du vin naturel et qu’une jeune femme tout-à-fait innocente  [41]. En 1827, selon Cavoleau, quand les vins rouges tendent à faiblir, on se trouve, fort bien d’y faire passer 10 à 12 litres par pièce d’un vin fort généreux, tiré des crus du Midi de la France [42]. Et de manière analogue, ou par addition de colorant, on convertit les vins blancs en vins rouges.

Les vins rouges de Champagne ayant dans leur ensemble perdu leur prestige, leurs cours baissent, ils se vendent mal et ils sont soumis à tous les aléas de la conjoncture économique. Ils peuvent même être supplantés par d’autres boissons locales qu’ils sont devenus incapables de concurrencer. Le vigneron Ciret, par exemple, écrit en 1847 sur son calepin qu’ils ont diminué jusqu’à 10 f. la pièce à cause de l’abondance du cidre. Et depuis 1850 le chemin de fer facilite le transport des vins du Languedoc, et bientôt d’Algérie, produits en grande quantité, à bon marché, et supportant bien le coupage. De ce fait, bien loin de venir au secours des vins rouges de Champagne, il en précipite la chute. C’est ce que prévoit fort bien Maizière, dès 1846, lorsqu’il écrit : Il faut avouer que d’un côté la concurrence des vins du Midi, plus généreux, plus colorés, plus durables, et qui sont devenus moins chers, que, d’un autre côté, le peu de durée de nos vins rouges, dans les années ordinaires, et dans les mauvaises caves, la rareté de leurs bonnes années, la difficulté croissante de les placer avec avantage, et enfin l’étonnante fortune, pourtant méritée, du vin mousseux, ne peuvent qu’achever de faire disparaître les derniers restes des antiques vins champenois non mousseux . Et confirmant le bien-fondé de cette sombre prédiction, l’Enquête sur la vigne de 1883 précise que la viticulture châlonnaise fut anéantie lorsque les chemins de fer amenèrent les vins du Midi à prix minimes.

Si on continue à faire quelques vins rouges de qualité, c’est seulement par nécessité, lorsque la conjoncture ne permet pas d’utiliser pour le champagne les raisins qui lui sont normalement destinés. On lit dans la Pétition des propriétaires de vignes des arrondissements d’Épernay et de Chaalons, de 1829, que si le raisin a une parfaite maturité, la récolte presque entière sera destinée à faire du « vin de Champagne » ; que l’année soit mauvaise, il ne sera fait que du vin rouge. En octobre 1885, on lit dans le Vigneron champenois  : Peu d’achats aux vendanges, la plupart des propriétaires champenois se sont décidés à faire cette année des vins rouges, à la grande jubilation des amateurs. Il ne s’agit là, de toute façon, que de phénomènes exceptionnels dans le temps, et limités dans l’espace à quelques crus de la Marne. Inexorablement, les vins rouges de Champagne continuent à décliner et leur déchéance s’accélère à partir des années 1860. Classés alors comme vins ordinaires de bonne qualité, ils deviennent des vins de boisson (vins de consommation courante), appelés aussi vins de pays, et, paradoxalement, vins naturels, pour les distinguer des seconds vins, que l’on désigne également sous le nom de vins de sucre ou vins de cochon, qui sont des mélanges de raisins maumûrs et d’aignes, ou de raisins secs et d’aignes, ou d’aignes, de sucre et d’eau.

Urbain et Jouron peuvent écrire dès 1873 : Notre contrée ne fabrique plus guère de vins rouges, qui ne servent pour ainsi dire qu’à la consommation locale . Il s’ensuit que les vignobles deviennent des friches lorsqu’ils ne sont pas consacrés aux raisins destinés à l’élaboration des vins mousseux. Simultanément, cependant, les nouvelles possibilités de mise en valeur des sols ingrats de la Champagne, du fait de l’emploi raisonné des engrais chimiques, permettent à des vignerons de trouver dans les cultures céréalières et fourragères une meilleure rémunération de leurs terres et de leur travail, et cela d’autant plus que se succèdent les mauvaises récoltes et que plane la menace du phylloxera. Beaucoup de vignerons sont d’ailleurs agriculteurs et la vigne n’est pour eux qu’une ressource d’appoint, qui diminue inexorablement pour les raisons énumérées ci-dessus. Quant à ceux qui vivent exclusivement de la vigne, ils se laissent souvent tenter par l’espoir d’une vie meilleure dans les villes et ils participent ainsi à l’exode rural. Le vignoble disparaît donc progressivement de régions qu’il couvrait depuis des siècles. Dans l’Enquête sur la vigne de 1883 on lit, au tableau récapitulatif de l’arrondissement de Sainte-Menehould, que les vignes disparaissent de jour en jour parce qu’elles ne donnent que du déficit et que le produit n’a aucune importance commerciale ; l’arrondissement a compté 700 hectares de vignes en 1800, 127 en 1880 et 3 en 1900.

Bien entendu, le phénomène n’est pas vrai pour les vignobles du département de la Marne où s’approvisionnent les négociants en vins mousseux de Champagne. En 1822, on estime à 3 000 à 3 500 ha (527) les superficies qui y sont consacrées, et qui occupent une partie seulement des arrondissements de Reims et d’Épernay et, dans celui de Châlons-sur-Marne, le canton de Vertus. Sous le second Empire, la prospérité favorise les vins mousseux de la Champagne et les besoins en raisins de choix augmentent fortement. Pour les satisfaire, on replante avec des ceps sélectionnés les vignes à vin ordinaire lorsqu’elles sont convenablement situées. Les surfaces couvertes de vignes à champagne sont ainsi étendues ; elles passent en 1846 à 4 500 ha et en 1873 à 6 000 ha , ayant donc presque doublé en un quart de siècle.

