Le champagne a su se rendre indispensable. Il réjouit la jeunesse, dont il entretient l’entrain, émoussé par la trop grande abondance des plaisirs ; dans son préambule à L’Art du bien manger d’Emile Richardin, Lucien Tendret donne ces conseils aux amphitryons : à ceux qui pétillent de jeunesse et de gaieté, versez du vin de Champagne de première marque, du Piper-Heidsieck ou du Cristal de Roederer glacé. Il est le confident des dames et le compagnon attitré de ces hommes pour qui sabler le vin de Champagne était une vertu, pourvu que ce fût accompli avec grâce [2]. Les bains turcs et le hammam sont à la mode et on y sert régulièrement le champagne aux hommes qui viennent s’y délasser. Armand Lanoux précise que les nourritures et les vins sont riches et que l’on vante leurs vertus aphrodisiaques. Une dame écarlate, poursuit-il, met son gant dans sa flûte de champagne. Elle rit : « Je suis pompette ! » [3].
Les grandes soirées mondaines se multiplient ; on verse le champagne par centaines de bouteilles, et même par milliers, aux fêtes de Boni de Castellane, cousin du fondateur de la Maison de champagne du même nom, au Bal des pierreries de la princesse Jacques de Broglie, au Bal second Empire de la duchesse de Gramont, aux étonnantes fêtes persanes de la comtesse de Chabrillan et de la comtesse de Clermont-Tonnerre, pour ne citer que quelques-unes de ces manifestations parisiennes. Le couturier Paul Poiret raconte qu’un soir, alors qu’il se trouvait seul à une table avec Isadora Duncan, danseuse de grand talent, se produisant souvent sans voiles, cette bacchante l’attirait à elle en réclamant du champagne et des baisers [4]. Les festivités sont également nombreuses à Dinard, à La Baule, à Biarritz, et surtout sur la Côte d’Azur où, exemple entre cent, Elisseïef, joyeux boyard, fils et petit-fils des rois de l’alimentation sous l’empire des tsars, ogre des festins où figure, dressé au centre de la table, un cygne coulé en glace, bourré d’une montagne de caviar, naviguant sur des lacs de champagne [5].
La haute société est encore plus cosmopolite qu’au siècle précédent et pour elle le champagne coule dans les villes d’eaux allemandes, dans les chasses en Ecosse ou en Slovaquie, à Budapest et à Venise où Gabriel-Louis Pringué, à un dîner auquel assistent entre autres Français Paul Bourget et Henri de Régnier, a comme voisine de table une princesse Ruspoli, blonde et jolie qui, écrit-il, aimait le champagne, ajoutant que lorsqu’elle en buvait, sa verve devenait étourdissante [6] . Le tango apparaît en France vers 1910, mais nonobstant ses origines sud-américaines, c’est le champagne qui souvent l’accompagne ; sur un dessin publicitaire pour les Thés-Tangos du restaurant Volney, paru dans la Vie Parisienne du 20 décembre 1913, on ne voit sur les tables que des coupes.
Le champagne a toujours autant de succès dans les courses hippiques, mais il est lié aussi aux débuts de l’automobile. Si le pneu Michelin boit l’obstacle, c’est, d’après un dessin de l’Assiette au beurre du 9 décembre 1904, en écrasant dans un flot de champagne la table du contrôle de l’arrivée d’une course automobile, sa façon de boire le champagne.
La Belle Epoque est le règne des célèbres demi-mondaines, Emilienne d’Alençon, Cléo de Mérode, Caroline Otéro. Elles sont fêtées par les grands noms de l’aristocratie, par les grands-ducs, par les rois ; âgé de 25 ans, le prince Ghyka, neveu de la reine Nathalie de Serbie, épouse Liane de Pougy qui en a 41. La vie de ces belles de la grande bicherie ne se conçoit pas sans champagne ! Il est maintenant admis que les dames de la bonne société les côtoient dans les endroits à la mode où se rejoignent le grand luxe et le bon goût. Tout le monde se retrouve et boit donc du champagne dans les restaurants en vogue.
