Œuvre d’Eric Glâtre de 2001
(actualisation UMC)
1811 est connue dans les annales astronomiques comme « l’année de la Grande Comète », aperçue pour la première fois dans le ciel nocturne le 25 mars 1811 dans la constellation australe Argo.
Comme tous les grands phénomènes astronomiques, le passage de la Comète a été associé par les vignerons champenois à un fait marquant de l’année : une vendange d’une qualité exceptionnelle. « Incomparable sous tous les rapports », écrit un propriétaire d’Ambonnay à propos du vin de cette année-là.
La comète apparaît pour la première fois
sur une étiquette de champagne intitulée « Perrier-Jouët et Cie Épernay », pour un « Sillery mousseux 1846 ».
Deux étiquettes sans date de la même époque portent également l’étoile chevelue chez les cousins Perrier de Châlons-sur-Marne, Benjamin et Eugène, associés, et Joseph Perrier.
Elle se popularisera sur le miroir de certains bouchons et bornes de propriété du vignoble au cours de la décennie suivante, avec le succès qu’on lui connaît encore aujourd’hui.
Charles-Henri Heidsieck, âgé seulement de 21 ans, quitte Reims à cheval, avec un domestique, leurs bagages et des échantillons de vins de Champagne de son oncle Florens- Louis Heidsieck sur un cheval de bât, et parcourt 6.000 km, arrivant à Moscou dans un climat de guerre quelques mois avant Napoléon Ier et sa Grande Armée, poussant même jusqu’à Nijni-Novgorod.
Mise en application du Code d’instruction criminel et du Code pénal.
Le Livre de comptes Clients qu’ouvre Pierre Nicolas Perrier est la seule trace matérielle de la fondation de la maison Perrier-Jouët et Cie : ce jour-là, la nouvelle société achète au colonel George d’Aÿ six pièces de vin blanc à 140 francs et une de vin de taille à 80 francs. Le premier client est un certain Louis Antoine Friboin, sans doute d’Épernay, qui emporte 42 bouteilles et un panier pour 111 francs et 10 centimes.
Jusqu’en octobre 1813, Pierre Nicolas Perrier est associé à son père, qui solde une partie des achats de vins de la société Perrier-Jouët et Cie par inscription des sommes à leur « compte d’épicerie ». Selon cette formule originale de crédit, les vignerons fournissent du vin, puis soldent leur compte en dépensant le produit de leurs ventes dans l’épicerie paternelle de la place du Marché-au-Blé.
Naissance de François Charles Joseph Napoléon, fils de Napoléon Ier et Marie-Louise d’Autriche, roi de Rome, duc de Reichstadt, surnommé « l’Aiglon ».
Les troupes françaises évacuent définitive ment le Portugal après leur défaite de Fuentes de Onoro.
Allant au baptême du roi de Rome, Jérôme Bonaparte s’arrête chez Jean-Rémy Moët pour lui passer commande de 6.000 bouteilles de premier cru, et lui confie au passage un secret d’Etat : la déclaration de guerre imminente contre la Russie.
Dans son ouvrage consacréàJean-Rémy Moët et ses successeurs, Victor Fièvet rapporte que : « Pendant les belles années des campagnes impériales, c’est à Épernay un incessant passage de rois, princes, maréchaux, commissaires, officiers de tous grades, qui viennent s’initier chez Jean-Rémy aux joies du vin de la province. Il reçoit ainsi Joseph et Jérôme Bonaparte, respectivement rois de Naples et de Westphalie, les rois de Bavière et de Saxe ».
Cinquième voyage de Louis Bohne, à destination de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Autriche.
Dans l’Europe dévastée par la guerre, Louis Bohne constate que : « […] les Français et leurs produits sont mal accueillis ! ».
La crise économique éprouve toutes les villes de Champagne.
Poursuite de la Guerre de l’Indépendance en Espagne : les troupes françaises sont vaincues à Salamanque par le corps expéditionnaire anglais mené par le duc de Wellington et doivent bientôt abandonner Madrid.
Premiers succès du métier à tisser entièrement automatique inventé par le Lyonnais Joseph-Marie Jacquard, après avoir été combattu pendant plus de dix ans par les Canuts, à cause de l’économie de main d’oeuvre qu’il entraînait.
