On lit ce qui suit dans Champagne vin de France, le document d’information de base du C.I.V.C. : Le champagne a séjourné chez les producteurs le temps nécessaire à sa complète évolution. Il n’est donc ni utile ni souhaitable de le laisser vieillir chez soi. On trouve les mêmes affirmations dans les notices que font éditer les maisons de champagne et les récoltants-manipulants ainsi que sous la plume des experts. On a vu en effet précédemment que le champagne n’est pas un vin de garde. Odette Kahn le rappelait dans le numéro d’avril 1980 de Vogue Hommes : Le champagne ne gagne pas à vieillir. Les années n’amélioreront pas sa qualité, au contraire, vous risqueriez de boire un vin oxydé qui aurait perdu la fraîcheur et le pétillement qui en font le roi des vins. Le champagne ne s’améliore pas en prenant de l’âge dans la cave de l’acheteur. Il est prêt à être consommé dès la sortie du cellier d’expédition, après toutefois quelques semaines de repos, malgré sa réelle aptitude au transport, pour que soit intégralement rétabli son équilibre moléculaire qui a pu être quelque peu perturbé pendant le voyage. Mais, si nécessaire, il peut être bu très agréablement sans attendre. On peut même suivre le conseil d’Enrico Guagnini qui écrit : Quand vous recevez des bouteilles de champagne en hommage, ne les déposez pas à la cave, mettez-les immédiatement sur la table et buvez-les l’une après l’autre [1] !
On sait, et on va y revenir, qu’il existe plusieurs facteurs défavorables à la conservation du champagne. Si celle-ci est incorrecte après son arrivée, ou si elle l’a été avant la livraison, il peut perdre très rapidement ses qualités. Il est donc prudent de le boire sans tarder, sauf si on est sûr qu’il a été antérieurement bien conservé et si on possède une bonne cave. Une cave est réputée bonne lorsqu’elle est à une température fraîche et constante, 10 à 12° centigrades, 15 au maximum. L’humidité ne nuit pas, à condition de ne pas être excessive (60 à 70 d’hygrométrie est l’idéal) sous peine de voir les étiquettes endommagées et, à la limite, les bouchons devenir le siège de moisissures dont le goût pourrait se communiquer aux vins. La cave doit en outre être protégée contre tout ce qui est néfaste au maintien de la qualité du champagne, lumière, odeurs nauséabondes, courants d’air, changements brusques de température et trépidations. Si on dispose d’une cave répondant à ces normes, tant mieux. Sinon, on fera ce que l’on pourra pour mettre ses réserves dans des conditions aussi voisines que possible de celles de la cave idéale, sachant qu’il n’y aura pas lieu de s’inquiéter outre mesure à partir du moment où on aura mis les bouteilles couchées et à l’abri de la lumière. Ces deux points sont essentiels.
Le champagne ne supporte pas la station debout. Pour vivre heureux le champagne doit vivre couché, tel était l’intitulé d’un document d’information du C.I.V.C. destiné aux revendeurs. Comme le disait déjà Charles Monselet, la bouteille doit être couchée, sinon le bouchon se dessèche, perd de son élasticité et laisse fuir une partie du gaz [2]. Le champagne risque ainsi de perdre son effervescence, et aussi une partie de ses arômes. En outre, à l’ouverture de la bouteille, le bouchon est exposé à se casser. Si au contraire celui-ci reste au contact du vin, le champagne supporte bien les aléas de la conservation, même ceux d’ordre thermique, encore qu’il soit prudent de le mettre à l’abri des fortes chaleurs et des changements brusques de température.
Mais, dans tous les cas, le champagne se dégrade s’il est exposé à la lumière, dont on connaît les effets néfastes et la rapidité avec laquelle ils se font sentir. Pour éviter les goûts de lumière, il est donc indispensable de le laisser dans l’obscurité. Sinon, il faut au moins le protéger par un verre filtrant de teinte brune ou envelopper les bouteilles de cellophane jaune ou de papier d’aluminium, à défaut de pouvoir bénéficier d’une des rares sources de lumière, toujours onéreuse, dont les effets sont moins grands sur les vins, telles que les lampes à vapeur de sodium.
