UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2011 - Une maturité d’année précoce sous le signe de la fraîcheur

Avec un mois de juillet pluvieux, plutôt gris et extrêment frais et un mois d’août globalement frais et humide mis à part quelques brusques périodes très chaudes, il était difficile de prévoir comment allait se dérouler cette maturation d’année précose. Une fois le scénario caniculaire écarté, il fallait rester sur ses gardes car la maturation a bel et bien débuté fin juillet avec des journées longues et un ensoleillement tout a fait honorable. Une cinétique forte d’accumulation des sucres s’est mise en place dès la première semaine de suivi, et dans le même temps, les poids de grappes progressaient considérablement. Au final, il semblerait que 2011 soit une année record en terme de vitesse de charge en sucres par rapport aux archives informatisées du réseau matu depuis 1988.

Rendements 2011 : merci aux précipitations estivales !


Alors que les estimations précoces étaient plutôt pessimistes, du fait des conditions de sècheresse printanière inédites, c’est finalement des rendements très honorables qui seront enregistrés à la vendange 2011. Le retour de la pluie de juin à août a grandement favorisé le grossissement des baies et les poids de grappes atteindront finalement des valeurs élevées proches de la moyenne de ces dix dernières années. Alors que les premières estimations du rendement agronomique tablaient sur 12 500 kg/ha, ce sont finalement pas loin de 14 000 kg/ha qui seront vendangés en moyenne sur l’ensemble de l’AOC Champagne.

Le débourrement avait déjà été relativement précoce, se déroulant sur la première décade d’avril, c’est-à-dire avec une bonne semaine d’avance par rapport à la moyenne décennale. Toutefois, c’est véritablement le stade floraison qui entérine la précocité inédite de 2011 avec une date de pleine fleur comprise entre le 24 et 29 mai. Dès lors, la commission technique décide de communiquer sur cette précocité pour que chacun envisage en termes d’organisation la possiblité d’une vendange au 15 août si le scénario "chaud" venait à se prolonger. Ces estimations n’étaient pas si fantaisistes que cela puisque l’avance de trois semaines acquise à la fleur s’est bel et bien maintenue jusqu’à la véraison. Les premières baies vérées ont été observées à la mi-juillet et le début véraison à proprement parler démarre avec le suivi du réseau maturation autour du 25 juillet. Précisément, on retiendra la date du 28 juillet pour les noirs et le 1er août pour le chardonnay. Les raisins évoluent très vite tant au niveau de l’accumulation des sucres que de la couleur et le stade mi-véraison est atteint le 7 août pour les noirs et le 10 août pour les blancs.

Retour sur les estimations de rendement

Fin juin, les correspondants AVC estiment la montre à 13,5 grappes/m2 pour le chardonnay, 11,8 grappes/m2 pour le pinot noir et 11 grappes/m2 pour le meunier. En compilant les comptages des techniciens Magister, des Maisons de champagne, des GDV et des Commissions de Suivi des Conditions de Production, on parvient à une moyenne pondérée selon l’encépagement des départements de 12,1 grappes/m2 pour le chardonnay et de 9,9 grappes/m2 pour le pinot noir et pour le meunier.

Poids de grappes
Début juin, les modèles Decliq sont assez pessimistes et prévoient que la sécheresse printanière ait d’importantes conséquences sur le potentiel de grossissement des baies.
Ces prévisions paraissent en décalage par rapport au bel aspect visuel des grappes. Aussi, pour les calculs, on choisit de retenir un poids moyen de 135 g pour les trois cépages, qui est aussi plus cohérent avec les poids moyens de grappes de ces 10 dernières années. On obtient comme première estimation de rendement potentiel pour la Champagne 12 500 kg/ha. Une valeur en phase avec le bilan des premières tournées de l’AVC qui approche les 12 700 kg/ha.

Estimations à la veille de la vendanges
Lors du premier prélèvement maturation, le 25 juillet, les poids moyens de grappes s’élèvent déjà dans la Marne à 94 g pour le chardonnay, 98 g pour le pinot noir et 89 g pour le meunier. Au 15 août, les poids de grappes dépassent largement les valeurs relevées par les estimations et dépassent même les moyennes décennales.
En reprenant les comptages de grappes réalisés sur les parcelles du réseau de suivi de la maturation et les poids de grappes évoqués ci-dessus, le rendement moyen estimé pour la Champagne s’élève alors à 14 500 kg/ha.