Mais le temple du champagne, c’est le célèbre restaurant de la rue Royale, créé en 1891 par un obscur Maxime Gaillard, devenu en 1893, le jour du prix de Diane, Maxim’s. Les riches clients qui le hantent constituent l’élite des buveurs de champagne. Ils le prennent au bar entre garçons, ou ils l’offrent à table aux grandes dames qui les accompagnent aussi bien qu’aux demi-mondaines en renom. Chez Maxim’s, on boit du brut lorsque l’on est amateur de nouveauté, mais plus volontiers, écrit Armand Lanoux, le champagne sucré, goût caucasien et carte verte.
Un certain Maurice Bertrand, que Sem appelait le monsieur-de-chez-Maxim’s, pour assurer son ravitaillement était devenu représentant de la maison Heidsieck & C° Monopole. André de Fouquières raconte qu’il avait introduit chez Maxim’s... un enterrement. Le corbillard avait fait halte devant la maison, et quatre croque-morts avaient empoigné le cercueil, suivis par Bertrand qui sanglotait, proposant aux clients de voir une dernière fois son malheureux ami. On ouvre alors le cercueil et on découvre... des bouteilles, gui furent sablées aussitôt à la santé de Cornuché [7].
Il est un autre secteur du plaisir dont il faut bien parler, ne serait-ce que brièvement, c’est celui des maisons closes, car il s’y boit énormément de champagne, tout au moins dans les plus sélectes d’entre elles, au Chabanais, au One-Two-Two, et... à Reims, au Palais oriental, plus connu comme le P.O. dont la réputation est telle que l’on y vient de Paris. Dans Maisons closes, Romi précise que la consommation mensuelle du P.O. en vins de Champagne dépassait celle de la totalité des restaurants et cafés de la ville.
Il écrit d’autre part que lors de la vente de l’ameublement du Chabanais, en 1951, l’enchère la plus élevée fut atteinte par la baignoire de cuivre rouge où le champagne du prince de Galles coulait à la Belle Epoque. Le bar des Folies-Bergère est aussi un des hauts lieux de l’amour vénal, et sa splendide représentation par Manet prouve qu’il est bien fourni en bouteilles au casque d’or.
Le bar est d’ailleurs, depuis la fin du XIXe siècle, un lieu de rencontre privilégié. Dans ceux des hôtels et des restaurants de luxe, on boit fréquemment du champagne qui, vers 1905, à la faveur de la mode des cocktails, se répand sous forme de champagne-cocktail dans tous les bars de bon aloi. On soupe toujours, mais on prend aussi l’habitude d’aller boire du champagne de place en place dans les restaurants de nuit de Montmartre. Lorsque ces établissements sont représentés par les dessinateurs de l’époque, on voit toujours au premier plan le champagne dans son seau. Il est de bon ton de le boire sec, ce qui n’est cependant pas encore du goût de tout le monde. C’est peut-être une mode, écrit Francis de Miomandre dans la Vie Parisienne du 10 mai 1913, mais c’est sûrement une hérésie ; le champagne des cafés de nuit est une invention du diable. Autre manifestation de l’association fête-champagne : il existe des bouteilles factices sous pression, d’où s’échappent des confettis lorsque l’on coupe la ficelle qui retient le bouchon.
On ne doit pas oublier que si le champagne est le compagnon des plaisirs, il tient aussi une grande place dans le cercle de famille, à tous les degrés de la société aristocratique et bourgeoise. Considéré pendant longtemps comme un vin de luxe, il s’est universalisé, et maintenant on le trouve sur toutes les tables aux jours de fête ou d’heureux anniversaire [8]. Il est de plus en plus fréquemment apprécié pour ses mérites propres, en une période dont André Simon, qui en était le témoin éclairé, a écrit qu’elle a fourni beaucoup de champagnes de bonne qualité, voire excellents et même remarquables, les meilleurs étant les vins de 1904 et 1906, suivis par ceux de 1905, 1907 et 1908 [9]. On peut ajouter que les millésimes 1911, 1913 et 1914 ont aussi été de tout premier ordre, sans omettre, bien sûr, l’année 1900 qui avait donné des vins excellents et abondants.