En conséquence, en l’absence de cave convenable on couchera le champagne dans un casier à bouteilles dans un local aussi obscur que possible, se rapprochant au maximum des conditions de conservation. Si l’humidité n’est pas exagérée, les bouteilles peuvent rester dans leur carton si elles ont été livrées en nombre, ce qui les laisse à l’abri de la lumière. Une solution onéreuse mais efficace est le cellier d’appartement, ensemble de casiers ou d’armoires réfrigérés, construit de telle sorte que chaque compartiment soit à une température déterminée ; le champagne peut y être gardé sans dommage dans la section qui lui est attribuée.
La bonne conservation du champagne est aussi le fait de l’organisation du point de vente. Les marchands de vins détaillants prennent en général toutes les précautions pour l’entreposer dans les meilleures conditions. Il faut cependant regretter que l’on voie trop souvent à l’étalage du champagne debout en pleine lumière qui, s’il est ensuite vendu, sera immanquablement mauvais alors qu’il existe des bouteilles factices destinées aux vitrines. Dans les « grandes surfaces », le problème de la conservation n’est pas toujours résolu de manière satisfaisante. Il en est trop où les bouteilles sont debout, constamment et directement éclairées par des tubes au néon. Comme le faisait remarquer un rédacteur de la Revue vinicole internationale de janvier 1979, les directeurs des grandes surfaces ont beau dire que chez eux le produit ne reste pas longtemps, chacun sait que les linéaires sont toujours rechargés par l’avant, et par conséquent certaines bouteilles peuvent rester longtemps sur les rayons. La naissance d’un goût de lumière est, dans ces conditions, inévitable. Heureusement, ce sombre tableau n’est pas général. On a évoqué la campagne d’information menée depuis 1974 par le C.I.V.C. et les professionnels pour améliorer la situation, et il existe des supermarchés parfaitement organisés pour la présentation du champagne, qui est couché à l’abri de la lumière dans des bacs, un spot lumineux éclairant une bouteille témoin et l’indication du prix.
En tout état de cause, et il ne faut pas se lasser de le répéter, on fera en sorte de ne pas garder trop longtemps le champagne chez soi, car il est impossible pour un particulier de savoir si la chaîne de la qualité n’a pas été rompue à un moment ou un autre de la vie de la bouteille. En admettant que le champagne ait toujours été maintenu dans le meilleur état, que la bouteille ait ensuite été couchée dans une excellente cave, la qualité restera étale pendant 3, 4, 5 ans après une expédition suivant dans les délais normaux le dégorgement, peut être 6 ou 7, puis elle déclinera. Et si la bouteille a été exposée à la lumière avant l’achat, le mal est déjà fait et ne peut que s’aggraver. En réalité, l’acheteur est dans l’incapacité d’évaluer le temps que restera son champagne en cave sans s’abîmer, car il dépend, outre de la conservation, de la façon dont a été constituée la cuvée et élaboré le champagne, et des transformations internes subies ensuite par le vin. Maumené a écrit que l’on ne peut fixer le temps de garde du champagne car un mélange aussi complexe que le vin doit.subir des modifications très nombreuses et très-variables [3]. Et surtout, l’acheteur ignore le plus important, la date à laquelle a été dégorgé le champagne qui, à peu de choses près, marque le début de son déclin. On peut s’étonner, à ce propos, que les producteurs n’aient pas eu l’idée d’inscrire l’année de dégorgement sur l’étiquette. Ils y ont pensé, et certains la font figurer sur l’habillage de leur cuvée spéciale. Mais, en réalité, cela risque d’être un leurre pour le consommateur qui reste le plus souvent dans l’ignorance de la manière dont les bouteilles sont ensuite conservées. En voici un exemple : en 1979, le 1973 dégorgé en 1976 aurait dû être parfait s’il avait été gardé dans de bonnes conditions alors que dégorgé fin 1978 il aurait déjà été altéré s’il avait été exposé à la lumière.