Botrytis plus de peur que de mal

Les premiers foyers de botrytis nous ont été signalés fin juin début juillet, en particulier sur les cépages noirs. En effet, dès le premier prélèvement maturation, le 25 juillet, on enregistre déjà quelques pourcents de grappes touchées. La situation évolue de façon importante durant le week-end du 15 août et à la veille de la réunion de fixation des dates de vendanges, la fréquence de grappes concernées par le botrytis dépasse les 20 % sur les pinots noirs comme sur les meuniers.
Cette situation préoccupante a pu jouer localement dans la prise de décision concernant les propositions de dates remontées par les délégués régionaux de l’AVC. Finalement les premiers coups de sécateurs sont donnés dès le 19 août et fort heureusement, grâce à des conditions climatiques favorables, le développement du botrytis se stabilise. Au final, on retiendra davantage de cette vendange l’importante prise de poids des grappes sur la phase de maturation, que la dégradation liée à la pourriture grise. D’après les correspondants de l’AVC, les pertes dues au tri en moyenne sur l’ensemble de l’AOC ne représentent pas plus de 7 % de la récolte, soit environ 1 000 kg/ha.

Maladies et ravageurs - Faible pression parasitaire

Encore une année bien singulière ! Difficile de garder ses repères. Avec un été au printemps et en automne, et des mois de juillet-août maussades pour ne pas dire froids et pluvieux. Tout comme la vigne et les vignerons, les maladies et ravageurs ont été désorientés. Retour sur cette campagne atypique.

Mildiou

Le mildiou a beaucoup souffert des conditions climatiques exceptionnellement sèches du printemps. Excepté dans la Côte des Bar, partout ailleurs, le mildiou a été particulièrement... absent.

La sécheresse qui s’est installée au printemps, de mars à mai n’a pas été propice à la mise en place de l’épidémie. Dans la Côte des Bar, plus arrosée fin avril et en cours de saison, l’épidémie est classique avec une pression normale à forte localement surtout au sein des parcelles ayant subi des dégâts de gel, aux repousses plus turgescentes au moment des pluies. L’effet du gel sur l’affaiblissement des défenses naturelles est également une hypothèse à envisager. Globalement, partout ailleurs, la pression est faible à très faible. Le vignoble est d’une rare verdeur uniforme et le restera jusqu’à l’arrêt de la protection antimildiou et même bien au-delà ! En fin de période d’observation des réseaux (fin juillet), moins de 20 % des parcelles du réseau Magister est concerné par la présence de mildiou sur feuilles et moins de 1 % sur grappes. C’est du jamais vu en 20 ans. Cette année a donc été particulièrement favorable pour réduire les intrants. Au final, le résultat est impeccable à la vendange, si on ne tient pas compte des quelques taches sur entre-coeur, sans aucun impact sur la maturité, juste là pour nous rappeler que le mildiou "ne meurt jamais". Et même si après la récolte, les coups de chaleurs successifs ont fini par griller les limbes, effeuillant prématurément les parcelles sans couverture fongicide depuis fin juin, il est toujours bon de rappeler les résultats des essais réalisés par le CIVC de 1998 à 2003. En effet, on ne démontre aucune différence, même au bout de cinq ans, entre une modalité effeuillée manuellement à 100 % après vendange et une autre à qui on a laissé ses feuilles jusqu’à leur chute naturelle.

A l’échelle du vignoble, le mildiou en 2011 est sans impact sur la vendange.

Brenner

Autre grand absent de cette campagne, le brenner. Encore présent sur quelques rares parcelles du Barséquanais, il ne justifie aucune intervention spécifique. La protection consiste en l’utilisation d’anti-mildiou, puis d’anti-oïdium homologués contre cette maladie. Il est sans aucune incidence sur cette vendange.