Il est devenu normal de servir le champagne dès que l’on est à table. Edmond Richardin écrit que les vins de Champagne peuvent être servis pendant toute la durée du repas [10], et dans Les Classiques de la Table Justin Améro chante les festins où le champagne pleut. Le champagne est cependant toujours considéré essentiellement comme un vin de dessert ; dans son ouvrage Le Vin et la chanson, paru vers 1913, Octave Pradels intitule Le roi du dessert le chapitre qui lui est consacré. Il s’agit alors, comme toujours, de vins très dosés. Le champagne continue à être servi frappé, ou tout au moins très froid, mais les bouchons ne sautent plus aux repas de cérémonie, pour lesquels les maîtres d’hôtel doivent faire préparer les bouteilles en dehors de la salle à manger, pour éviter aux convives le bruit de la détonation du bouchon.
Sans que la flûte soit abandonnée, la coupe a désormais la préférence, ainsi qu’en témoignent les dessins et affiches de l’époque. Il en est de même de la littérature : Quand M. Bloch nous eut laissé tremper nos lèvres dans des coupes plates, écrit Proust dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Les vrais amateurs le regrettent, et en 1922 Edouard de Pomiane écrira : Revenez à la flûte que les Champenois n’ont jamais abandonnée ; laissez la coupe à ceux qui ne comprennent pas la poésie du champagne et le ballon à la clientèle cosmopolite des cabarets de Montmartre [11].
Les hommes de lettres et auteurs dramatiques, dans la mesure où leurs œuvres s’y prêtent, font la part belle au champagne, comme d’ailleurs les dessinateurs des revues.
Dans le numéro de la Vie Parisienne du 29 novembre 1913, on trouve deux dessins avec du champagne, signés Préjelan, sous le titre Béguinette soupe à Montmartre. L’un est intitulé Le 10e verre de champagne, l’autre Le baptême de la ligne, ce dernier représentant Béguinette, peu vêtue, arrosant sa jolie ligne avec une bouteille de champagne. Le Champenois Willette se sert souvent du champagne pour ses dessins du Chat-Noir, du Courrier français, du Boulevard, du Rire. Abel Faivre, dans sa série Les Médecins, dessinée pour l’Assiette au beurre, fait rafraîchir le champagne dans les bassins de la salle d’opérations, et dans le même journal satirique des caricatures de Grandjouan et de Radiguet mettent en cause le docteur Doyen, chirurgien, producteur de champagne, dont Maurice de Waleffe écrit : Le chirurgien Doyen, cynique, jouait sa réputation au couteau ; sablant ses victoires au champagne, il lança une marque de vin, le champagne Doyen, ce qui fit scandale.
Entre 1900 et 1914, l’expansion commerciale du champagne va de pair avec son succès, sans pourtant retrouver l’élan des dernières années du XIXe siècle. Les éléments d’activité sont analogues et ils bénéficient d’une conjoncture économique nationale excellente. Le Négoce en particulier fait preuve d’un allant remarquable dans la conduite de ses affaires, et parallèlement au Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne) fonctionne l’Association syndicale des négociants en vins de Champagne, créée en 1912. Mais la Champagne viticole souffre des maux que l’on sait. Ceux-ci ont amené une légère hausse des prix qui, en 1913, met la bouteille entre 3 et 9 francs (9 et 26 euros 2004), tandis qu’à l’exportation les droits de douane augmentent encore, 4 F 15 (12 euros 2004) par bouteille aux Etats-Unis, 4 F 40 (13 euros 2004) en Allemagne.
À la concurrence des mousseux, toujours vive, s’ajoute maintenant celle du whisky, le scotch and soda dont le succès croît rapidement à Paris. Le Négoce poursuit donc ses efforts de publicité. Une Collectivité de maisons faisant partie du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (qui deviendra Syndicat de Grandes Marques, puis, en 1994, Union des Maisons de Champagne) participe aux expositions de Liège en 1905 et de Milan en 1906, à l’Exposition franco-britannique de Londres en 1908, à l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles en 1910, aux expositions de Quito, Saragosse, Seattle, et, en France, de Bordeaux, Lyon, Nancy et Roubaix. À l’exposition de Bruxelles, Mercier dresse un arc de triomphe de 15 000 bouteilles et Moët & Chandon reconstitue l’Abbaye royale d’Hautvillers et le pressoir de Dom Pérignon. En Champagne, le Négoce participe, bien entendu, à l’Exposition internationale de Reims, en 1903. À Épernay, il collabore avec un groupement de vignerons, l’Union syndicale des viticulteurs champenois, qui date de 1889, pour organiser la Foire aux vins de Champagne d’Épernay, qui a lieu chaque année de 1905 à 1910, période de mévente pour le vignoble, dans le but de faciliter l’écoulement des vins tranquilles, appelés alors vins nature, rouges et blancs, sans que d’ailleurs le champagne de marque en soit absent. La foire comporte une exposition de matériels viticoles et vinicoles.