Après 1870, on ne se contente pas de modifier les vignes existantes. On plante jusqu’à 500 hectares par an, malgré la menace du phylloxera (351) et le Vigneron champenois note en décembre 1873 que dans beaucoup de communes on transforme terres labourables ou incultes en vignobles, en particulier dans les meilleurs crus. C’est ainsi que les vignobles de Sillery passent de 50 ha en 1830 à 111 ha en 1893. On va plus loin : Moreau-Bérillon écrit que par suite de l’essor prodigieux pris par le commerce du vin de Champagne, la culture de la vigne attira l’attention de capitalistes qui entrevoyaient là une entreprise industrielle très productive. Mais la difficulté de réunir à flanc de coteau, comme le sont généralement les vignes des crus réputés, un nombre de parcelles suffisant les ont engagés à créer de grands vignobles dans la région où la vigne n’existait pas ou n’existait plus, sur des ondulations de terrains plus ou moins bien exposées, à des altitudes inférieures à celles des crus renommés de la Champagne

Les grands vignobles dont il s’agit ne sont grands qu’à l’échelle de la Champagne viticole, les superficies d’un seul tenant étant au maximum de 20 à 30 hectares. Parmi les capitalistes mentionnés ci-dessus, il faut compter les maisons de champagne qui, ensemble, possèdent environ 3 400 hectares de vignes marnaises. Quant aux propriétés des vignerons, elles sont incroyablement morcelées. On lit dans le Vigneron champenois d’octobre 1899 qu’à Tréloup, dans l’Aisne mais à la limite de la Marne, pour 2 099 hectares de terres, on compte 33 000 parcelles. Celles plantées en vignes sont proportionnellement beaucoup plus petites que les pièces de bois et prés et on cite un vigneron propriétaire de 2,25 hectares en 186 parcelles réparties sur une côte longue de 7 kilomètres. En 1900, les surfaces consacrées à la vigne assurant l’approvisionnement du négoce du champagne atteignent 14 000 ha (1% du vignoble français), ce qui représente depuis 1820 une progression de près de 500% alors qu’avec 16 000 ha l’ensemble du vignoble de la Marne a régressé dans le même temps de 22%.

La localisation du vignoble à champagne n’a pas changé depuis le début du siècle, lorsque André Jullien écrivait : Ce n’est que dans les arrondissements de Reims et d’Épernay que l’on trouve ces coteaux célèbres dont les produits sont estimés et recherchés dans tous les pays , omettant cependant de mentionner l’arrondissement de Châlons dans lequel se trouve la Côte de Vertus. Celle-ci, partagée entre raisins noirs et raisins blancs, prolonge au sud la Côte d’Avize, presque exclusivement plantée en raisins blancs depuis la fin du XVIIIe siècle, la Vallée de la Marne et la Montagne de Reims étant toujours les royaumes du raisin noir qui, dans l’ensemble des vignes à champagne, figure pour les trois quarts. Chaque région se distingue des deux voisines par les caractères de ses vins, à savoir, pour la Montagne de Reims la vinosité et la fraîcheur, pour la Vallée de la Marne un bouquet incomparable, pour la Côte d’Avize une exquise délicatesse et une finesse hors ligne [43]. Sur les pentes des vallées et sur celles de la falaise de l’Ile-de-France, les pièces de vigne deviennent peu à peu jointives et constituent ainsi des surfaces importantes. C’est un avantage car longtemps elles ont eu à souffrir de la proximité de prairies ou de vergers, augmentant les risques de gel, mais aussi du vagabondage des animaux domestiques, particulièrement à craindre avec la vigne en foule. Ils abattaient les échalas en broutant les pousses, ce qui incitait certaines communes à entretenir des garde-vignes, appelés aussi vigniers, et à interdire de laisser pâturer dans les sentes des vignes et de mener dans les vignes les bestiaux non muselés (A 35).

Comme on l’a constaté dès le XVIIIe siècle, la notion de cru est inséparable de celle du champagne, même lorsqu’elle s’efface derrière celle de l’assemblage. Les raisins produits dans certaines communes sont régulièrement aptes à donner de meilleur vin que ceux provenant d’autres territoires de la Champagne. Ils se vendent plus cher aux négociants qui les recherchent. Il s’établit ainsi un classement de fait, qui restera cependant jusqu’au XXe siècle sans consécration officielle.

En 1816, dans sa Topographie de tous les vignobles connus André Jullien donne en cinq catégories la classification de tous les vins de France. Les vins blancs de la Marne y figurent comme suit, sans qu’il soit fait de distinction entre les vins mousseux et tranquilles :
Première classe [44] : Sillery [45] , Ay, Mareuil, Hautvillers, Pierry, Dizy, des vignes dites le Clozet à Épernay.
Deuxième classe : Cramant, Avize, Oger et le Mesnil.
Troisième et quatrième classes : Néant.
Cinquième classe : Chouilly, Monthelon, Grauves, Mancy, Molins, Beaumont, Villers-aux-Noeuds et Montgrim aud, et dans une 2e section de la même classe, les vins des environs de Vitry-sur-Marne et de Sézanne. On trouve seulement dans l’Aube les vins blancs des Riceys à la quatrième classe, Bar-sur-Aube et Rigny-le-Féron à la cinquième classe.

Dans l’édition de 1832, Jullien ajoute à la deuxième classe Épernay (les vignes du Clozet restant en première classe) et St Martin d’Ablois, et à la cinquième Vinay, tandis qu’Oger descend à la troisième où monte Grauves. Dans l’édition de 1866, revue par le fils d’André Jullien, Dizy disparaît de la première classe où il est remplacé par Épernay et Moussy, tandis qu’y prennent place définitivement Ludes, Mailly, Verzenay et Verzy, cités seulement aux éditions précédentes comme produisant les vins de Sillery. Les autres crus de la Marne ne sont pas classés. Pour certains de ceux qui sont cités, on trouve des précisions restrictives dans la description des vins qui précède la classification générale. C’est ainsi qu’est seulement en première classe, à Dizy, la partie de la commune nommée les Crayons, à Hautvillers La Côte à Bras et quelques vignes car plusieurs des meilleures vignes étant tombées entre les mains de propriétaires qui ne cultivent pas avec le même soin, leurs produits, quoique fort bons, ne sont plus mis qu’au second rang.

Ces classifications n’ayant rien d’officiel, chacun peut les modifier à sa guise. Une version présente de l’intérêt, celle qui figure en 1855 dans Le Cuisinier et le Médecin car elle ne concerne que les vins mousseux. On y a conservé les deux premières classes de Jullien en faisant passer Cramant de la seconde à la première et en ajoutant à la deuxième Chigny, Dizy, Épernay, Mailly, St Martin, Vertus et Villers-Marmery. On a ajouté une troisième classe comprenant Avenay, Chouilly, Cuis, Grauves, Mardeuil, Monthelon, Moussy et Villers-Allerand.