Certains connaisseurs courent cependant délibérément le risque de conserver systématiquement leur champagne plusieurs années. Ce sont les amateurs de champagnes âgés. Rares en France, on les trouve en assez grand nombre en Grande-Bretagne où ils restent fidèles à une tradition ancienne qui, on l’a vu, a pris naissance dans la deuxième moitié du XIXe siècle quand ont été introduits en Angleterre des champagnes faiblement dosés. Ils étaient si durs pour le goût de l’époque que les premiers essais s’e, onn souvient, avaient échoué. Si bien qu’a été prise outre-Manche l’habitude de les laisser vieillir et de ne les boire que sur leur déclin. Salleron parlait en 1886 de l’Angleterre, le pays où le vin de Champagne est gardé en cave de longues années avant d’être bu. Arrivé à ce stade, le champagne a perdu une partie de sa pétulance et beaucoup de sa fraîcheur ; en contrepartie, il est devenu plus souple. Son bouquet s’est enrichi mais il s’est transformé pour donner un goût de madérisation plus ou moins prononcé. Si le résultat peut plaire à certains palais, le champagne a néanmoins changé de caractère, il est devenu un autre vin.
Comme l’écrivait Yoxall dans le numéro d’avril 1979 de House and Garden, les vieux champagnes ont leur fascination et il est vrai qu’ils ont leur charme. Mais leur succès auprès des Anglais semble bien venir paradoxalement des habitudes anciennes de rechercher des vins secs dont l’âge fera perdre... la sécheresse. Parlant de ces vins, Vizetelly écrivait en 1882 : Il est vrai que leur effervescence s’est modérée matériellement, mais leur bouquet et leur saveur étaient parfaits, et leur douceur et leur délicatesse quelque chose de merveilleux [4]. Écrivant à la même époque Feuerheerd était cependant moins optimiste : c’est une erreur de penser que ces vins peuvent être gardés très longtemps, en réalité il deviennent pour beaucoup d’entre elles insipides et sans goût après quelques années [5] Effectivement les dangers sont grands, on vient de le voir. Pour reprendre l’exemple ci-dessus, un 1973, que l’on aurait mis dans sa cave en 1979, s’il avait été dégorgé la même année ne serait peut-être pas encore madérisé en 1986, année à laquelle il le serait très probablement s’il avait été dégorgé en 1976, car il serait alors resté dix années sans le secours de ses lies, dont trois dans des conditions de conservation inconnues.
Que faut-il penser des bouteilles de champagne non pas récemment dégorgées, mais très anciennement dégorgées, comme par exemple celles qui en 1938 furent prélevées par Max Allégrier sur les excellentes caves de Lucas-Carton pour la visite à Paris des souverains britanniques et dont les millésimes 1895 et 1900 étaient ceux de leurs années de naissance [6] ? Quelques grandes maisons aiment à faire déguster à un de leurs hôtes le champagne de son millésime mais sur place, avec des bouteilles provenant de leurs caves où elles sont restées sur leurs lies. Quand un négociant vous fait boire avec une légitime fierté en 1970 un 1911 ou un 1914, il a été dégorgé le matin de la dégustation, et même dans ce cas il faut compter que sur trois ou quatre bouteilles, bien souvent une seule est bonne. En définitive, tout est affaire de goût. Dans Notes on a cellar-book, George Saintsbury raconte qu’il a dégusté en 1884 un Perrier-Jouët de l’année 1857 et qu’il était si majestueux que l’on était tenté de le boire comme une liqueur légèrement pétillante. Voilà cependant une boisson qui ne peut plaire à tout le monde et pour ce qui est du caractère majestueux du champagne, André Simon, qui a cité l’anecdote dans The History of Champagne, estime qu’il appartenait à l’âge de la crinoline, pas à celui des bikinis. Le goût pour les champagnes âgés des Britanniques, et de rares autres amateurs eux-mêmes généralement âgés, est parfaitement légitime et respectable, mais il ne saurait en aucun cas être érigé en règle.
