UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Yves Navarre

Littérature générale (1980)

LE JARDIN D’ACCLIMATATION

(Prix Goncourt 1980)

Au Taillevent un des premiers restaurants de Paris, Henri, grand bourgeois, ancien ministre, 74 ans, retrouve sa soeur Suzy qui vient de perdre Jean, son mari, qui était un auteur à succès.

Le seau à champagne. La bouteille. La serviette blanche. Et pour eux deux un bouchon qui va sauter. [...]

Le bouchon saute. Un petit peu de mousse. Le serveur remplit les coupes’. Henri et Suzy trinquent. [...] Suzy ne fait que tremper ses lèvres, petit goût, amer et pétillant, au bout de la langue. Elle pose la coupe, la fixe du regard. Henri, lui, boit à petites gorgées. Les vins blancs lui sont interdits mais il boit, consciencieusement. [...] Elle observe les petites bulles de champagne, qui remontent jusqu’à la surface, éclatent, se renouvellent. Jean disait de ces bulles « elles sont l’image exacte du public de "La Carambole", plus il en monte, plus il en éclate, plus il en vient ». Il ajoutait « le drame de ce champagne-là, c’est qu’il ne s’évente parfois pas. On croit alors, un peu, malgré tout, à ce que l’on a créé ». [...] « A ta solitude, veuxtu ? Qu’elle devienne meilleure en ne s’interrogeant plus ». Suzy ne trinque pas. Elle regarde les bulles dans sa coupe.

1980

1. Au Taillevent, on ne fait pas sauter les bouchons. On y verse le champagne dans des "verres à

champagne", comme il se doit, non dans des coupes.