En 1873, le 29 octobre, le journal La Vigne publie un classement établi par son confrère l’Indépendant rémois, pour servir de référence officieuse pour l’établissement des prix d’achat du raisin nécessaire au champagne, limité aux meilleurs crus, répartis en trois catégories :
Crus de tout premier ordre : Ay, Cramant, Verzenay.
Premiers crus : Avize, Bouzy [46] , Dizy, Hautvillers, Oger, Pierry.
Deuxièmes crus : Ambonnay, Mailly, le Mesnil, Verzy.

On constate dans cette énumération que les communes de la Côte d’Avize sont maintenant sur un pied d’égalité avec les meilleurs crus de noir.

En septembre 1895 enfin, le Vigneron champenois donne le classement en trois catégories de toutes les communes viticoles fournissant des raisins ou des vins aux négociants. On voit apparaître la notion de grands crus. Ceux-ci, plantés ensemble de 2 800 hectares de vignes, sont au nombre de 13, formant la première catégorie : Ay, Ambonnay, Avize, Bouzy, Cramant, Mailly, Mareuil-sur-Ay, le Mesnil, Monféré, Oger, Sillery, Verzenay et Verzy. Les deux autres catégories sont celles des premiers crus et des seconds crus, comportant respectivement 38 et 86 communes. Il ne s’agit cependant que d’un classement officieux, utilisé par le journal pour indiquer les quantités récoltées et non les prix payés dans chaque cru, et d’ailleurs variable puisque l’année suivante, en septembre, le Vigneron champenois porte le nombre des grands crus à 16, en ajoutant à leur liste Beaumont-sur-Vesle, Bisseuil et Louvois.

LES VINS FINS NON MOUSSEUX

On a vu que la régression du vignoble constatée au cours du XIXe siècle s’est effectuée essentiellement au détriment des vins tranquilles ordinaires qui, sous l’Empire, représentaient de loin la majeure partie de la production vinicole de la Champagne. L’importance des célèbres vins fins de la province, blancs et rouges, a diminué en même temps, en raison inverse du succès du champagne qui les a privés des raisins de choix auxquels ils devaient leur notoriété. Jusque vers 1840, celle-ci est cependant encore très forte. Quand on parle du vin de Champagne dans les ouvrages sur la vigne et le vin, c’est du vin tranquille de choix que l’on traite principalement, sinon exclusivement. Les vins fins, rouges ou blancs, se vendent à des prix analogues et parfois supérieurs à celui du champagne. Ils ont leurs amateurs. On trouve à la date du 21 mai 1825 sur le livre de comptes de Ruinart une commande de vins de Champagne blanc et rouge pour le roi Charles X, et on écrit en 1837 dans Le Cuisinier royal que tel gourmet assure que le champagne de première qualité, et non mousseux, réunit au bouquet bourguignon, la chaleur bordelaise [47].

Les vins blancs de qualité sont en minorité en Champagne, comme ils l’ont toujours été. Les meilleurs d’entre eux figurent, sans distinction entre vins tranquilles et vins mousseux, sur les classements établis par Jullien. En ce qui concerne ceux qui ne sont pas utilisés pour la mousse, on en trouve dans l’Aube, en particulier à Bar-sur-Aube, où l’on fait de fort jolis vins, quoi que peu spiritueux, se conservant assez bien, et dans l’Aisne, où Château-Thierry, Charly, Essomme et Azay sont entourés de vignobles dans lesquels on fait beaucoup de vins blancs faibles en qualité, mais d’assez bon goût. Dans la Marne, la Côte d’Avize produit comme on le sait un vin blanc agréable, mais presque entièrement utilisé pour la mousse. On estime davantage celui de Pierry, sec, spiritueux, susceptible de se conserver plus longtemps que les autres, et surtout celui de Sillery, le fameux Sillery sec.

Ce dernier est produit, on l’a déjà noté, par plusieurs communes de la face nord de la Montagne de Reims. II est extrêmement apprécié ; chez Véry, en 1803, il se paie 7 livres, contre 5,10 livres pour le champagne effervescent [48]. Pour Jullien, en 1866 encore, ce vin, le plus estimé des vins blancs de Champagne, se conserve fort longtemps et acquiert beaucoup de qualité en vieillissant ; il n’est bon que quand il ne mousse pas... Il a une couleur ambrée et un goût sec qui le caractérisent ; le corps, le spiritueux, le charmant bouquet et les vertus toniques dont il est pourvu lui assurent la priorité sur tous les autres ; il a la propriété de conserver la bouche fraîche et de pouvoir être bu à haute dose sans incommoder. Dans une notice de la maison Moët, on peut lire que le Sillery, stomachique, a quelque analogie avec le vin du Rhin, et est bu avec les viandes rôties, et toujours frappé de glace.

Cavoleau précise que les vins de Sillery sont expédiés pour l’Angleterre et aussi un peu en France, surtout à Paris (88), mais en 1879, Vizetelly, qui parle avec une grande estime du Sillery, note qu’il s’en expédie fort peu [49].

Les vins blancs se raréfient au cours du siècle, même lorsqu’il n’est plus besoin de les dégorger, comme c’est encore le cas vers 1830 lorsque Cavoleau écrit que les vins blancs non mousseux ont aussi au moins un dégorgement à subir avant d’être expédiés .

Dans les vins blancs réputés prend place la tisane de Champagne, version tranquille de la modeste tisane mousseuse que l’on a rencontrée dès les débuts des vins de Champagne effervescents. En 1830, c’est principalement la Côte d’Avize qui fournit ce vin non mousseux, cette tisane de Champagne que le médecin conseille dans les embarras de la vessie, qui supporte l’eau, et offre, par le mélange, un rafraîchissement des plus agréables . Plus avant dans le siècle, elle est souvent faite avec des bas-vins ou des trop-de-vins [50] mais cela ne nuit pas à sa réputation puisqu’en 1866 Prosper Mérimée la conseille à son ami Panizzi [51].

Il existe aussi une espèce de vin qui fait en quelque sorte la transition entre les vins rouges et les vins blancs, ce sont les vins dit Paillets en Champagne [52] , déjà rencontrés aux siècles précédents, autrement dit des vins rosés tranquilles, qui sont aussi appelés oeil-de-perdrix [53]. D’après Cyrus Redding, ils sont obtenus par foulage, mais dans l’arrondissement de Reims, les vins rosés sont seulement des vins de seconde qualité légèrement teintés avec une petite quantité de vin rouge très fort, ou avec quelques gouttes de teinte de Fismes [54]. En 1899, on les produit encore, mais ils sont peu répandus écrit Feuerheerd dans The Gentleman’s Cellar.

