ALLUMONS LA BACCHANTE
Un riche amateur qui avait commandé à un peintre une “Bacchante” se plaignait que le modèle manquât d’expression. Le peintre offrit à la jeune femme, pour la détendre, un déjeuner où le champagne coula avec la même abondance que si c’eût été l’eau du ciel. Et après le déjeuner, je vous prie de croire que, pour une bacchante allumée, c’était une bacchante allumée.
1891
Nouvelles - À se tordre
FABRIQUE DE VEUVES
Jules Dupaf raconte comment ayant vainement essayé de vendre aux Américains du Veuve Piquot, il eut une idée géniale pour réparer son échec.
Je me mis en campagne pour découvrir une veuve Clicquot. Aucune veuve Clicquot. Ah ! il n’y a pas de veuve Clicquot ? eh bien ! faisons-en une. Il découvre en Corrèze une famille de Clicquot, choisit le membre le plus décheté de cette famille et le marie à l’aînée des pétulantes filles de McLarinett, panthères noires de Java qui seraient blondes. [...] Trois mois après, il n’y avait pas plus de Clicquot que sur la main. [...] Mais je tenais une veuve Clicquot !
1893
Nouvelles - Pas de bile
LE CHAMPAGNE FRANÇAIS
ET LES VINS MOUSSEUX DU RHIN
Dînant au casino d’un de ses régiments, l’Empereur se troubla en voyant servir, d’un bout à l’autre du repas, du champagne français.
— Voyons messieurs, dit-il, c’est de la folie. Votre vin est très bon, j’en conviens ; mais il vous coûte fort cher et puis il est français. Pourquoi ne vous mettez-vous pas au mousseux allemand ? [...]
Les officiers chargés de la cave se le tinrent pour dit et, comme c’étaient des gourmets n’ayant pas le gosier nickelé, ils achetèrent... des étiquettes allemandes qu’ils apposèrent sur du vin français.
À quelque temps de là, ayant eu à nouveau la visite de l’Empereur, ils lui servirent le produit en question.
— Fameux ! Qu’est-ce que je vous disais ? Vous voyez bien que nos compatriotes ne le cèdent plus en rien aux Français.
août 1900
“Le Sourire”
BALANÇOIRES
On parlait du tunnel sous la Manche et quelques individus émirent à ce sujet de baroques imaginations. [...] L’un d’eux ne rêvait-il pas de couvrir le Pas-de-Calais avec je ne sais plus combien de milliards de vieux bouchons à champagne, sur lesquels, vous et moi, serions passés à pied sec.
1900
Nouvelles - Ne nous frappons pas
LE CAPTAIN CAP
Le commodore, ami du capitaine, est un amateur de champagne.
Dans une bodega espagnole tenue par des Belges qui vendent des boissons américaines [...] le commodore profita d’une vague accalmie pour faire venir une bouteille de champagne (un petit extra-dry, au sujet duquel je ne vous dis que ça), et un peu plus tard le captain Cap, s’apercevant que la bouteille d’extra-dry était vide, eut un rictus de douloureuse stupeur auquel l’homme du bar ne se méprit point : il en rapporta une autre.
1902
EN RIBOULDINGUANT
L’ACIDE CARBONIQUE
En mer.
Minnie gagna douze bouteilles de champagne, qu’elle n’hésita pas à faire aussitôt diriger sur sa cabine. [...] Elle tint à constater la valeur de son breuvage. [...] II était exquis et de grande marque. [...] Comme toutes les Américaines, Minnie adore le champagne, mais pas tant que son institutrice. La vieille outarde se chargea, à elle seule, de faire un sort aux trois quarts de la bouteille. Minnie était indignée. Elle me prit à l’écart.
— Est-ce qu’elle va boire toute ma champagne, cette vieux chameau ! Tâchez à lui faire une bonne blague pour qu’elle est dégoûtée de cette liquide.
Le narrateur s’assure de la complicité du médecin du bord, qui lui procure de l’acide tartrique et du bicarbonate de soude.
Je plaçai ces produits chimiques au fond d’un vase d’ordre tout intime à l’usage coutumier de la vieille outarde et j’attendis.
Le lendemain, je m’amusai beaucoup du récit du docteur.
Dès le matin, elle l’avait fait mander, et, folle de terreur, lui avait raconté son étrange indisposition.
— Ça moussait ! ça moussait ! Et ça faisait pschi, pschi.
— N’aviez-vous pas bu des boissons gazeuses, hier ? demanda-t-il.
— Si, du champagne.
— C’est bien cela. Vous ne pouvez pas digérer l’acide carbonique. Ne buvez-plus ni champagne, ni soda, ni rien de gazeux.
s.d.