Puisque le champagne n’est pas un vin de garde, et compte tenu en outre de ce qu’il risque de se détériorer assez rapidement s’il est mal conservé, on effectuera ses achats d’après ses besoins à court terme, ou même pour chaque occasion particulière, excepté, bien entendu, quand on ignore absolument l’époque présumée de l’ouverture des bouteilles, comme pour celles qui, au dire de certains, feraient partie du stock de précaution de... l’abri antiatomique de l’ Élysée.
Le restaurateur calculera son approvisionnement en fonction de sa consommation annuelle et s’efforcera de pas avoir en réserve de champagnes anciens, sauf s’il a une clientèle pour ce genre de vins, en Grande-Bretagne par exemple. Pour le champagne, dit Gilbert Letort, président de l’Association des sommeliers de Paris, dans interview de Gastronomie Magazine (décembre 1975), il est préférable de passer une commande de vingt-quatre bouteilles qu’une de cent vingt, donc de renouveler des commandes plusieurs fois afin d’offrir chaque fois un champagne récemment dégorgé.
Le particulier aura chez lui les quelques bouteilles qui lui permettront d’avoir toujours du champagne disponible pour son plaisir et pour parer aux imprévus (lors l’enquête SOFRES de 1973, 46 % des personnes interrogées avaient du champagne en réserve). En outre, pour chaque occasion, il achètera le champagne qui lui sera nécessaire ou, s’il reçoit beaucoup, il s’approvisionnera pour quelques mois.
La quantité à prévoir pour chaque cas dépend des circonstances. Pour une soirée, elle n’est pas la même si elle prend fin à 1 heure ou à 5 heures du matin. On en boira moins dans un déjeuner d’affaires que dans un dîner de fête, surtout si celui-ci doit durer longtemps, ce qui arrive encore de nos jours comme il y a près de deux siècles, lorsque Grimod de la Reynière écrivait : Cinq heures à table sont une latitude raisonnable pour un dîner nombreux et une chère recherchée [7] . On consommera davantage à un repas de corps de sapeurs-pompiers que chez Lasserre au déjeuner des dames du jury du prix Fémina, mais à l’apéritif les femmes boivent parfois plus que les hommes.
Pour le succès d’une réunion, quelle qu’elle soit, il faut en tout cas ne pas lésiner sur l’approvisionnement en champagne et se rappeler que dans un repas il s’en boit toujours plus que de tout autre vin. Voici quelques indications concernant les quantités à prévoir par personne : apéritif, petit déjeuner, goûter : un quart à un tiers de bouteille ; fin de repas : un cinquième à un quart de bouteille ; déjeuner et dîner au champagne : une demi-bouteille à une bouteille ; brunch, souper : un tiers de bouteille à une demi-bouteille, et davantage pour les réveillons de fin d’année ; vins d’honneur, au minimum un sixième de bouteille, normalement un quart ou un tiers de bouteille ; réception familiale et mondaine, un tiers de bouteille à une demi-bouteille ; bal, soirée dansante, une demi-bouteille à une bouteille.
Le magnum, que les Belges appellent la bouteille de famille, a surtout sa place dans les repas au champagne dont il rehausse la classe, comme d’ailleurs le jéroboam. Les très grandes bouteilles sont d’un usage peu pratique à table ; leur emploi ne se justifie que pour des réceptions de prestige importantes. La demi-bouteille est commode pour un tête-à-tête sous la lampe et le quart convient à l’usage individuel, notamment pour les malades. compte tenu cependant de ce que l’on a vu à propos des relations entre la qualité du champagne et la taille de la bouteille, il peut être préférable, pour la consommation au verre, d’ouvrir une bouteille et, si elle n’est pas terminée de la fermer avec un bouchon ad hoc. Le quart reste tout cas très utile pour les voyages sur les lignes ferroviaires et aériennes, pour la restauration ambulante individuelle. En 1892, Verlaine se rendant en Hollande faisait ajouter un quart de champagne au panier repas qu’il achetait au buffet de la gare frontière, entre Saint-Quentin et Mons [8].