Au XIXe siècle, comme de toute éternité, la Champagne est avant tout un pays de vins rouges dont quelques grands crus ont conservé une bonne notoriété.

Le Cuisinier et le Médecin, suivant généralement Jullien, les classe comme suit en 1855 :

Première classe : Bouzy, Ambonnay, Verzenay, Verzy, Aï ; Pierry et le Clos de St Thierry.
Deuxième classe : Lattes, Chigny, Villers-Marmery, Hautvillers et Cumières.
Troisième Classe : Vertus, Monthelon et Avenay.

II note que les vins rouges des première et deuxième classes sont très fins et demandent des soins particuliers pour se conserver, soit en pièces, soit en bouteilles. Le vin rouge des Riceys est également estimé, mais le Bouzy jouit d’une faveur spéciale. Cyrus Redding écrit qu’il approche en bouquet les meilleurs vins de Bourgogne [55]), et Delvau que les soupeurs du Café Anglais et les têtes de colonne du régiment de Royal-Cocotte, le dessus du panier de la galanterie parisienne, se partagent entre le Clicquot et le Bouzy rouge [56]. Mais, comme l’écrit en 1855 l’auteur de Le Cuisinier et le Médecin, on récolte peu de ces vins maintenant en Champagne, parce qu’on emploie presque tout le raisin à faire des vins blancs, sous-entendu mousseux.

Quoiqu’il en soit, les bons vins rouges de la province perdent peu à peu le rang distingué parmi les meilleurs vins fins du royaume que leur avait assigné Jullien en 1822 et, dans leur ensemble, leur personnalité de vins de Champagne. On lit dans l’Illustration du 23 août 1862 que les vins rouges de Bouzy, d’Aï, d’Épernay et de Reims n’existent plus que dans quelques caves d’amateurs, ainsi qu’il advient de vieux volumes rares relégués dans une bibliothèque, et dans le Vigneron champenois d’octobre 1874 que le vin rouge de Bouzy, très apprécié de tous les connaisseurs, devient malheureusement de plus en plus rare.

LES PRIX

Il va de soi que le prix des terres varie en fonction de la notoriété des crus. Dans les plus réputés, il est de quatre à cinq fois supérieur à celui que l’on paie dans la dernière catégorie. En 1833, Redding écrit que les vignes à champagne valent à l’hectare 5 000 francs, mais que l’on en achète jusqu’à 24 000 francs [57]. En 1843, à Bouzy, une vigne est payée 40 000 francs l’hectare [58]. En 1896, Legrand indique 7 800 francs comme chiffre moyen ( [59] et à la même époque Thudichum signale [60] des vignes vendues à Verzy à 25 000 francs et dans la région d’Épernay à 40 000 francs [61]. Ces prix très élevés de la fin du siècle sont une conséquence du succès grandissant du champagne ; les négociants ont jeté leur dévolu en priorité sur les grands crus, mais partout le vigneron a vu sa terre se revaloriser.

Le revenu est étroitement lié, bien évidemment, à la vente annuelle du produit de la vendange. Or, au XIXesiècle, celui-ci est extrêmement variable car il dépend à la fois des conditions climatiques et des besoins et possibilités de l’acheteur et, en fait, de son bon vouloir. On peut lire dans la Notice sur le vin de Champagne de la maison Pommery que les prix varient suivant la qualité, la quantité de la récolte et les besoins du commerce. Lorsqu’il se trouve dans un cru dont les raisins peuvent être utilisés pour le champagne, le vigneron choisit habituellement de vendre sa récolte aux négociants, en vin ou en raisins. Il y gagne plus qu’à la commercialiser en vins tranquilles et il ne peut en faire lui-même du champagne car il n’en a pas les moyens.

La vente en raisins avait été abondamment pratiquée au XVIIIe siècle. Parlant des ventes en nature de charges de raisins, le rapport Dudoyer de Vauventrier, déjà cité, dit que rien n’est plus commun en Champagne que ces sortes de ventes à des commerçans ou à de simples particuliers qui les achètent ainsi coupés, ou même au cep pour les mélanger ensemble sur le pressoir à leur gré et les mêler aux leurs propres, et avec les raisins d’autres terroirs qu’ils achètent de même. Dans la première moitié du XIXe siècle cependant, le vigneron faisait généralement le vin et le cédait ensuite aux négociants. Mais depuis 1855 l’usage s’est établi dans la plupart des grands crus de la Marne de vendre le raisin au kilogramme , usage généralisé toutefois dans la seule Montagne de Reims . Dans certains grands crus, on continue à vendre le vin à la pièce, et dans le reste du vignoble, on applique l’une ou l’autre formule, ou les deux simultanément. En 1881, le vigneron Ciret écrit sur son calepin qu’à Venteuil la majeure partie de la récolte a été vendue au kilo et que quelques uns ont vendu à la pièce.

En fait, le négociant impose la vente au kilo dans les secteurs qui l’intéressent car il y trouve son avantage. Economiquement, il lui est plus facile d’obtenir des prix avantageux pour une denrée périssable que pour un produit élaboré qui peut être stocké et faire ultérieurement l’objet de spéculations. Techniquement, il a la possibilité de jouer sur la qualité dès le stade des raisins, qu’il choisit lui-même après avoir éventuellement exigé l’épluchage. Il a en outre la faculté de surveiller le pressurage et de conduire comme il lui convient la première fermentation.

Pour le vendeur, le procédé a aussi son intérêt. Selon le journal La Vigne du 20 septembre 1873, il a exonéré le petit vigneron des frais de pressurage, de tonneaux, etc., et chacun y trouve son avantage, et c’est principalement le cas pour celui dont la vigne n’est qu’une ressource d’appoint et qui n’a pas de quoi former un marc pour le pressurage. Il laisse au négociant les soucis d’une manipulation délicate [62], délivrant ainsi le vigneron des tracas de l’élaboration du vin et, éventuellement, de sa conservation. Dans le Guide d’or de Champagne, paru en 1977, on lit sous la plume du maire du Mesnil que dans sa commune la presque totalité de la récolte était achetée en kilos par les maisons de champagne mais que quelques vignerons tiraient quelques pièces de vin pour faire déguster celui-ci aux dirigeants des maisons de champagne ou à quelques amis ; c’était se placer, se situer et aussi un souci de dignité.