Le champagne accompagne les débuts de l’aviation et en tire parti pour sa promotion. Sur une pleine page de la Vie Parisienne du 28 août 1905 figure un énorme coq gaulois sur fond d’aéroplanes et de dirigeables avec la légende : Cocorico... C’est nous Clicquot, Mumm, Roederer, Moët et Pommery, qui triompherons de l’air ! Car tous les coqs français chantent dans la campagne ; le meilleur des moteurs est le vin de Champagne.
En 1909, assisté de personnalités rémoises, dont plusieurs producteurs de champagne, sous la présidence d’honneur du Docteur Langlet, maire de Reims, Melchior de Polignac, chef de la maison Pommery et Greno, organise pour la première fois en France un Tournoi d’oiseaux, une semaine d’aviation. La Grande semaine de Champagne a lieu du 22 au 29 août à Bétheny, aux portes de Reims, et le champagne en retire un grand bénéfice sur le plan de la propagande. Le champagne accompagne les débuts de l’aviation et en tire parti pour sa promotion.
C’est une idée audacieuse ; il y a seulement un an que FARMAN a bouclé le kilomètre et le maniement des aéroplanes est encore pleins d’aléas20. Mais ce sera une réussite complète, au retentissement international, due à la participation des as de l’aviation : BLERIOT qui vient de traverser la Manche, BREGUET, Esnault-Pelterie, Ferdinand FERBER alias « de Rue », Louis Paulhan, Roger Sommer, Gabriel et Charles VOISIN, les Frères Wilbur, Orville WRIGHT et bien d’autres ! De nombreux records seront battus et le Président de la république Armand Fallières honorera cette manifestation de sa présence.
Le champagne et ses Grandes Marques avaient lourdement investi en offrant de nombreux prix :
Toutes ces Grandes Marques, comme d’autres, accompagnent les manifestations de leur présence stimulante. Son image est omniprésente, et l’Illustration du 4 septembre 1909 rapporte que le champagne se boit en grande quantité à la tribune-buffet, un des succès de Bétheny et dans les nombreux banquets officiels. André Simon, qui y avait participé, racontait qu’à l’un d’eux chaque convive disposait de son propre magnum et qu’à la fin du déjeuner il ne restait plus rien dans les bouteilles.
La champagne qui avait été consacrée à la suite du 1er meeting aérien du Mondes d’Août 1909 « Berceau de l’Aviation du Monde » conforte sa position. Ses vastes plaines planes attirent plusieurs Ecoles de pilotages comme celle des avions ANTOINETTE dirigées par Latham ou celle des Frères VOISIN dirigée par Henri Farman dont les ateliers sont installés au camp de Châlons-en Champagne depuis 2 ans déjà.
En 1910 a lieu selon la même formule la Grande semaine d’aviation de Champagne, avec une participation encore plus importante des négociants, non seulement de Reims mais également d’Épernay. C’est la répétition du succès de 1909, attristée malheureusement par la mort du pilote Wachter et la blessure de Mme de Laroche, seule femme pilote. La même année, le 21 mai, est gagné par J. de Lesseps le Prix Ruinart Père et Fils qui avait été créé en 1906 par le champagne Ruinart pour récompenser une traversée de la Manche par un appareil plus lourd que l’air, se mouvant par les seuls moyens de propulsion du bord.
Les chiffres des expéditions entre 1900 et 1914 s’établissent comme suit, en nombre de bouteilles, par année comptée d’avril à mars :
On s’aperçoit à l’examen de ce tableau que les expéditions ont augmenté de 35 % de 1900 à 1911, mais compte tenu des gains importants du marché français, débouché principal des autres vins mousseux de la Marne, et de la relative stagnation de l’exportation, domaine du champagne, il semble que celui-ci n’ait que modérément progressé. À partir de 1911, les expéditions régressent, conséquence logique de plusieurs mauvaises récoltes, qui ont eu pour résultat un épuisement des stocks qui sont à un niveau critique, ce qui fait écrire au Vigneron champenois du 8 juillet 1914 : Nous n’avons plus rien à vendre, nous ne vendons pas.