Qui se charge de l’achat du champagne ? Pendant deux siècles, ce fut la responsabilité exclusive du maître de maison. Mais les temps sont changés et c’est maintenant le plus souvent la maîtresse de maison qui s’en acquitte. Selon l’enquête SOFRES de 1973, la responsabilité du choix de la marque lui incombe pour 46 %, contre 35 % au maître de maison et 19 % à l’un ou l’autre. On revient ainsi aux habitudes antiques car, à Athènes et à Rome, c’étaient les femmes qui s’occupaient des vins. Cornelia, mère des Gracques, s’est rendue célèbre par ceux dont elle approvisionnait la table de sa villa du cap Misène.
À l’achat, le champagne doit être choisi avec discernement. Bien sûr, c’est une bouteille embuée de gestes, de symboles, toute folie en tête, une magie effervescente qui s’amarre fermement dans la mémoire. Mais c’est aussi un vin bien français, avec tout ce que cela comporte d’élégance, d’humour greffé sur une rigueur bien calculée, a écrit Joëlle Goron, dans le numéro de décembre 1978 de Cosmopolitan. Elle ajoutait : Que ce soit pour vos soupers pré-câlins, l’achat de votre premier studio ou votre dernière promotion, ce n’est pas une raison pour boire n’importe quoi sous prétexte que c’est toujours de la mousse.
Quel champagne faut-il acheter ? Celui, bien entendu, qui convient au goût de l’amateur et à l’utilisation projetée, compte tenu des moyens financiers. Pierre-Marie Doutrelant a écrit : Le meilleur champagne ? Beaucoup d’experts éludent la question. Comment définir la bouteille idéale ? Les uns préféreront un vin corsé, vineux. Les autres retiendront un champagne léger, spirituel [9]. La gamme est assez étendue pour que chacun y trouve celui de son choix, et Joëlle Goron concluait dans l’article précité : Il n’y a pas un « meilleur champagne », il n’y a que des champagnes préférés.
De toute façon, écrivait dans le numéro de septembre 1979 de la Revue technique de l’hôtellerie Georges Prade, le choix d’une bouteille demande réflexion. Rien ne serait plus démoralisant que de voir devant un rayon le chaland prendre au hasard n’importe quelle bouteille à condition qu’elle mousse. La rivalité intermarques est salutaire. Les connaisseurs sélectionnent donc avec discernement non seulement le type de champagne, mais aussi la marque. Certains, on l’a vu lors de l’étude du rôle de celle-ci dans le commerce du champagne, restent fidèlement attachés à une étiquette qui devient leur champagne, d’autres font au contraire preuve d’un large éclectisme qui leur permet d’augmenter leurs connaissances ès champagnes.
Les néophytes s’en remettront aux conseils de leur fournisseur ou d’amis éclairés qui les aideront à se retrouver dans la gamme des différents champagnes, dont les types, qui peuvent se cumuler, sont rappelés ci-après. Selon les raisins choisis et les assemblages : blanc de blancs, dominante de blancs, blanc de noirs, dominante de noirs, absence de dominante, rosé. Selon les années choisies pour la cuvée : sans année, millésimés (généralement offerts dans un, deux ou trois millésimes). Selon la pression : classique, crémant. Selon le dosage : non dosé, brut, extra-dry, sec, demi-sec.
Il existe en outre, faut-il le redire, un grand nombre de marques, avec un large éventail de prix allant du simple au double, et même au triple ou au quadruple pour les cuvées spéciales et les récemment dégorgés.