La formule de l’achat en raisins présente cependant deux dangers. Le vigneron propriétaire a un intérêt évident à produire le plus possible, aussi a-t-il recours à des procédés de culture qui forcent la production au détriment de la qualité [63] . Cela est confirmé par des articles du Vigneron champenois de l’année 1873 qui parlent notamment de la tendance à remplacer la qualité par la quantité depuis qu’on a établi l’usage d’acheter les récoltes en raisins. Le vigneron remplace les Pinots par des plants plus productifs et il augmente la fumure, courant alors le risque de voir la Maison de champagne se fournir ailleurs. Il arrive d’autre part que les tractations pour l’établissement d’un prix durent tellement longtemps que la cueillette en est retardée, ce qui influe défavorablement sur l’état des raisins.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le vigneron a donc deux possibilités. Le docteur Guyot les décrit ainsi en 1868 : 1. Vendre du raisin de choix, en caques [64] ou en paniers ; la livraison s’en fait à la vigne même, aux agents des maisons de commerce [65] , elle se fait au poids, ce qui est de beaucoup préférable, et non sujet aux variantes et aux fraudes de la vente en volume. 2. Pressurer soi-même les raisins, débourber les moûts, les mettre en barrique, y laisser faire les vins, ouiller, coller, soutirer et soigner, puis attendre le meilleur moment pour vendre (284). Il ajoute cependant que quelques-uns se risquent à faire un tirage, pour les céder tôt ou tard aux grandes maisons, qui dégorgent, opérent et vendent.

Généralement, écrivent Urbain et Jouron, les achats, soit en raisins et en kilos, soit en fût après dégustation, se traitent par l’entremise de commissionnaires en vins , qui se servent pour déguster d’une tasse à vin ou tasse à déguster, sans facettes puisqu’il ne s’agit que de vin blanc, et plus petite que le tastevin bourguignon, ce qui leur permet de l’avoir dans la poche.

Quand le grand commerce a besoin de vin, les commissionnaires préviennent les propriétaires-vignerons, retiennent leur récolte et indiquent le prix offert. Si au contraire le commerce ne se décide pas à acheter, ou en très petite quantité, ce sont les vignerons qui courent après les commissionnaires. Les propriétaires à qui les prix ne conviennent pas et qui ont les moyens pécuniaires d’attendre rentrent leur récolte au cellier. Plus tard, après les gelées, au vin clair, ils espèrent la visite du commissionnaire [66]. Le marché des vins clairs est celui qui concerne les vins de l’année. Il y a aussi un marché des vins en bouteilles. On lit dans le Vigneron champenois d’octobre 1877 que si la vendange est insuffisante, en qualité ou en quantité, la spéculation s’empare des vins vieux en bouteilles.

Voila donc une organisation basée sur l’offre et la demande, qui devrait donner satisfaction aux deux parties. Dans la pratique, hélas, les choses ne vont pas toujours pour le mieux, ou en tout cas pour le bien du vigneron. Dans ce régime de complète liberté, le négociant est presque toujours en position de force et les variations du prix du raisin sont d’une trop grande amplitude pour que les exploitations puissent être gérées dans de saines conditions économiques.

En moyenne, les prix sont devenus cependant rémunérateurs à la fin du XIXe siècle puisque la pièce se vend en année faste, dans les vignes à champagne, 500 à 1 000 francs en 1873, contre 200 à 250 en 1830, le coût de la vie ayant peu monté dans ce laps de temps.

Mais si on examine les fluctuations dans la décennie, on s’aperçoit que le prix du kilo de raisins peut y varier du simple au quadruple, oscillant de 1850 à 1859 entre 0,30 F et 1,60 F, de 1880 à 1889 entre 0,30 F et 2 F, de 1890 à 1899 entre 0,25 F et 2,60 F. Et ceci sans parler du prix absolument exceptionnel de 3,50 F payé en 1889 par suite d’une surenchère de quelques grandes maisons ayant besoin de raisin pour pouvoir rivaliser sur des marchés extérieurs, alors que sept ans plus tard la crise qui sévira aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne fera retomber le prix du raisin à 0,60 F. Il y a, de plus, d’importantes variations quotidiennes [67], qui peuvent atteindre 20% et davantage, et font perdre son sang-froid au vigneron qui ne sait plus s’il faut vendre ou faire attendre le raisin sur pied... dans la mesure où il n’en subira pas trop de dommages. Il y a enfin une grande différence de prix d’une commune à l’autre, résultant de la plus ou moins grand réputation des crus. Ordinairement, et selon une coutume ancienne, les prix sont fixés, surtout dans la Montagne de Reims par le cours établi entre vendeurs et acheteurs et adopté pour tout le cru, le cours étant établi pour la journée et affiché dans la commune.

Petit à petit, sous la pression des négociants, on prend l’habitude de fixer un prix de base pour les meilleurs crus et d’appliquer à chacun des autres un pourcentage dégressif dont le montant est fixé en fonction de la place qu’il occupe dans le classement officieux des crus de la Champagne. Les différences de prix peuvent aller du simple au quadruples [68] , ce qui est considéré comme une injustice par les vignerons des petits crus, qui en arrivent à transporter de nuit leur récolte dans un cru mieux coté, ce qui n’est pas du goût de ceux qui y sont exploitants. Ce sera seulement au début du XXe siècle qu’un usage s’établira de discuter les prix du raisin avant la vendange entre négociants et représentants de la Fédération de vignerons de la Champagne [69] , qui ne verra le jour qu’en 1904, et ce ne sera qu’en 1911 que l’on instituera une véritable échelle des crus. En attendant, le système d’achat de la vendange en pratique à la fin du XIXe siècle, et qui sera le même dans les premières années du XXe soulève de nombreuses critiques de la part du vigneron, et cela d’autant plus que le négoce s’est organisé. Le Vigneron champenois d’octobre 1888 écrit que le Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne) s’est réuni et a fixé le prix des achats. Le syndicat le dénie, affirmant qu’il s’agissait simplement d’une réunion de quelques négociants, dont certains non membres du syndicat.

