UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Max Sutaine

Littérature du vin et de la table (1845)

ESSAI SUR L’HISTOIRE DES VINS DE LA CHAMPAGNE

A quelle époque lAy a-t-il pour la première fois pétillé sur la table de nos pères ? Voilà, je l’avoue avec la profonde humilité convenable en pareille circonstance à tout historien, ce que les recherches les plus minutieuses, les plus consciencieuses n’ont pu m’apprendre. [...]

Nous savons déjà les progrès que [...] dom Pérignon fit faire à la culture de la vigne et à l’art de la vinification. Il était digne de comprendre cette admirable invention.

Peut-être aussi est-elle due au hasard, au hasard, qui a fait tant de précieuses découvertes, dont l’orgueil des hommes s’est approprié la gloire et le mérite. [...]

Malgré le succès qu’obtinrent les vins mousseux, on ne se livra d’abord à leur fabrication qu’avec beaucoup de prudence et de circonspection. Quoique la mousse fût en général plus faible que celle qu’on exige aujourd’hui, cependant, comme son plus ou moins d’intensité dépendait du hasard, et qu’on ne connaissait alors aucun moyen de régulariser sa marche, elle acquérait parfois une violence qui venait déjouer tous les calculs des spéculateurs. La "casse" ravageait alors les caves’. [...] De là, sans doute, le peu d’extension que prit d’abord le commerce du Champagne mousseux. [...]

En 1780, un négociant d’Épernay tira cinq à six mille bouteilles, et l’importance de ce tirage fut remarquée. En 1787, une des premières maisons’ de la même ville et de toute la Champagne osa risquer une opération de cinquante mille bouteilles ; cela parut prodigieux et l’on ne comprenait pas qu’il fût possible de trouver des débouchés pour une quantité aussi considérable. Aujourd’hui, la même maison compte ses bouteilles par millions.

Nous avons entendu dire souvent qu’il était impossible que les vignes de la Champagne satisfissent aujourd’hui à la consommation, et qu’en

1. Pbur le phénomène de la "casse", voir page 754.
2. La maison Moët
conséquence une bonne partie du Champagne exporté devait être le produit d’une fabrication artificielle. C’est là un préjugé grave et qu’il importe de détruire : le plus simple rapprochement de chiffres suffira pour en faire justice’.
1845
1. L’argument est peu convaincant car les statistiques n avaient à l’époque qu’une valeur très relative (d’autres chiffres démontraient le contraire), et il n’existait pas de réglementation de l’appellation, celle-ci ne datant que du XX* siècle.