UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

Comment déguster le champagne ?

Avant de boire le champagne, il faut le déguster. Comme l’a très bien dit dans le numéro d’août 1975 de Gourmet Gerald Asher, journaliste et écrivain américain, ce ne sont pas seulement les bulles qui font le champagne, après tout, c’est le vin qui est autour des bulles et il n’y a pas deux vins qui soient les mêmes. Mais la dégustation de l’amateur n’est pas celle du professionnel qui pratique une analyse exhaustive et, dans ce but, se livre parfois à des mimiques manquant d’élégance et confinant même à la grimace. L’amateur déguste uniquement pour son plaisir, pour ne rien perdre des qualités que le vin présente dans différents domaines, et il le fait avec discrétion, avec modestie car il y a dans la dégustation une grande part de subjectivité, avec prudence car il est bien connu que même les professionnels les plus exercés peuvent se tromper.
Il appartient d’abord à l’hôte, s’il est au restaurant, de donner après un très bref examen olfactif et gustatif son agrément au sommelier ou, au contraire, de lui exprimer ses observations. S’il est chez lui, il vérifiera de même que la bouteille est convenable. Rien n’empêche d’ailleurs que ce rôle soit joué par l’hôtesse, bien au contraire ; son intuition fait de la femme une excellente dégustatrice.
La dégustation, même très simplifiée, doit se faire sans hâte et selon un processus obligé si on veut être en mesure de se former une opinion sérieuse sur le vin qui est examiné. Pour pouvoir juger au mieux des caractéristiques du champagne, il faut que sa température ne soit pas trop basse : on déguste mieux à 12° qu’à 6°. On doit aussi utiliser des verres d’un modèle convenable et remplis au tiers.
La succession des actes de la dégustation est logique, et à chacun d’eux correspond un vocabulaire particulier dont voici l’essentiel :
1. Phase visuelle. C’est l’examen de la couleur (robe), qui peut être jaune pâle, jaune-vert, jaune clair, paille, or, dorée ou, pour des vins âgés, ambrée, mais plus simplement normale, tachée ou décolorée. Puisqu’il s’agit d’un vin effervescent, c’est aussi et surtout l’examen des bulles, dont la finesse, la régularité et la persistance sont, avec la tenue du cordon de mousse, le signe d’un grand champagne. Comme l’a écrit le Dr. de Pomiane, ce travail du vin est un de ses charmes et c’est une hérésie de ne pas le contempler [1].
2. Phase olfactive. On respire le vin, on le hume, pour apprécier la qualité du bouquet, qui doit être fine et agréable, mais non pas commune, grossière ou désagréable, et son intensité, qui peut être puissante, suffisante ou faible, mais doit permettre dans tous les cas une perception convenable. Pour obtenir un meilleur dégagement des odeurs les moins volatiles, on peut, si on est seul ou en compagnie de connaisseurs, imprimer au verre un mouvement giratoire pour aérer le vin.
3. Phase gustative. On prend une petite gorgée que l’on conserve quelques instants dans la bouche, par laquelle le dégustateur exercé aspire un peu d’air afin de diviser le vin en gouttelettes et de lui permettre ainsi de mieux imprégner les muqueuses. On apprécie l’acidité qui peut être excessive (vin vert, nerveux), équilibrée (vin frais, souple) ou insuffisante (vin plat, mou), le corps qui peut être lourd, puissant, suffisant, léger, les arômes de bouche dont la qualité peut être élégante, plaisante, commune, grossière, usée et dont l’intensité peut être puissante, moyenne ou faible, et les caractères plus ou moins accusés, la durée de la perception des saveurs (après que la gorgée a été avalée) qui doit être longue plutôt que courte.

4. Synthèse. De l’analyse sensorielle, telle qu’elle découle de chacune des phases, on déduit des impressions d’ensemble sur la classe vin, son élégance, ses caractères particuliers, et on les échange avec ses amis, à l’exemple de Talleyrand qui, dégustant une eau-de-vie, disait : « On la respire, et puis on pose son verre, et on en parle » [2] . Le Champagne se juge selon des critères qui lui sont propres. Il est considéré comme étant de qualité si la bulle est fine, le cordon de mousse satisfaisant, les intensités olfactive et gustative modérées, ce que l’on traduit en disant qu’il est équilibré et d’une bonne finesse.
Comparant champagne et mousseux, Alexis Lichine dit avec juste raison : Il n’est guère besoin d’être expert pour distinguer l’authentique de l’imitation dès la première gorgée  [3]. Mais tous les champagnes sont dissemblables. Cela vaut donc la peine d’en différencier les nuances par la dégustation. Elle doit être très attentive car ce sont des aristocrates, gardant une certaine réserve et ne se livrant pas au premier abord. Par contre la dégustation est bien à portée de l’amateur car elle peut s’exprimer par un langage simple.
On n’emploie en Champagne ni une terminologie très technique, ni le vocabulaire imagé, les comparaisons hasardeuses et les allusions aux détails de l’anatomie humaine en usage dans certains vignobles où les vins aux arômes de venaison, de gingembre, de troène de bergamote ont de la jambe ou de la cuisse. Tout au plus parle-t-on parfois de parfums de fruits pour un champagne rosé assez près d’un vin rouge, donc déjà en dehors de son type classique. À titre exemple, voici le résultat d’une analyse officielle : Aspect clair et couleur normale, bulles légères au dégagement régulier, donnant un cordon de mousse persistant. Nez généreux, bouquet agréable. Acidité équilibrée, de la fraîcheur, du corps. Arômes développés et plaisants, particulièrement longs en bouche. En résumé grand vin, que son élégance permet de classer parmi les champagnes de la meilleure tradition.
Avant d’en terminer avec ce sujet, il convient de faire justice des pseudo dégustations comparées qui reviennent périodiquement dans une certaine presse. Leurs résultats n’ont en général aucune valeur. Des juges de compétence égale, comme le prouve l’écart des notes, y comparent des champagnes qui ne sont pas susceptibles de l’être, en raison de leurs différences de constitution et de vieillissement. De plus, les modalités de conservation varient considérablement de l’un à l’autre. En matière de dégustation, la règle d’or est de ne comparer que ce qui est comparable.

Notes

[1POMIANE (Dr Edouard de). Bien manger pour vivre. Paris, 1922.

[2LACOUR-GAYET (Georges). Talleyrand. Paris, 1947.

[3LICHINE (Alexis). Encyclopédie des vins et des alcools de tous les pays. Paris, 1980.