Quoiqu’il en soit, il est certain que les négociant établissent un front commun pour éviter la surenchère et imposer un prix aussi bas que possible ; qu’ils agissent ou non sous l’égide de leur syndicat ne change rien à l’affaire pour les vignerons. Il faut dire aussi que les négociants, qui sont des commerçants, s’efforcent souvent de profiter au maximum de la situation difficile du vigneron, leurs stocks leur permettant d’attendre un récolte abondante pour acheter à bas prix. Quant aux commissionnaires, en tant qu’intermédiaires ils sont enclins eux aussi à exploiter les faiblesses des vigneron et à faire la loi. Hamp écrira en 1913 que le commissionnaire redisait chaque automne aux vignerons que les caves des négociants étant pleines, on achetait la vendange par miséricorde. Dans ces conditions, on ne pouvait pas les payer bien cher. À ne pas lui plaire, on risquait de mourir de faim .

Lorsque la récolte est vendue en vin, Foureur explique que bien souvent les maisons secondaires et les spéculateurs au vin clair tiraient parti de la gêne du vigneron pour ramasser sa récolte à bas prix, la mélanger, la bonifier et la revendre ensuite à un prix très supérieur aux grandes maisons de commerce, en profitant d’une année de disette qui, en raréfiant le vin, augmentait sa valeur marchande [70]. Quant au raisin, seule sa rareté peut le faire vendre sans discussion, mais comme il s’agit alors d’une petite récolte, même si le prix au kilo est satisfaisant, le revenu total reste faible. De toute façon, les vignerons, malgré quelques essais d’organisation professionnelle, restent divisés face à la puissance du commerce contre lequel ils n’ont aucun recours.

C’est ainsi que Ciret écrit sur son calepin : 1900 : le 20 mai, les 2/3 des vignes ont été gelées - Vin excellent en qualité, mais les vautours qui composent le Syndicat, au nombre de 60, se sont bien entendus pour l’avoir à vil prix. Et pour la vente en vin clair, cet état de dépendance étroite du vigneron vis-à-vis du commerce est fort bien exprimé par Violart, vigneron d’Ay, qui écrit : Il attend décembre entre la crainte et l’espérance. Vendra-t-il bien, vendra-t-il mal, enfin vendra-t-il ? Hélas ! il l’ignore. Il a bien vendangé, bien pressuré, bien soigné son vin ; mais malgré tout ce qu’il a pu faire, ce vin plaira-t-il au négociant [71] ?

Certaines années les négociants n’achètent pas et les vignerons sont amenés, comme on l’a vu, à faire du vin rouge. En 1885, les deux tiers de la récolte y sont ainsi consacrés ! Mais le vendeur au kilo a laissé se détériorer ses tonneaux, parfois ses pressoirs, et il est obligé de faire des frais importants pour une vinification qui lui rapportera bien peu d’argent. On lit dans le Vigneron champenois du 8 octobre 1873 que plusieurs producteurs, dans l’espoir de vendre leurs raisins au kilo, n’avaient pas eu la précaution de se munir de tonneaux qui leur font absolument défaut ; leurs prétentions ayant éloigné les acheteurs, ils sont aujourd’hui forcés de faire leur vin et il faut l’entonner. En tout état de cause il ne s’agit là que d’un expédient, qui ne peut guère aider le producteur champenois à surmonter le découragement qui est en général le sien à la fin du XIXe siècle, malgré l’élévation raisonnable de son niveau de vie.

LA SITUATION DU VIGNERON

Répartis sur 453 communes viticoles, les vignerons de la Marne sont en 1896, d’après Legrand (351), environ 25 000 pour les 16 000 hectares dont ils sont propriétaires, ce qui donne un peu plus d’un demi-hectare par exploitation. Couanon et Convert précisent qu’à la même époque, pour les 119 communes viticoles les plus riches, on compte 7 998 propriétaires ayant moins de 1 hectare, 2 581 ayant entre 1 et 5 hectares, 84 ayant entre 5 et 20 hectares, 21 ayant 20 hectares et au-dessus. Les exploitations sont donc fort petites, mais la vigne est pour la plupart des vignerons une activité secondaire et on peut penser que celui qui n’a pas d’autre moyen de subsistance dispose d’une superficie minimum de l’ordre de 2 hectares. C’est néanmoins très peu pour faire vivre des familles qui, à l’époque, sont sans protection sociale et généralement pourvues de nombreux enfants.

Les frais de culture augmentent considérablement au cours du siècle. De 600 à 900 francs l’hectare en 1833, ils passent de 1 500 à 2 000 francs en 1889 [72]. La vigne en foule demande une importante main-d’oeuvre, qui devient de plus en plus exigeante ; le prix de la journée de l’ouvrier vigneron passe de 1,50 F en 1840 à 4 F à la fin du siècle. Néanmoins, le sort du vigneron est devenu beaucoup plus enviable que celui de ses ancêtres des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est bien meilleur que celui du paysan laboureur, le Dr Guyot démontrant qu’en 1860, dans les grands crus, un hectare de vignes à champagne peut rapporter jusqu’à six à sept fois plus qu’un hectare de ferme . La fortune du vigneron champenois varie tout au long du XIXe siècle. Au lendemain de la Révolution voici ce qu’en dit Mennesson : Il vit durement, il n’est pourtant pas malheureux. Il y a de l’aisance dans les pays, mais il n’y a point de grandes fortunes ; la mendicité n’y est presque point connue [73]. La situation est cependant susceptible de se dégrader rapidement par suite d’une modification de la conjoncture, due aux caprices de la nature ou à des causes économiques, et il peut arriver que la vigne devienne un bien ruineux pour le propriétaire [74]. Il en est souvent ainsi et l’Enquête agricole du ministère de l’Agriculture de 1867 constate que sauf dans les grands crus, qui donnent des bénéfices très suffisants au producteur, avec un double de celui des crus ordinaires, le propriétaire de vignes, non négociant, a vu sa situation s’assombrir ; c’est à peine s’il recouvre en quelques années les frais de sa culture, doublés depuis 33 ans, alors que les prix de vente, au contraire, ne se sont guère accrus que dans la proportion d’un cinquième. Vers 1880, cependant, on constate une amélioration considérable. Sans être aussi optimiste que Bertall, qui écrit que les petits propriétaires sont tous riches et dans l’aisance [75], on peut penser que celle-ci est devenue le lot de certains, et que beaucoup sont satisfaits de leur sort.