Oïdium


La pression oïdium étant souvent le négatif de la pression mildiou, nous aurions pu craindre en 2011, une forte présence de la maladie en cours de campagne, puis à la vendange. Encore une fois, cette année bouleverse les habitudes. En effet, l’indicateur oïdium montre très vite un risque épidémique élevé d’après le grand nombre de parcelles de chardonnays touchées sur feuilles du réseau Magister, en préfloraison. C’est à ce moment que la protection contre l’oïdium est mise en place, parfois même avant la protection anti-mildiou. Les conseils sont à la prudence : pas de "trou" dans la protection, même si le beau temps perdure et que les cadences des anti-mildiou peuvent être étirées. Souvent, dans les secteurs les plus sensibles, un anti-oïdium est appliqué avec l’anti-pourriture pour renforcer la protection au niveau des grappes, et les poudreuses flambant neuves côtoient celles redescendues des greniers. Ces interventions à base de soufre poudre ont été appliquées dans d’excellentes conditions cette année (temps sec avec une bonne luminosité) et ont pu faire la différence dans certains cas. Le temps maussade et pluvieux qui prend possession du ciel aux mois de juin, juillet et août n’a pas été favorable non plus au développement de l’épidémie. La faible pousse notamment des entre-coeurs qui caractérise aussi l’année 2011, peut également avoir contribué à la bonne maîtrise de cette maladie qui préfère l’ambiance confinée et mal protégée des entassements de végétation. Pourtant, la présence d’oïdium sur grappes semble inquiéter tout début août. Les réseaux de surveillance parcellaires n’étant plus actifs, une série d’observations complémentaires sur grappes, sur une centaine de parcelles des secteurs les plus sensibles a néanmoins été entreprise sur le réseau Magister. Il en ressort globalement que I’oïdium ne s’est développé fortement sur grappes que dans les parcelles où la pression était déjà importante sur feuilles à la floraison (fin mai) et/ou sa présence avait déjà été détectée fin juillet. Dans la plupart des cas, cela s’explique par une protection qui n’était pas sans faille.

Et comme tous les ans maintenant, le feutrage blanc de l’oïdium sur feuilles qui tend à se généraliser après les vendanges est source d’inquiétudes. Il semble donc utile de rappeler que les cléistothèces (formes de conservation hivernale de l’oïdium) sur les feuilles tombées au sol ne seront pas source de contamination l’année suivante. Ils ne sont pas viables après l’hiver. Seuls ceux tombés sur l’écorce des ceps survivent et sont source de contamination au printemps. Quant à espérer régler le problème d’une parcelle en réduisant la taille de l’inoculum de départ, ce n’est qu’une illusion. Qu’une épidémie démarre avec un million ou un milliard de cléistothèces, peu importe. Ce sont les conditions de l’année qui détermineront la puissance de l’épidémie, notamment si celle-ci rencontre très tôt des conditions favorables à son installation, ou non.

Pourriture

Comme les mois de juillet et août n’ont pas été, comme on aurait pu s’y attendre, chauds et secs, mais frais et surtout pluvieux, la pourriture a été la principale source d’inquiétude en fin de campagne. Certes, si on compare 2011 à 2010, les pertes de récolte liées à la pourriture grise sont moindres. Mais le bilan sanitaire final reste toutefois contrasté. Les cépages noirs aux grappes plus compactes sont principalement concernés. Par contre, les chardonnays sont très sains et le restent encore quasiment jusqu’à la fin des vendanges.

Les premiers foyers de pourriture sont signalés dans les tous derniers jours de juin. Ils se limitent dans un premier temps à quelques baies sur quelques parcelles. Mais, dans l’ambiance humide de l’été et à la faveur d’entassements de grappes ou de végétation, de blessures des pellicules fragiles ou bien d’éclatements de baies gorgées d’eau, les taux d’attaques évoluent parfois même plus vite que la maturation. Ce qui bouleverse là aussi les habituels circuits de cueillette. Autre facteur aggravant la sècheresse des sols jusqu’en pré-floraison. Elle peut avoir eu au moins deux conséquences : d’une part, un décalage entre les besoins en azote et son assimilation, d’autre part, une fragilisation de la pellicule des raisins. En effet, le manque d’eau subi par la vigne jusqu’à la fin de la floraison peut avoir eu des répercussions physiologiques notamment sur la "programmation" de la taille des baies qui se fait à ce moment-là. La vigne peut s’être préparée à subir encore ce manque et, pour ne pas trop en souffrir, "décidé" de ne pas prévoir de puits -les baies- trop grands, avec une faible capacité de grossissement. Mais le temps change radicalement, grossi, les grappes sont bien remplies et de belle taille, mais sont rendues plus fragiles.