Les chiffres des exportations restent supérieurs de plus du double à ceux des ventes en France.
Le classement des principaux marchés s’établit comme suit, en nombre de bouteilles exportées en 1913 :
Depuis le début du siècle, les chiffres des exportations vers la Belgique, l’Argentine et la Russie ont été respectivement multipliés par 3, par 10 et par 2. Par contre, le marché anglais a été très irrégulier et a chuté d’un tiers. C’est une conséquence accidentelle de la conjoncture économique. Outre-Manche, en effet, on boit le champagne comme un vin de table de luxe, dans les cercles de plus en plus étendus ; dans The man who was Thursday, ce sont même des anarchistes que Chesterton représente en train de le boire. De plus, Edouard VII étant roi et empereur, le champagne règne, devenant le symbole de l’Entente cordiale, consacrée par la signature des conventions de 1904 et par l’Exposition franco-britannique de 1908.
Aux Etats-Unis, les ventes de champagne ont presque quadruplé entre 1900 et 1909, malgré les droits exhorbitants, la concurrence des produits locaux, les domestic champagnes, et l’influence grandissante des ligues antialcooliques.
Les nouveaux millionnaires en font une grande consommation, et en 1906 à San Francisco, deux heures avant le tremblement de terre, chez le fastueux mécène de la côte du Pacifique, James Ben Ali Haggin, le célèbre ténor Caruso, après avoir chanté Carmen à l’Opéra, donnait le grand air de Paillasse, la main majestueusement posée sur le goulot d’un magnum de champagne vide [12]. Comme en France, le champagne est devenu aux Etats-Unis la boisson obligée de tous les lieux de plaisirs. Dans le quartier réservé de la Nouvelle-Orléans, le vin coulait à flots, écrit Alan Lomax, comme si ç’avait été de l’eau, et plus encore... c’était du champagne Clicquot ou du Mumm extra-dry [13].
L’arrivée au pouvoir de Wilson, en 1912, ouvre cependant une ère d’austérité officielle. Si le président bannit le vin de sa table, les bals privés n’en continuent pas moins avec un luxe inouï et le champagne y coule abondamment, mais la puissance du mouvement antialcoolique fait retomber le marché des Etats-Unis aux chiffres de 1900, déception d’autant plus sensible que les espoirs avaient été plus grands.
De nouveaux marchés s’ouvrent au fur et à mesure du développement de la fortune des nations et de celle de leurs citoyens. C’est le cas, par exemple, de l’Australie, d’où Marcel Heidsieck écrit en 1909, de Kalgoorlie, centre des mines d’or : Après la paye du samedi, le mineur vient jeter sa livre sterling sur le comptoir de l’un des nombreux bars-hôtels de cette ville... et il s’offre le meilleur champagne [14]. On peut donc dire que le monde entier subit désormais la loi pétillante du champagne.
[1] PANGE (Comtesse jean de). Comment j’ai vu 1900. Paris, 1965.
[2] GANDON (Yves). Champagne. Neuchatel, 1958.
[3] LANOUX (Armand). Amours 1900. Paris, 1961.
[4] POINSIGNON (Maurice). Histoire générale de la Champagne el de la Brie. Châlons-sur-Marne, 1886.
[5] WALEFFE (Maurice de). Quand Paris était un paradis. Paris, 1947.
[6] PRINGUÉ (Gabriel-Louis). Portraits et fantômes. Paris, 1951.
[7] FOUQUIÈRES (André de). Cinquante ans de panache. Paris, 1951.
[8] Reims en 1907. Rapport du Congrès de Reims de l’Association française pour l’avancement des sciences -11 au 6 août 1907.
[9] SIMON (André). The History of champagne. Londres, 1962.
[10] RICHARDIN (Edmond). L’Art du bien manger. Paris, 1904.
[11] POMIANE (Dr Edouard de). Bien manger pour vivre. Paris, 1922.
[12] SAPIN (Louis). Terreur sur San Francisco, dans Le Roman vrai du demi-siècle 1900-1918 de Gilbert GUILLEMINAULT. Paris, 1960.
[13] LOMAX (Alan). Visier Jelly Roll. Paris, 1964.S
[14] HEIDSIECK (Marcel et Patrick). Vie de Charles Heidsieck. Reims, 1962.