C’est d’ailleurs un état de choses si inhabituel que l’on s’en étonne, comme le fait Armand Bourgeois en 1894, dont l’introduction à son recueil d’Opinions sur le vin de Champagne dépeint ainsi l’habitat du vigneron champenois de la fin du XIXe siècle : La plupart des maisons sont coquettes et bien aménagées, façades bien blanches, peintures fraîches aux portes cochères et aux volets, des pots de fleurs aux fenêtres, des grilles par place, des trottoirs même. C’est à qui aura sa belle chambre, sa belle salle-à-manger. Et Armand Bourgeois de juger : Le fait de voir beaucoup d’argent dans le vignoble conduit le vigneron à trop de luxe... surtout au point de vue de la toilette féminine. Et les jeunes gens, qui en jaquette, qui en veston ! Et les repas plantureux où circule largement le champagne !

De telles critiques paraîtraient bien déplacées aujourd’hui. Mais il faut retenir de ce témoignage que s’il exerce un métier dur et plein d’incertitude, si ses perspectives d’avenir sont assombries par la lourde menace que le phylloxera fait peser sur le vignoble, dans les dernières années du siècle le vigneron champenois a au moins la satisfaction d’avoir une situation décente et, pour certains, réellement prospère. Content de peu, il trouve enfin d’année dans sa récolte, selon l’Enquête sur la vigne de 1883, rémunération de ses peines et de son capital.

Notes

[1MAUPIN. Méthode de Maupin .sur la manière de cultiver la vigne et l’art de faire le vin. Paris, 1799.

[2GUYOT (Dr Jules). Etude des Vignobles de France, pour servir à l’enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises, tome 111. Paris, 1868.

[3MOREAU-BÉRILLON (C.). Au pays du Champagne. Le Vignoble. Le vin. Reims, 1922.

[4THUDICHUM (J.L.VV.). A Treatise of Wines. Londres, 1894.

[5COUANON et F. CONVERT. Rapport des comités d’admission et installation des classes 36 et 60 : Viticulture. Vins el Eaux-de-vie de Vin. Exposition universelle internationale de 1900. Saint-Cloud, 1900.

[6Né à Reims Nicolas Bidet (1709-1782) publie en 1752 une somme des connaissances sur la viticulture au XVIIIe siècle.
Elle s’est ensuite enrichie d’une série de planches finement dessinées par Maugein et gravées par Choffart qui montrent des pressoirs, cuves et divers instruments de vinification. Il fut officier de la Maison du roi et sommelier de la reine Marie-Antoinette.

[7MENNESSON (J.B.A.). Observateur rural de la Marne. Épernay, 1806.

[8PLONQUET (J.-L.). Recherches historiques, théoriques et pratiques sur la culture de la vigne dans le département de la Marne et la confection des vins de Champagne. Reims, s.d.

[9CAVOLEAU. Œnologie française ou Statistique de tous les vignobles et de toutes les boissons vineuses et spiritueuses de France, suivie de considérations générales sur la culture de la vigne. Paris, 1827.

[10VIOLART. Le Calendrier du vigneron champenois. Épernay, 1877.

[11HAMP (Pierre). La Peine des hommes. Marée raîche. Vin de Champagne. Paris, 1913.

[12Récoltes (Les) vinicoles de Bouzy el d’Ambonnay de 1788 à 1874. Reims, 1893.

[13CLAUSE (Georges). Vote sur la viticulture el le vignoble champenois au début du XIXe siècle, dans Mémoires de la Société d’agriculture, commerce, .sciences el arts du département de la Marne, année 1965.

[14SYNDICAT DU COMMERCE DES VINS DE CHAMPAGNE (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne). La Culture de la vigne en Champagne. Epernay, 1889.

[15FOUREUR (P.). La Vigne et le vigneron champenois (Coutumes vitivinicoles d’autrefois), dans Bulletin du Comité du folklore champenois, année 1950.

[16VILLIERS. Les Coteaux ou les Marquis frians. Paris, 1665.

[17BONNEDAME (Raphaël). Quelques mots .sur le vin de Champagne. Épernay, 1899.

[18URBAIN (Paul) et Léon JOURON. Le Vignoble champenois, sa culture et ses produits du Ve siècle à nos jours. Neufchâtel-en-Bray, 1873.

[19Epluchage et triage avaient au XIXe siècle la même signification. Les clayettes étaient en lattes de bois et, à partir de 1870, en osier.

[20CHAPTAL (Jean-Antoine, comte). L’Art de faire le vin par M. le Comte Chaptal. Paris, 1819. CHASTELAIN (Dam Pierre). Voir JADART.

[21La rebêche est ainsi nommée parce que, pour l’obtenir, on emploie à nouveau la bêche qui a servi pour les tailles.

[22SÉVIGNÉ (Madame de). Lettres.

[23Selon les régions de France et les époques,on écrit Pinot ou Pineau. En Champagne, c’est l’orthographe Pinot qui a prévalu. Le Pinot blanc est parfois pelé, mais improprement, Gamay blanc.

[24GODINOT (Attribué au chanoine jean). Manière de cultiver la vigne et déjoue le Vin en Champagne et ce qu’on peut imiter dans les autres Provinces pour perfectionner les Vins. Avignon, 1719. - Seconde édition augmentée de quelques secrets pour rectifier les Vins et des planches des divers pressoirs gravées. Reims, 1722.

[25Dans sa Topographie, édition de 1866, Jullien classe un Gros Plant vert dans les cépages de qualité, et indique un Petit Plant vert donnant des vins médiocres. Pour lui, le Marmot est un Gouais blanc, pour Bosc, c’est un Chasselas. Il existe aussi le Marmot vert, qui est l’Elbing d’Alsace, que Thudichum dit avoir rencontré en Champagne.

[26GUYOT (Dr jules). Culture de la vigne et vinification. Paris, 1860.

[27CHAPPAZ (Georges). Le Vignoble et le vin de Champagne. Paris, 1951.

[28LENOIR (A.). Traité de la culture de la vigne et de la vinification. Paris, 1828.

[29Le Petit Plant doré est le véritable Pinot de Bourgogne, celui du Clos-Vougeot, dont Lenoir dit en 1828 que c’est le plus ancien plant du pays.

[30A noter que les plants de raisins noirs sont appelés cépages noirs en Champagne mais cépages rouges dans certaines autres régions viticoles.