Une autre conséquence de cette exceptionnelle sécheresse printanière, un décalage entre apport, assimilation et besoin en azote. Les différents amendements apportés en fin d’hiver n’ont pratiquement reçu aucune goutte d’eau et ont donc eu du mal à se dégrader. Les sols, très secs sur les 40 premiers centimètres, n’ont pas été favorables à l’assimilation des différents apports azotés au moment où la vigne en a besoin, c’est-à-dire plante dans la solution du sol. La verdeur du feuillage en témoigne. Nous sommes alors au moment de la croissance des baies. Une raison de plus pour qu’elles grossissent d’autant mieux, au risque d’être plus fragiles. Généralement, ces phénomènes ont été moins marqués sur les parcelles enherbées même si certaines n’y ont pas complètement échappé. Cela s’explique notamment par un enracinement généralement plus profond, d’où une moindre dépendance aux phénomènes de surface (sècheresse ou apports d’eau brutaux) et à une vigueur maîtrisée.

Globalement, on peut estimer la proportion de récolte touchée par la pourriture grise à environ 6 % (source Questionnaires AVC). La perte de récolte due au tri est évaluée à 1000kg/ha.

Litinéraire hydrique du millésime 2011 - La crainte d’une sécheresse, dissipée par un été plus humide

L’année 2011 est pour le moins atypique. Elle démarre sur les chapeaux de roues avec un printemps très excédentaire pour les températures moyennes et les heures d’ensoleillement et très déficitaire pour ce qui est de la pluie. L’été 2011, offrant tantôt un climat de saison, tantôt des épisodes frais et pluvieux, tranche avec cette situation printanière. Conclusion, une contrainte hydrique qui s’établit très tôt dans la saison, à un stade inédit. Depuis 2009, un ensemble de mesures est réalisé sur la parcelle "Terroir" du vignoble expérimental de Plumecoq à Chouilly. Ces mesures ont pour but de suivre le comportement hydrique de cette parcelle et aider à la compréhension des différentes observations faites sur l’ensemble du vignoble. L’alimentation en eau de la vigne est l’un des principaux facteurs déterminant le développement végétatif et la qualité de la vendange.

L’eau et la température sont les deux facteurs qui expliquent en grande partie le comportement de la vigne (mais aussi des parasites) au cours d’une saison. La vigne consomme de grandes quantités d’eau, nécessaires à son développement, que ce soit pour le développement végétatif ou la compensation de l’évapotranspiration. Elle puise donc de l’eau dans le sol qui constitue alors un réservoir, dont le niveau fluctue en fonction de l’offre et de la demande :

  • l’offre étant les précipitations et les éventuels transferts d’eau par ruissèlement,
  • la demande étant le prélèvement par la vigne et l’évapotranspiration du sol. Au sein de la station expérimentale de Plumecoq à Chouilly, une parcelle expérimentale nommée "Terroir" permet de suivre l’évolution de l’eau dans les sols et sa disponibilité pour la vigne.

Conclusion

Nous retiendrons surtout de 2011, son printemps exceptionnellement chaud et sec, entraînant une vendange pour le moins précoce. Un tel ’trou’ dans les précipitations de mars à mai, au moment où la pousse de la vigne est la plus forte, n’est pas sans incidence sur la vigueur et l’expression végétative. Ce retard dans l’établissement du feuillage ne sera d’ailleurs jamais comblé au cours de la saison.
Le manque d’eau a entraîné une baisse de minéralisation, d’assimilation d’azote et autres éléments fournis par le sol. Dans de nombreuses parcelles, cette situation s’est traduite par l’apparition de chlorose plus prononcée que les années précédentes, mais surtout par une baisse générale d’expression végétative.
Quant à la récolte, les rendements à la vendange nous montrent que l’impact de cet épisode sur le développement des grappes a été minime.
Il serait exagéré de considérer le millésime 2011 comme une année à forte contrainte hydrique. En comparant l’itinéraire 2011 à celui de 2009 et 2010, on voit bien que les sols ne sont pas descendus à des niveaux de dessèchement poussés. Une contrainte hydrique se définit par son intensité, sa durée et la période à laquelle elle survient. Cette année, c’est ce dernier paramètre qui lui confère une dimension exceptionnelle.

Le Vignerons Champenois n° 10 - novembre 2011

Portfolio

  • Une floraison record fin mai