Sixième voyage de Louis Bohne, à destination de la Flandre et du Nord de la France.
Dans un contexte politique et économique très difficile, Madame Clicquot licencie tous ses voyageurs de commerce, sauf Louis Bohne, confiant ses intérêts à des placiers prospectant pour d’autres marchandises et qui ne sont rétribués qu’à la commission.
Dégradation de l’entente franco-russe, marquée par une intense activité diplomatique. La France et la Prusse s’allient contre Alexandre Ier, lequel signe des traités avec la Suède, l’Angleterre et la Turquie. L’alliance de la France et de l’Autriche est contredite par celle, conclue secrètement, entre l’Autriche et la Russie.
Pie VII, enfermé à Savone, finit par donner l’investiture canonique aux évêques nommés par Napoléon Ier.
Amené à Fontainebleau, il consent à un nouveau Concordat, très gallican, avant de se rétracter en mai 1813.
Campagne de la Grande Armée en Russie. Les effectifs en présence sont de plus de 600.000 hommes, dont un tiers de Français, 200.000 chevaux, 12.000 canons contre 230.000 Russes.
Les principaux faits de la guerre sont : le franchissement du Niémen, la prise de Vilna, Vitebsk et Smolensk, mais la bataille indécise et sanglante de la Moskova, puis l’incendie de Moscou affaiblissent Napoléon Ier, dès lors contraint à la retraite. Celle-ci s’amorce dans de très mauvaises conditions et tourne au désastre lors du franchissement de la Bérézina.
La Grande Armée est décimée par un hiver très rigoureux. Les pertes se montent à 500.000 hommes, contre 170.000 pour les Russes. La défection de la Prusse et de l’Autriche ne se fait pas attendre.
Seconde tentative de coup d’Etat du général Malet (la première remontant à 1809), qui est fusillé le 29.
André-Michel Pierlot, ancien tonnelier et entrepreneur de tirages, quitte Chigny, pour venir s’installer à Tours-sur-Marne et champagniser dans les murs d’une ancienne abbaye cistercienne édifiée au cours de la seconde moitié du XIème siècle.
C’est sous le n° 10497 qu’est déposée ce jour-là au greffe du Tribunal de Commerce de Reims une marque, appelée à devenir en 1887 la maison Veuve Laurent-Perrier.
Arrestation de Mgr de Boulogne, évêque de Troyes, pour avoir protesté contre les violences de la politique impériale à l’égard du souverain pontife, puis démission forcée.
Dans le Manuel du sommelier, ou instruction pratique sur la manière de soigner les vins, André Jullien décrit comme suit l’ensemble des opérations de remuage et de dégorgement :
« On tient la bouteille par le col, d’abord dans une position horizontale, on la fait osciller sur elle-même jusqu’à ce que le dépôt soit détaché et rassemblé en une seule masse, au milieu de la cavité inférieure ; on continue le même mouvement en inclinant la bouteille pour rapprocher le dépôt du col ; ensuite on place cette bouteille dans l’un des trous d’une planche percée, de manière qu’elle conserve l’inclinaison qu’on lui a donnée en la faisant osciller. On prend une seconde bouteille qu’on traite de la même manière ; chaque ouvrier continue ordinairement cette opération sur cent bouteilles. Lorsque la planche est couverte, on reprend la première bouteille, on la fait osciller de nouveau en l’inclinant davantage, et on la remet sur la planche toujours dans la même inclinaison. Après avoir fait osciller de même les autres bouteilles, on les reprend une troisième fois pour les agiter encore ; mais à cette dernière manipulation le dépôt doit être descendu dans le col de la bouteille, qu’on place tout-à-fait renversée sur la planche. On laisse reposer ainsi le vin pendant quelques jours, jusqu’à ce que le dépôt soit bien réuni et fixé sur le bouchon ; alors on débouche la bouteille sans la retourner, et le vin qui s’élance aussitôt au-dehors chasse devant lui le dépôt. On ne laisse sortir ainsi que le moins possible de liquide ; on retourne la bouteille et on la bouche ».