[31JULLIEN (André). Topographie de tous les vignobles connus. Paris, 1816, 1822, 1832, 1866 (Se édition, revue et corrigée et augmenlée par C.E. 7ullien).

[32ODART (Comte). Ampélographie universelle ou Traité des cépages les plus estimés dans tous les vignobles de quelque renom. Paris, 1849.

[33Dans l’Agriculture et Maison rustique d’Estienne et Liebault on lit que sur tous complants, nul n’es moins tendre à la gelée que le Gouëst, qui rend beaucoup de fruit.

[34DION (Roger). Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe, siècle. Paris, 1959.

[35JULLIEN (André). Topographie de tous les vignobles connus. Paris, 1816, 1822, 1832, 1866 (Se édition, revue et corrigée et augmenlée par C.E. 7ullien).

[36COUANON et F. CONVERT. Rapport des comités d’admission et installation des classes 36 et 60 : Viticulture. Vins el Eaux-de-vie de Vin. Exposition universelle internationale de 1900. Saint-Cloud, 1900.

[37CLAUSE (Georges). Vote sur la viticulture el le vignoble champenois au début du XIX e siècle, dans Mémoires de la Société d’agriculture, commerce, .sciences el arts du département de la Marne, année 1965.

[38MAIZIÈRE (Armand). Origine et développement du commerce du vin de Champagne. Reims, 1848.

[39GUYOT (Dr Jules). Etude des Vignobles de France, pour servir à l’enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises, tome 111. Paris, 1868.

[40Pétition des propriétaires de vignes des arrondissements d’Epernay et de Châlons, département de la Marne, adressée aux chambres et mémoire à l’appui. Epernay, 1829.

[41GRIMOD de la REYNIÈRE (Laurent). Almanach des gourmands. Paris, 1803-1812.

[42CAVOLEAU. Œnologie française ou Statistique de tous les vignobles et de toutes les boissons vineuses et spiritueuses de France, suivie de considérations générales sur la culture de la vigne. Paris, 1827.

[43ARNOULD (Ch.). Le Vin de Champagne (texte d’une conférence faite à l’occasion de la visite des membres du Congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences à l’établissement de Saint-Marceaux et C ’e le 18 août 1880). Épernay, 1880.

[44A titre de comparaison, dans le classement de Jullien on trouve dans les vins de première classe, en Bourgogne, le Montrachet, en Bordelais, le sauternes.

[45Dans l’édition de 1832, Jullien précise : Vins secs dits de Sillery, que l’on récolte à Ludes, Mailly, Verzenay et Verzy.

[46Bouzy ne figurait pas dans les classements antérieurs à celui de 1873 car pendant longtemps on n’y produisait que du vin rouge. En 1804, Pierre Failly écrivait à son correspondant, M. Christophe : A propos de Bouzy vous avez commis une grande faute dans votre annonce de 20 000 bouteilles de vin mousseux lorsque vous disiez dAy ou de Bouzy - on ne fait que du vin rouge dans ce dernier vignoble (A 26).

[47VIARD. Le Cuisinier royal. Paris, 1698, éd.. de 1837.

[48MONSELET (Charles). La Cuisinière poétique. Paris, s.d.

[49VIZETELLY (Henry). Facts about champagne and other sparkling aines. Londres, 1879.

[50HAMP (Pierre). La Peine des hommes. Marée raîche. Vin de Champagne. Paris, 1913.

[51MÉRIMÉE. Lettres à I14. Panizzi.

[52ODART (Comte). Manuel du vigneron. Paris, 1861.

[53OEBENSTEIN-LOEBEL (Professeur Ed.). Traité sur l’usage et les effets des vins dans les maladies dangereuses. Strasbourg, 1817.

[54REDDING (Cyrus). À History and description of Modern Wines. Londres, 1833.

[55REDDING (Cyrus). À History and description of Modern Wines. Londres, 1833.

[56DELVAU (Alfred). Les Plaisirs (le Paris, guide pratique et illustré. Paris, 1867.

[57REDDING (Cyrus). À History and description of Modern Wines. Londres, 1833.

[58Pétition des négociants en vins et des propriétaires et producteurs vinicoles de la Champagne adressée à M. le Maréchal Président du Conseil. Epernay, 1844.

[59LEGRAND (N.F.). Le Vin de Champagne. Reims, 1896.

[60THUDICHUM (J.L.VV.). A Treatise of Wines. Londres, 1894.

[61En valeur 1980, les prix limites à l’hectare de 1896, 7 800 et 40 000 francs, équivalent respectivement à environ 65 000 et 330 000 francs (23 300 et 118 500 euros 2004).

[62NÉRET (L.). Vertus, glanes d’histoire. Avize,

[63Guide d’or de Champagne. Cazilhac 1977.

[64La caque, panier d’une contenance de soixante kilos, était l’unité de prix pour les transactions en Montagne de Reims. Ailleurs l’unité était le kilo.

[65Les propriétaires importants pressuraient eux-mêmes et vendaient à la sortie du pressoir, à la goulette. On dira plus tard : à la goulotte.

[66FOUREUR (P.). La Vigne et le vigneron champenois (Coutumes vitivinicoles d’autrefois), dans Bulletin du Comité du folklore champenois, année 1950.

[67A Damery, en 1873, on payait 1,20 F le kilo le 7 octobre et 1,40 F le 8. A titre indicatif, le kilo de pain valait la même année 0,50 F.

[68Pour 1889, année aux prix anormalement élevés, on payait 3,50 F dans les grands crus, 2 F dans les moyens crus et 1 F ailleurs.

[69MOREAU-BÉRILLON (C.). Au pays du Champagne. Le Vignoble. Le vin. Reims, 1922.

[70FOUREUR (P.). La Vigne et le vigneron champenois (Coutumes vitivinicoles d’autrefois), dans Bulletin du Comité du folklore champenois, année 1950.

[71VIOLART. Le Calendrier du vigneron champenois. Épernay, 1877.

[72En valeur 1980, 2 000 francs de 1890 représentent environ 14 000 francs (5 000 euros 2004).

[73MENNESSON (J.B.A.). Observateur rural de la Marne. Épernay, 1806.

[74Annuaire ou Almanach du département de la Marne pour l’an 1806, Chaalons, s.d.

[75BERTALL. La Vigne, voyage autour des vins de France. Paris, 1878.