Mme Pommery (1819-1890), épouse, à 20 ans Louis Alexandre Pommery, propriétaire d’une petite Maison qui produit moins de 100.000 bouteilles par an. Celui-ci étant décédé rapidement, c’est son épouse qui conduira très habilement l’entreprise pour lui faire atteindre une production de deux millions de bouteilles.
Mère de deux jeunes enfants à 39 ans, Mme Pommery fait preuve de courage, d’esprit de décision et se montre entreprenante. Chaque matin, elle se lève à cinq heures et rédige elle-même un abondant courrier. Son petit-fils, le marquis de Polignac, la décrit au travail :
Je la revois alors que j’allais l’embrasser de bonne heure le matin, avant de partir en classe, assise à son bureau, entourée d’un monceau de dossiers, ayant déjà écrit de sa propre main plusieurs lettres et se préparant au dur labeur d’une journée qu’elle remplissait d’une infatigable activité.
Elle est aussi une femme de caractère.
Durant la guerre de 1870, le Comte de Waldersee (Officier prussien) manifestait son étonnement de la voir seule dans sa maison avec sa fille. Elle lui répondit n’avoir reçu jusqu’alors que des personnages bien élevés, mais que, s’il en était autrement, elle avait un revolver qui ne la quittait jamais. Les officiers prussiens lui rappelèrent la défense expresse de détenir une arme mais le comte de Waldersee lui dit alors :
Conservez votre arme, Madame. Ce ne sont pas les Prussiens qui désarment les dames, ce sont les Dames telles que vous qui désarment les Prussiens
Mme Pommery construit en 1868 un ensemble architectural, sur un terrain de 65 hectares sur la Butte Saint-Nicaise rachetée à Ruinart (qui est la plus ancienne des Maisons de Champagne). Des travaux d’aménagement des 120 crayères (d’origine gallo-romaine) sont entrepris pour permettre un meilleur vieillissement des vins. Le sculpteur châlonnais Navlet exécutera dans trois de ces crayères de vastes bas-reliefs et un escalier monumental de 116 marches termine l’ensemble qui est inauguré en 1878. Elle réduit la pénibilité des travaux manuels en équipant ses caves de rails de transport de paniers à bouteilles.
Mme Pommery s’attache tout particulièrement à satisfaire les goûts de sa clientèle anglo-saxonne et nord-européenne et élabore des champagnes plus secs que ceux alors traditionnellement consommés comme vins de dessert. Elle introduit vers 1870 en Grande-Bretagne des dry, des very dry, puis des bruts qui furent à l’origine de l’énorme succès de la Marque. L’un d’eux, millésimé 1874, a même fait l’objet d’une ode gourmande et nostalgique publiée dans le magazine anglais Vanity Fair, daté du 27 décembre 1894.
Mme Pommery pratique aussi la bienfaisance. Elle fait bénéficier de ses largesses le personnel de sa Maison et même la population locale. Elle fonde des Institutions pour enfants nécessiteux qu’elle dote généreusement. C’est elle qui achète le célèbre tableau de Millet, "Des Glaneuses" (pour éviter qu’il ne parte à l’étranger) et en fait don au Louvre. Cette action de mécénat, exemplaire pour l’époque, conforta grandement l’image de sa Maison et renforça la confiance de ses livreurs de raisins. A titre posthume, elle léguera une collection de plus de 850 céramiques au Musée des Beaux-Arts de Reims. Le buste en marbre de la grande Dame se trouve au siège de la Maison Pommery. Elle apparaît comme la femme énergique et lucide qui sut faire du champagne qui porte son nom, l’une des étoiles de la Champagne.