Où faut-il acheter le champagne ? Partout où il est correctement conservé, chez le producteur, dans celles des grandes surfaces dont le rayon des vins est rationnellement organisé et est tenu par des spécialistes susceptibles de guider la clientèle, dans les pâtisseries, dans les magasins spécialisés, où l’acheteur dispose du choix le plus large et, en la personne du marchand et de ses collaborateurs, de conseillers précieux.
On peut aussi, bien que ce soit moins courant, acheter du champagne dans les ventes aux enchères, où on peut trouver des millésimes anciens, fantaisies de collectionneur qui ne réjouissent pas toujours le palais de l’amateur mais peuvent avoir un intérêt historique, mais aussi des champagnes moins âgés glissés à dessein dans les offres par une marque qui figurera ainsi sur le programme, ce qui est une forme de publicité. Les ventes publiques de vins fins sont fort anciennes. Sous le Directoire, là, passe, repasse, écrivent les frères Goncourt, tout le vin vieux de la France du vieux temps : des caves aussi précieuses que cette cave du duc de Mazarin, riche de vingt-cinq mille bouteilles de champagne [10]. De la même époque datent les célèbres ventes qui se déroulaient à Londres chez Christie, et s’y poursuivent encore après une interruption de 25 ans, de 1940 à 1965. Des enchères historiques y eurent lieu en 1887 avec la vente d’une douzaine de magnums Perrier-Jouët Reserve Cuvée 1874 vendue 780 shillings.
Parmi les records plus récents, on peut citer la vente à l’Espace Cardin, pour la sauvegarde de Venise, le 21 novembre 1972, de deux magnums de Henriot brut 1928 pour 5 200 francs (4 300 euros 2004), achetés par un collectionneur anglais, et celle le 30 janvier 1980, au gala de l’UNICEF, d’une bouteille de Moët & Chandon 1890, achetée pour 30 000 francs (10 800 euros 2004) par Jacki Clérico, propriétaire du Moulin-Rouge où avait lieu la manifestation et qui avait ouvert ses portes en... 1890. Cette bouteille a eu un sort imprévu. Après l’avoir achetée, M. Clérico l’avait placée dans le placard de son bureau en attendant de lui donner sa destination finale. Ce bureau avait été donné comme loge à Jerry Lewis, qui participait au gala. Découvrant la bouteille et ayant soif, il l’a ouverte et a bu, sans s’en rendre compte, pour plus de 20 000 francs de champagne centenaire et... tiède.
En général les prix, même s’ils ne sont pas gonflés pour des motifs philanthropiques, ne sauraient convenir à l’amateur moyen. Comme l’écrit très justement dans le numéro de novembre 1980 de The Connoisseur Michael Broadbent, spécialiste des ventes aux enchères, le champagne, comme beaucoup d’autres vins, est un véhicule impropre aux investissements car il ne gagne pas en valeur en vieillissant. Le champagne est fait pour être bu, non pour tourner et faire commerce.
[1] GUAGNINI (Enrico). Lo Champagne. Florence, 1979.
[2] MONSELET (Charles). Les Lettres gourmandes. Paris, 1877.
[3] MAUMENÉ (E. ;J.). Traité théorique et pratique du travail des vins, leur fabrication, leurs maladies. Fabrication des vins mousseux. Paris, 1873.
[4] VIZETELLY (Henry). A History of champagne with notes on the other sparkling wines of France. Londres, 1882.
[5] FEUERHEERD (H.L.). The Gentleman’s Cellar and Buller’s Guide. Londres, 1889.
[6] DUMAY. Le Guide du vin. Paris, 1967.
[7] GRIMOD de la REYNIÈRE (Laurent). Almanach des gourmands. Paris, 1803-1812.
[8] VERLAINE. Quinze jours en Hollande.
[9] DOUTRELANT (Pierre-Marie). Les bons vins et les autres. Paris, 1976.
[10] GONCOURT (Edmond el Jules de). Histoire de la Société française pendant le Directoire.